Les investissements horlogers explosent

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Après une année record, les grandes marques ont prévu en 2012 de dépenser des centaines de millions afin d'améliorer leurs capacités de production en Suisse. A la clé: la création de 2000 emplois.

Bilan - 18 janvier 2011

Serge Guertchakoff et Michel Jeannot



Alors que la crise s'est installée partout, que la récession menace tous les pays occidentaux et que la force du franc pénalise sévèrement l'industrie d'exportation, les horlogers sont sur un nuage. Ils viennent de réaliser la meilleure année de tous les temps, investissent massivement et engagent à tour de bras. Et ce n'est pas terminé: en 2012, la branche va investir plus de 650 millions de francs en Suisse dans les seules capacités industrielles et espère trouver près de 2000 nouveaux collaborateurs. Explications d'un phénomène.

Après une année 2011 record enregistrée dans la tempête des dettes étatiques et la force du franc, l'horlogerie suisse se voit un avenir radieux. Certes, une certaine prudence est affichée pour 2012 au vu des aléas conjoncturels à venir – la majorité des acteurs envisagent toutefois une nouvelle progression –, mais l'horlogerie suisse croit plus que jamais à sa capacité à crever de nouveaux plafonds année après année. Même si l'expérience de 2009 (recul de 22%) reste dans toutes les mémoires et que les plus réalistes n'écartent pas totalement un scénario du même type, la tendance à long terme reste invariablement positive. Sauf à devoir affronter un gros trou d'air – par définition imprévisible –, les mastodontes de cette industrie tablent sur un doublement des ventes dans un horizon de cinq à sept ans, l'essentiel des marchés de la planète n'ayant pas atteint, loin s'en faut, leur maturité. Pour ce faire, une seule recette: investir massivement dans l'outil de production.

A cette soif nouvelle des consommateurs pour la montre de prestige vient s'ajouter une autre problématique: dans sa globalité, l'horlogerie suisse avait pris l'habitude, depuis trente ans, de se fournir en composants auprès du Swatch Group, fournisseur et concurrent. Pour inconfortable et risquée qu'elle fut, cette situation de dépendance avait un avantage majeur: ne nécessiter aucun investissement industriel. Tous ne se sont pas laissés aller à cette facilité, mais le fait que le Swatch Group ne souhaite désormais plus être contraint de livrer quiconque implique une redistribution des cartes et l'exigence de capacités industrielles nouvelles pour certains, supplémentaires pour d'autres. Pour ajouter encore à la pression, le renforcement du Swiss made souhaité par les horlogers, bien que loin d'être acquis, implique un rapatriement en Suisse de certaines productions asiatiques.

 

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100 MILLIONS POUR CARTIER

L'ensemble de ces paramètres font naître des efforts sans précédent des horlogers suisses pour étoffer leur outil industriel. D'où les annonces en série d'investissements planifiés pour les années à venir. C'est notamment le cas du groupe Richemont (2e groupe de luxe au monde avec 6,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires), qui poursuit ses efforts d'industrialisation. Tout en prenant le soin de maintenir l'autonomie de chacune de ses marques. Les nouveaux investissements s'enchaînent, à l'instar du campus qui va être érigé à Meyrin et que nous révélons en exclusivité. Globalement, le groupe avait annoncé l'an dernier vouloir engager 1800 personnes sur deux ans en Suisse; il reste près de 700 recrutements à effectuer dans les douze mois.

En toute logique, les projets d'extension pour chacune des marques ne manquent pas. A commencer par Cartier, navire-amiral du groupe, qui va investir quelque 100 millions de francs sur plusieurs fronts au cours du prochain exercice. Il faut dire que la marque a connu ces dernières années une montée en puissance impressionnante en horlogerie (près de 2 milliards de francs de chiffre d'affaires estimé) ainsi qu'en joaillerie. «Nous avions annoncé il y a quelques années que Cartier avait pour ambition d'être l'un des principaux acteurs dans la haute horlogerie, rappelle Bernard Fornas, président de Cartier. Aujourd'hui, nous y sommes.»

