Guerre aux « sangsues sans scrupules »

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L'entretien de Worldtempus avec François-Paul Journe sur les « coups de pied au cul qui se perdent » a déclenché une pluie de réactions, dont celle de Christophe Claret, qui pousse lui aussi un coup de gueule...

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COUP DE GUEULE : Christophe Claret déclare la guerre aux « sangsues sans scrupules »
Christophe Claret : « Si j'osais, je répondrais au "coup de gueule" de M. Journe par un autre "coup de gueule"... »Nous ne pouvons que plébisciter M. Journe concernant "les coups de pied au cul qui se perdent". Nous irons même plus loin pour relever que nous avons parfois à faire, aujourd'hui, à des entreprises horlogères dites "manufactures", dont la créativité première est d'agir comme de véritables « sangsues » , sans scrupules, faute de politique de création cohérente (qui sauront se reconnaitre et que nos amis lecteurs reconnaîtront également). En effet, ces entités ne font que spolier les brevets des réels concepteurs et créateurs de mouvements compliqués. Elles disposent de moyens financiers considérables mis à disposition par leurs actionnaires et avec lesquels elles se permettent tout : notamment le plagiat, ou encore "dans les meilleurs des cas" le contournement des brevets des vrais créateurs. Les résultats, ces « me-too », ne sont que de pâles imitations qui, nous le savons, ne trompent pas les vrais connaisseurs en horlogerie. Avec le temps, les collectionneurs et acquéreurs de pièces de haute horlogerie sauront faire la différence, nous en sommes convaincus. Pour ce qui nous concerne, notre objectif systématique est de faire en sorte que les complications que nous réalisons soient d'une parfaite cohérence technique, qu'elles démontrent avant tout création et innovation. Dans le cas du bi-tourbillon, par exemple, pour lequel nous détenons un brevet, il faut savoir que les réglages atteints sont excellents grâce à un différentiel qui permet d'obtenir la moyenne de marche des deux tourbillons, et de réguler la force motrice de manière égale sur chaque tourbillon.
Sans vouloir offenser M. Journe, qui a tout notre respect, la réalisation d'un tel calibre nous paraît aussi intéressante que celle d'un double échappement à résonnance. Nous devons relever un désaccord avec M. Journe lorsqu'il avance qu'une montre à tourbillon règle moins bien qu'une montre à  mouvement classique. Une visite dans notre manufacture permettra de constater qu'un tourbillon règle mieux qu'un mouvement à échappement conventionnel, pour autant que l'équilibrage dynamique ait été fait de manière parfaite, et que l'ensemble de l'achevage ait été réalisé dans les règle de l'art. Nous pourrons alors comparer deux exemples concrets, à savoir notre calibre répétition minutes avec échappement conventionnel 18'000 alt./h, avec notre calibre répétition minutes équipé d'un tourbillon comportant le même type d'échappement 18'000 alt./h. Nous obtenons de bien meilleures performances chronométriques dans le deuxième cas. Il est cependant bien clair que des calibres disposant d'un tourbillon 18'000 alt/h ou d'un tourbillon 21'600 alt/h ne peuvent rivaliser en performance chronométrique avec des mouvements à échappement conventionnel de 28'800 alt/h. Il est vrai que le chronographe peut faire perdre de l'amplitude au tourbillon ; il va cependant, dans ce cas, du savoir faire de l'horloger, dont l'expérience doit permettre de maitriser cette perte d'amplitude, afin que l'incidence de cette perte sur le réglage soit négligeable.
Concernant le calibre tourbillon avec chronographe à rattrapante, équipant deux mouvements à complications de Christophe Claret SA, nous nous permettons de préciser que nous obtenons d'excellents réglages, et une très faible perte d'amplitude, lorsque la fonction rattrapante est en marche. Cela grâce à un mécanisme appelé isolateur de la rattrapante, qui permet justement d'éviter cette chute d'amplitude, système que nous avons breveté.
Les mouvements qui ne possèdent pas ce type de dispositif peuvent en effet rencontrer de sérieux  problèmes de réglage. Pour nous, le tourbillon reste et restera un superbe organe régulateur lorsqu'il est réalisé dans les règles de l'art. J'admets volontiers que ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui, un nombre important de maisons émergentes étant à la base de la vulgarisation du tourbillon, malheureusement.
Brevet ou pas brevet, telle est la question... Nous avons breveté tout ce qui pouvait l'être lors de nos développements, mais nous ne sommes pas convaincus d'avoir fait le bon choix. En effet, les « sangsues » sont à l'affut des fiches de dépôt de brevets, qui sont une aubaine pour réaliser leur forfait. Le budget qui s'avère nécessaire pour les procédures de dépôts de brevets, ainsi que pour la défense de ces derniers, est extrêmement élevé, notamment pour une entreprise de notre taille. Combien d'entreprises horlogères respectent-elles encore l'éthique du métier, combien sont-elles à respecter les dits « sous-traitants » et fournisseurs horlogers? Nous osons espérer, naïvement, qu'un jour seules les meilleures maisons resteront. Oui, il n'y a pas que "des coups de pied au cul qui se perdent", il y a plus que cela. Nous remercions M. Journe d'avoir lancé son pavé dans la mare horlogère. »
BIOGRAPHIE DE CHRISTOPHE CLARETEn Suisse, Christophe Claret n'est pas un horloger tout à fait comme les autres. Il est l'un des rares noms dont la contribution est reconnue par les marques qui constituent sa clientèle.
 