Prévue pour accueillir 650 personnes, sa manufacture de haute horlogerie au Crêt-du-Locle occupe 1100 collaborateurs. C'est pourquoi, parmi d'autres investissements, Cartier envisage d'implanter un nouveau site de production dans le canton de Neuchâtel, à Couvet, avec probablement à terme 400 emplois à créer. Il s'agit notamment de rapatrier de chez ValFleurier (unité de production de mouvements du groupe Richemont) la production du calibre 1904 et d'augmenter sa capacité de production en mouvements mécaniques maison.

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Autre fleuron du groupe, Vacheron Constantin a annoncé des investissements spectaculaires pour ces prochaines années, de l'ordre de 130 millions de francs. L'objectif? Faire passer la production de 17 000 montres à près de 30 000 tout en doublant le nombre de collaborateurs. «La politique de développement des métiers artisanaux va être encore renforcée, souligne Juan-Carlos Torres, CEO de Vacheron Constantin. Nous allons doubler le nombre de collaborateurs en Suisse dans les prochaines années plutôt que de mécaniser à outrance la production.» Pour ce faire, Vacheron Constantin entend bâtir une nouvelle entité de production à la vallée de Joux et étendre sa manufacture de Plan-les- Ouates. Les travaux ayant à peine démarré au Brassus, ce sont quelque 20 millions de francs qui seront investis dans les douze mois à venir.

Voisine à Plan-les-Ouates et également société du groupe Richemont, Piaget a l'objectif de doubler sa production (22 000 montres) dans un horizon de cinq ans et d'engager 75personnes (1000 collaborateurs actuellement). Dans l'immédiat, Piaget s'apprête à investir 15 millions de francs. C'est un peu moins que les 25 millions que Panerai va engager cette année dans le cadre de la construction de sa nouvelle manufacture sur les hauts de Neuchâtel. Car elle est à l'étroit dans ses locaux actuels au centre-ville et souhaite récupérer une partie de la production actuellement réalisée par ValFleurier.

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Cette dernière peine également à répondre à la demande des quelques marques du groupe qui s'y fournissent. Installée à Buttes (NE), ValFleurier a annoncé récemment sa volonté de construire un 4e bâtiment de 10 000m2 représentant un investissement de 100 millions de francs avec, à la clé, la création de 500 emplois. Pour le producteur de boîtes de montres Donzé-Baume aux Breuleux (également propriété de Richemont), l'heure est également aux investissements avec la construction d'une nouvelle unité de production pour quelque 25 millions de francs. Elle devrait être opérationnelle dès cet été. Mis bout à bout, les investissements industriels de Richemont en Suisse pour le prochain exercice devraient avoisiner les 250 millions de francs.


SWATCH GROUP: TOUJOURS PLUS 

A l'image de Stern Creations ou de Donzé-Baume, de très nombreux sous-traitants de l'horlogerie sont à l'étroit dans leurs murs. C'est notamment le cas du groupe Festina, alternative toujours plus sérieuse au Swatch Group. Ou du producteur et assembleur de mouvements Sellita, à La Chaux-de-Fonds: quatre ans après l'inauguration de son usine de 3750m2 sur trois étages, Miguel Garcia a ouvert le chantier de son agrandissement devisé à 10 millions de francs. «Nous allons plus que doubler nos surfaces et nous allons embaucher entre 100 et 200 personnes d'ici à quatre ans», confirme le patron. L'entreprise emploie déjà quelque 300 personnes au Crêt-du-Locle. Le chantier sera achevé en fin d'année.

Sellita produit 800 000 mouvements par année et en achète en parallèle 800 000 autres auprès d'ETA (Swatch Group). L'agrandissement de l'usine est la suite logique de l'annonce faite par ETA de choisir sa clientèle. «Nous allons mener des activités nouvelles liées à l'horlogerie pour essayer de ne plus dépendre de certains fournisseurs», se borne à déclarer Miguel Garcia, qui ne veut pas dévoiler les détails de sa stratégie. On comprendra cependant qu'il se soucie de ce coeur stratégique du mouvement qu'est l'échappement et qu'il ne maîtrise encore pas à l'interne.

S'il entend garder toujours davantage sa production de mouvements et de composants pour ses propres marques, Swatch Group ne cesse pas pour autant ses investissements – estimés entre 200 et 250 millions pour 2012– et entend accroître encore ses capacités industrielles. Si l'agrandissement planifié d'Omega à Bienne et l'édification d'un nouveau siège pour la marque Swatch (également à Bienne) sont de nature administrative, les 66 millions prévus pour l'extension de la manufacture Breguet à L'Orient sont liés à la production. Il en va de même de plusieurs autres projets, à commencer par la construction par ETA à Granges d'une usine de cadrans avec 500 emplois à la clé, de l'installation également par ETA d'une usine d'assemblage de mouvements mécaniques à Villeret (200 emplois), sans oublier le projet – en attente de concrétisation – sur un terrain de 70 000m2 à Boncourt pouvant générer à terme de 500 à 700 emplois. Notons par ailleurs la reprise des bâtiments et du terrain d'Energizer à La Chaux-de-Fonds –ainsi que de 40 collaborateurs– par le fabricant d'aiguilles Universo ou les 20 millions investis par Tissot dans son nouveau centre logistique.


ROLEX INAUGURE SON NOUVEAU BÂTIMENT BIENNOIS

Après avoir investi plus d'un milliard de francs au cours de la dernière décennie entre Genève et Bienne, Rolex a poursuivi sur sa lancée. La marque à la couronne prendra possession de son nouveau bâtiment biennois regroupant toute la production durant cet été, après avoir réalisé en 2011 «une excellente année». Ce sont 230000m3 répartis sur sept niveaux (dont trois en sous-sol) qui viendront s'ajouter aux 170 000 m3 actuels à Bienne. Les activités d'assemblage, d'usinage, de presse, de traitement thermique et de surfaces seront ainsi regroupées en un seul site. Les façades de verre ont été posées en automne 2011, conformément au planning présenté lors de la pose de la première pierre le 30 septembre 2009. Le jeu de miroirs avec la nature environnante souligne la réussite de l'intégration architecturale menée par les bureaux Gebert, Strässler+Storck, et Caretta+Weidmann.

Dans les sous-sols, les principales installations du stock automatique sont achevées. Cet imposant système – il s'agit d'un silo souterrain profond de dix mètres, accessible via des robots – assurera l'acheminement des composants et des produits finis jusqu'aux ateliers de production, de manière entièrement automatisée. Le stock automatique, piloté par informatique, est organisé autour de ce silo capable d'accueillir plusieurs millions de composants. Ce système permettra la centralisation du stockage en un point unique. Son installation physique est prévue pour mars et son inauguration officielle à l'automne 2012. Non communiqué, l'investissement est estimé à hauteur de quelque 200 millions de francs. De 200 à 300 collaborateurs supplémentaires devraient rejoindre les 2000employés de Rolex à Bienne.

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Côté LVMH, outre Louis Vuitton, plusieurs investissements sont également en cours ou planifiés. Chez Zenith, la manufacture de quatre étages est l'objet d'une sérieuse rénovation devisée à 25 millions de francs. «C'est le premier de nos 19 bâtiments à être rénové», relève Andrea Csiki, en charge de la communication. Construit en 1907, il est classé au Patrimoine mondial de l'Unesco, comme l'ensemble de la ville du Locle. «L'idée est de regrouper les différents métiers sous un même toit, comme le souhaitait le fondateur Georges Favre-Jacot. A l'avenir, une dizaine d'ateliers y seront regroupés.» Zenith compte 200 collaborateurs au Locle (120 personnes engagées en deux ans), et ce chiffre pourrait monter à 300 à terme.