Il serait vain en effet de tenter de masquer son talent. La plupart des montres dotées de complications extrêmement sophistiquées ou inhabituelles, quel que soit le nom inscrit sur leur cadran, proviennent des ateliers Claret, basés à Le Locle.
Les complications de Claret incluent tout d'abord le tourbillon, son échappement standard. Mais il doit sa notoriété plus particulièrement à ses montres à carillon avec timbres cathédrales de deux longueurs et il est le seul à produire des mouvements à répétition minutes résistants à l'eau.

Claret apparut ainsi comme le partenaire idéal pour Thierry Oulevay dont l'ambition était de produire des montres d'un nouveau genre. Tandis que d'autres marques imposaient parfois certaines restrictions, Thierry Oulevay demanda simplement à Claret de se surpasser en termes d'originalité et de complexité mécanique. Un défi auquel l'horloger ne pu résister…

Claret, commença donc, démarche inhabituelle, par s'associer financièrement avec l'entreprise de son client, World Premier Watchmaking S.A., pour chercher ensemble à surprendre le monde sous le nom Jean Dunand.

Né à Lyon, en France, Claret se forma à l'horlogerie à Genève. 1987 marqua le tournant de sa carrière avec la commande de Rolf Schnyder, propriétaire de la marque Ulysse Nardin, portant sur une complication inhabituelle : une montre à carillon dotée, au niveau du cadran, de jaquemarts, ces automates qui frappent les heures de leur marteau.

Le succès de Claret s'explique en partie par son utilisation précoce des dernières technologies, en particulier des logiciels sophistiqués de conception assistée par ordinateur. Ses ateliers, qui figurent parmi les plus modernes de ce secteur, sont capables de produire tous les composants de montres imaginables, à l'exception des spirales. Les finitions sont à la hauteur des exigences les plus strictes de ses clients.
Aujourd'hui, il conçoit et produit des mouvements pour 15 marques prestigieuses. Jean Dunand lui permet de laisser libre court à son talent. SOURCE : communiqué de la manufacture Christophe Claret
WORLDTEMPUS : au-delà de la querelle - pas si byzantine que cela - sur le réglage des montres avec ou sans tourbillon, on voit se dessiner dans la réaction de Christophe Claret un vrai problème de l'horlogerie contemporaine. Qui a fait quoi en premier ? Qui a créé le premier double tourbillon et qui l'a breveté avant les autres ? Lequel a pompé l'un ou copié par-dessus l'épaule de l'autre pour concevoir un tourbillon orbital ou un tourbillon vertical ? Quand les marques sous-traitent leur créativité à des équipes extérieures, qui font la tournée des manufactures pour proposer leurs bonnes idées, il est fatal que les concepts créatifs circulent et qu'ils germent dans des terreaux imprévus. Les moyens juridiques déployés par les groupes sont sans commune mesure avec ceux des petites maisons : c'est toujours le pot de terre contre le pot de fer !
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