Quant à TAG Heuer, la marque prévoit d'établir un site de production à Chenevez (JU) pour compléter les capacités dont elle Un investissement de plus de 25 millions est prévu pour accueillir quelque 150 collaborateurs supplémentaires. Même développement chez Hublot à Nyon, qui projette le doublement de sa manufacture pour quelque 30 millions de francs et l'engagement d'une centaine de personnes dans les dix-huitprochains mois.


L'APPRENTISSAGE DE NOUVEAUX MÉTIERS

Le chantier Centror, du nom de la filiale d'Audemars Piguet active dans la fabrication de boîtes, doit s'ouvrir d'une semaine à l'autre. Il s'agira de construire une nouvelle usine disposant de quelque 4000m2 répartis sur quatre niveaux. D'une durée de douze mois, ce chantier devrait coûter plus de 25 millions de francs. Achevée en 2009, la nouvelle manufacture Audemars Piguet des Forges, dans la vallée de Joux, représente un investissement de 35 millions de francs. En termes de places de travail, elle est configurée pour accueillir 80 postes. A l'heure actuelle, Centror emploie une cinquantaine de salariés.

A l'image de Chopard, de Harry Winston ou de Bulgari/LVMH, de très nombreuses autres sociétés ont des projets industriels plus ou moins finalisés. Quelques-uns restent vagues, comme Frédérique Constant, qui annonce «un investissement de plusieurs millions de francs au cours des prochaines années». Ne souhaitant pas donner davantage de chiffres, Antonio Calce, CEO de Corum, souligne cependant: «Dans un marché en pleine mutation, il est devenu primordial pour une marque indépendante d'asseoir sa légitimité et de renforcer une maîtrise d'oeuvre dans la gestion de ses mouvements. La mutation de l'industrie horlogère nous oriente vers l'apprentissage de nouveaux métiers, qui passe inévitablement par leur intégration. Corum a établi un plan d'investissement sur plusieurs années. Ce plan est en cours et sera poursuivi. Une tranche significative des investissements concerne 2012.»

En tout état de cause, l'heure est aux investissements industriels, même chez ceux qui sont déjà bien équipés. Délégué aux affaires horlogères auprès de la Fondation de famille Sandoz, Jean-Marc Jacot relève: «Cela fait plus de dixans que nous investissons en Suisse afin de créer une véritable manufacture (Vaucher Manufacture Fleurier, ndlr). Et lorsqu'on commence ce genre de projet, les investissements lourds ne s'arrêtent jamais. Ainsi nous allons compléter et finaliser notre verticalisation au plan de l'habillage, et cela sera assez conséquent.»


EN AVAL, LA DISTRIBUTION

Breitling est l'une des sociétés indépendantes à avoir pris son destin en main depuis plusieurs années. Elle dispose aujourd'hui de son propre mouvement chronographe et d'une manufacture apte à produire une partie de sa production. «Nous nous sommes réinstallés sur le siège du pilote, image Jean- Paul Girardin. A nous désormais de doser la puissance.»

Si cette réalité manufacturière deviendra sans doute une condition nécessaire au succès, elle ne sera jamais suffisante. Le savoir-faire, c'est très bien, mais le faire savoir est le complément indispensable. De fait, l'effort industriel essentiellement évoqué ici est nécessairement suivi d'investissements en termes de marketing. La bataille se joue aussi –ou surtout?– sur les marchés. Forces de vente, communication, distribution, les chantiers sont nombreux. C'est notamment pour répondre à ces besoins que Breitling vient de terminer l'agrandissement de son siège à Granges (qui compte aujourd'hui 200personnes), en complément de sa manufacture de La Chaux-de-Fonds (également 200 personnes). C'est aussi pour répondre à cette nécessité que pratiquement toutes les sociétés investissent massivement dans des boutiques de marque en Chine, à l'image de Patek Philippe, comme partout dans le monde.

Ce tour d'horizon non exhaustif des investissements industriels suggère la mutation en cours dans le tissu horloger suisse. Car au-delà des cas évoqués ici, et sauf à prendre le risque de disparaître, toutes les marques doivent s'interroger sur la problématique de leur approvisionnement à venir. Les acteurs les plus puissants gagneront naturellement encore en puissance. Et les capacités de production devraient croître rapidement. Les projets et les moyens sont là; encore faut-il trouver les milliers de collaborateurs indispensables à cette avancée.

 

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685 millions

Tel est le montant approximatif qui devrait être investi en 2012 en Suisse par une vingtaine d'acteurs du monde horloger.

AUDEMARS PIGUET (Centror)
25 mios
Construction d'une usine à Meyrin (GE); création d'une trentaine d'emplois.

BREGUET
66 mios
Extension de la manufacture à L'Orient (VD).

CARTIER
100 mios
Construction d'un nouveau site de production à Couvet (NE); création probable de 400 emplois.

DONZÉ-BAUME
25 mios
Construction d'une nouvelle unité de production aux Breuleux (JU).

ETA
Construction de deux usines, une à Granges et l'autre à Villeret (BE); création de 700 emplois.

HUBLOT
30 mios
Doublement de sa manufacture de Nyon; engagement d'une centaine de personnes.

LOUIS VUITTON

Entre 15 et 25 mios
Construction d'une usine à Meyrin; création de 30 places de travail.

PANERAI
25 mios
Construction d'une manufacture à Neuchâtel.

PIAGET
15 mios
Extension de la manufacture de Plan-les-Ouates (GE); création de 75 places de travail.

ROLEX
100 mios
Achèvement du chantier de construction d'un nouveau bâtiment à Bienne; création de 200 à 300 emplois.

SELLITA
10 mios
Agrandissement de l'usine actuelle de La Chaux-de-Fonds (NE); création d'ici à quatre ans de 100 à 200 emplois.

TAG HEUER
25 mios
Construction d'un site de production à Chenevez (JU); création de 150 places de travail.

VACHERON CONSTANTIN
20 mios
Construction d'une nouvelle entité de production au Brassus (VD).

VALFLEURIER
100 mios
Construction d'un 4e bâtiment; création de 500 emplois.

ZENITH
25 mios
Rénovation du bâtiment principal de la manufacture au Locle; création à terme de 100 emplois.




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Louis Vuitton déménage


La première marque de luxe au monde déplace ses activités de La Chaux-de-Fonds à Meyrin.

L'annonce était suffisamment importante pour qu'en ce mardi 17 janvier le PDG de Louis Vuitton fasse en personne le déplacement à La Chaux-de-Fonds. Pour la cinquantaine de collaborateurs des Ateliers Horlogers Louis Vuitton, Yves Carcelle était porteur de deux nouvelles: une mauvaise et une bonne. La mauvaise? Louis Vuitton a décidé de transférer toutes ses activités horlogères de La Chaux-de-Fonds à Meyrin. La bonne? La société a plus d'ambition que jamais pour son pôle horloger et joaillier; et c'est précisément l'une des raisons qui a dicté le choix d'installer l'activité en banlieue genevoise et d'y bâtir une manufacture.

Pour mener à bien ce transfert, la société s'est portée acquéreuse d'un terrain de 6500 m2 sur lequel un bâtiment industriel de 3500 m2 s'apprête à subir une rénovation complète doublée d'une extension. Si la marque se montre peu diserte sur les montants investis, l'ampleur de l'opération peut être estimée entre 15 et 25 millions de francs.

Outre l'activité actuellement à La Chaux-de- Fonds, le nouveau site de Meyrin a logiquement pour vocation d'accueillir la vingtaine de collaborateurs de La Fabrique du Temps, une unité de développement de mouvements acquise l'été dernier par Louis Vuitton. Une raison stratégique explique aussi le choix de s'établir dans la région genevoise: dans le haut de gamme horloger, explique Hamdi Chatti, patron des activités horlogères et joaillières de Louis Vuitton. Dans cette perspective, elle entend notamment jouer la carte du Poinçon de Genève pour ses mouvements exclusifs haut de gamme, un label qui impose une production sur territoire genevois.»

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La manufacture Louis Vuitton de Meyrin devrait être opérationnelle au milieu de l'année prochaine. D'ici là, Hamdi Chatti espère convaincre les 50 employés de La Chaux-de-Fonds de le suivre dans la région genevoise, «car si Louis Vuitton a aujourd'hui une place dans l'horlogerie, c'est grâce à eux, à tous ceux qui ont participé à cette aventure depuis 2002».

Le patron s'engage à accompagner ceux qui choisiront de ne pas travailler à Meyrin, afin de leur retrouver une position identique ou meilleure dans le groupe. Au vu de la situation sur le marché de l'emploi horloger, il y a peu de craintes à avoir. De fait, les 70 collaborateurs actifs aujourd'hui pour Louis Vuitton – ou ceux qui les remplaceront – devraient très rapidement être rejoints par une trentaine de nouveaux venus.



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Quarante millions pour un «campus» à Meyrin


Le nouveau site de Richemont accueillera plusieurs sociétés.

C'est sur un terrain à Meyrin qui fait face à la manufacture Roger Dubuis que le groupe Richemont a choisi de bâtir son projet de «campus». Selon les informations de Bilan, l'investissement est devisé dans une première phase à 40 millions de francs et devrait permettre à Van Cleef & Arpels de disposer de locaux enfin en adéquation avec l'image et le travail réalisé depuis plusieurs années par la marque en horlogerie.

Cette nouvelle unité devrait permettre à la Manufacture genevoise de haute horlogerie (MGHH) – logée jusqu'ici chez Roger Dubuis car créée sur la base industrielle de cette société – de s'étendre. MGHH produit des composants de mouvements pour plusieurs marques du groupe, dont ceux destinés aux mouvements Cartier arborant le Poinçon de Genève.

Enfin, le fabricant de cadrans Stern Créations – également propriété du groupe Richemont – devrait transférer ses activités sur le «campus» et accroître ainsi ses surfaces dédiées à la production.



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Patek Philippe investit aussi… à Shanghai!

La manufacture genevoise ouvrira cet automne une nouvelle enseigne.

L'information n'a pas encore été rendue publique, mais Bilan est en mesure de révéler que la manufacture genevoise Patek Philippe s'apprête à ouvrir dans quelques mois un très imposant Flagship Store sur une avenue mythique de Shanghai. Une démonstration supplémentaire que les marques de renom investissent aujourd'hui massivement dans la commercialisation et la distribution de leurs produits, directement ou par le biais de tiers.

Après Swatch Group, Cartier et Rolex, c'est donc au tour de Patek Philippe d'investir un bâtiment en vue du légendaire Bund de Shanghai. En réalité, la manufacture genevoise possédait depuis 2005 une adresse dans cette prestigieuse avenue (au No 18), mais la visibilité n'était pas optimale et l'espace compté (105m2). La situation changera radicalement dès cet automne avec l'ouverture de ce nouveau Flagship Store de 1200 m2 au Bund 33, en partenariat avec le groupe Melchers. Cette association de longue date de Patek Philippe en Asie est active en Chine depuis plus de cent quarante ans.

La nouvelle enseigne, appelée à remplacer la boutique actuelle, va s'établir dans un bâtiment historique datant du XIXe siècle actuellement en cours de restauration. Selon Jasmina Steele, directrice de la communication de la manufacture genevoise, «la vaste surface à disposition présentera de manière permanente la quasi-totalité des collections Patek Philippe, comme c'est le cas dans nos salons de Genève, Paris ou Londres. Elle abritera un important service après-vente afin de répondre au besoin de la clientèle chinoise qui achète nos montres en Chine et ailleurs dans le monde; et nous aurons également un lieu consacré à la formation des horlogers locaux.» L'ouverture de cette nouvelle boutique, à la fois vitrine de la marque, espace d'information, service à la clientèle et lieu de formation, devrait constituer l'un des moments forts de la marque en cette Année du dragon.

 

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Festina mise sur la production d'échappements


Le groupe se profile comme une alternative crédible à ETA.

La volonté du Swatch Group de ne plus livrer de mouvements à des tiers – ou au minimum d'avoir la liberté de choisir ses clients – provoque une profonde redistribution des cartes sur le plan industriel. Le mouvement mécanique est une denrée rare, et choisir de développer des capacités de production exige des investissements conséquents. Mais le plus sévère goulet d'étranglement porte aujourd'hui sur le coeur stratégique du mouvement, à savoir l'échappement.

Nivarox (société du Swatch Group) fournit pratiquement 100% des marques horlogères suisses sur ces composants. Quelques rares manufactures, Rolex en tête, ont certes développé leur propre outil de production en matière d'organes réglants (balancier-spiral notamment). Leurs capacités ne couvrent pourtant au mieux qu'une partie de leurs besoins. C'est dire qu'aucune marque d'une certaine envergure n'est aujourd'hui autonome sur ce composant, quand bien même elles sont aptes à produire l'ensemble des autres composants nécessaires à la fabrication de leurs propres mouvements. Plus grave encore, même les producteurs de mouvements qui, à l'instar de Sellita à La Chaux-de-Fonds, se présentent comme une alternative à ETA, ne maîtrisent toujours pas cette production à l'interne.

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Festina pourrait toutefois débloquer, en partie, la situation. En main de l'Espagnol Miguel Rodriguez, le groupe a investi de longue date dans l'outil industriel en Suisse. Il se présente aujourd'hui comme une alternative sérieuse au groupe biennois. A force de développements et de rachats, le pôle industriel du groupe Festina (Festina-Candino à Herbestwil, Groupe Soprod à Sion, Les Reussilles, Saignelégier et Maîche, Manufacture Horlogère de la Vallée de Joux MHVJ et Astral à Porrentruy) compte quelque 250 collaborateurs. Et maîtrise l'entier de la production du mouvement mécanique, y compris l'échappement. Les quantités d'échappement produites jusqu'ici étaient relativement modestes (on évoque quelque 100 000 unités par an). Le groupe a choisi de passer à la vitesse supérieure pour représenter une alternative plus crédible en termes d'organes réglants d'une part, de mouvements complets d'autre part. Ainsi Bilan a appris que le groupe venait de se porter acquéreur d'un terrain dans les Franches-Montagnes pour y développer une production «industrielle» d'échappements. Patron du pôle industriel du groupe Festina, Jean-Claude Schwarz apporte ces précisions: «Nous avons décidé d'acquérir un nouveau bâtiment afin de produire des échappements en quantité industrielle, puisque notre groupe est le seul capable, à part Nivarox et certaines manufactures, de produire un assortiment de qualité. Cette entité produira non seulement pour le groupe Festina, mais aussi pour des clients tiers.» L'investissement prévu se compte naturellement en millions de francs. A terme et en cas d'intérêt du marché, la production pourrait atteindre le million d'unités.

Par ailleurs, dans le cadre de la réorganisation industrielle du groupe qui prévoit de localiser les activités liées au mouvement mécanique dans le Jura et celles liées aux mouvements quartz à Sion, le groupe Festina a acquis à fin 2010 un bâtiment à Saignelégier dédié au décolletage, taillage et roulage en vue de la fabrication des rouages. «Cette entité est en pleine expansion, explique Jean-Claude Schwarz. Elle compte actuellement environ 30 collaborateurs et nous allons certainement en engager 20 de plus durant cette année. Un important budget machines est prévu.» Un autre investissement de plusieurs millions de francs pour celui qui se profile toujours davantage comme une alternative crédible à ETA/Swatch Group.


 

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