Dans les coulisses du Red Bull Racing

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Behind the scenes at Red Bull Racing - Watches and Formula 1
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Lors d’une visite de l’usine Red Bull Racing, notre rédacteur en chef a découvert dans les coulisses plusieurs analogies avec l’industrie horlogère.

Les liens entre le monde des voitures et du sport automobile et celui des montres sont souvent expliqués par le fait que tous deux sont basés sur de l’ingénierie mécanique. Tous deux séduisent aussi essentiellement un public masculin, bien sûr, ce qui facilite d’autant plus les activités marketing conjointes. Mais une visite guidée de l’usine Red Bull Racing à Milton Keynes m’a montré tout ce que ces deux univers ont en commun en coulisses lorsqu’il s’agit de la fabrication de leurs produits respectifs.

Dans les coulisses du Red Bull Racing

Red Bull Racing est née de l’ancienne équipe de Formule 1 Jaguar Racing, qui était elle-même issue de Jackie Stewart Racing. Les trois bâtiments qui forment son siège se trouvent dans la périphérie de Milton Keynes et font partie d’un groupe régional connu sous le nom de « Motorsport Valley » où la majorité des équipes de Formule 1 possèdent leurs quartiers généraux (les exceptions logiques sont Ferrari, Scuderia Torro Rosso et Swiss Team Sauber). Etant donné que Red Bull Racing ne construit pas ses propres moteurs (elle les achète à Renault mais, selon un arrangement compliqué, les estampille au nom de TAG Heuer), je m’attendais naïvement à ce que les opérations de l’usine soient comparables à celles d’une marque horlogère assemblant de nombreux composants achetés à l’extérieur. Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.

Avant qu’un quelconque élément de montre n’atteigne le stade de l’usinage, il a généralement été conçu et simulé sur ordinateur au sein du bureau technique. Il en va de même chez Red Bull Racing, même si les immenses bureaux décloisonnés qui accueillent environ une centaine de personnes travaillant sur le design, l’aérodynamique, la boîte de vitesses, la suspension et la stratégie, font paraître petit tout ce que l’on peut trouver dans l’industrie horlogère.

Dans les coulisses du Red Bull Racing

La base d’une voiture de Formule 1 est une coque en fibre de carbone qu’on peut comparer avec la platine qui sert de base à un mouvement de montre. Mais tandis que le mouvement de montre le plus compliqué peut comprendre jusqu’à 1'300 éléments, pas moins de 30'000 composants individuels constituent une voiture de Formule 1 et, tout à fait dans le style d’une manufacture, la grande majorité d’entre eux sont produits à l’interne. Tous les composites en fibre de carbone, par exemple, sont fabriqués à l’usine dans l’atelier des composites. Les feuilles de fibre individuelles (Red Bull Racing utilise 100 types différents de fibre de carbone préimprégnée) sont superposées sur un moule dans une pièce antistatique, puis scellées sous vide afin que les couches de fibre prennent la forme du moule. Finalement elles sont chauffées à 180° Celsius dans un autoclave à une pression de 4 bars pour durcir le composite. Red Bull Racing possède cinq autoclaves gigantesques sur site, que bien des instituts de recherche sur les matériaux lui envient.

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Toutes les parties mécaniques sont usinées à l’interne sur des machines de fraisage à cinq axes CNC provenant du partenaire technique DMG Mori. Elles sont habituelles dans la plupart des grandes manufactures horlogères suisses, mais ce qui diffère ici est à la fois leur taille et leur quantité. Le parc de machines de Red Bull Racing comprend 22 de ces machines, dont certaines font plusieurs fois la taille de celles que l’on trouve dans les usines horlogères. Contrairement aux marques horlogères, Red Bull Racing travaille aussi avec pas moins de 60 sortes de métaux et d’alliages différents, de métaux légers comme l’aluminium et le titane jusqu’au Densamet (tungstène) qui est utilisé pour le ballast et est plus de dix fois plus lourd que l’aluminium. Mais les analogies avec un atelier mécanique d’une manufacture horlogère ne s’arrêtent pas là. On trouve aussi un département séparé dévolu à la fabrication d’outils pour les presses à estamper qui permet à certains composants d’être produits sans interrompre le processus de fabrication. Il y a aussi des machines à électrolyse pour les tout petits composants, exactement comme en horlogerie.

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Le travail manuel de précision a aussi sa place à l’intérieur de l’usine. Dans un département qui pourrait facilement passer au premier coup d’œil pour un atelier d’assemblage dans une manufacture horlogère, des électriciens sont assis à leurs bureaux, soudant à la main les éléments individuels du câblage qui traverse la voiture de Formule 1. Câblage qui agit comme un centre nerveux transmettant l’information entre les capteurs et l’unité de contrôle du moteur, ainsi que comme une unité de radio-télémétrie envoyant des données au stand et même à l’usine pendant une course le week-end.

Dans les coulisses du Red Bull Racing

Les parallèles avec l’industrie horlogère se terminent cependant lorsque l’on se penche sur la façon dont l’usine fonctionne dans son ensemble. La plupart des départements travaillent par tournus sur une durée de 24 heures et les équipes doivent être disponibles pendant un week-end de course. Si les circonstances et la géographie le permettent, l’usine est même capable de concevoir, produire et envoyer une pièce sur le circuit de la course le jour même. On pourrait croire qu’un atelier de peinture chez Red Bull Racing n’a pas d’équivalent dans l’industrie horlogère, mais souvenons-nous que la voiture Red Bull Racing arbore une couleur bleue matte caractéristique et la compagnie admet évasivement qu’elle n’est « pas nécessairement » peinte, on peut dès lors penser au revêtement en poudre. Cela n’a absolument aucun avantage aérodynamique mais cela ressort bien à la télévision. Avec plus de 14 changements possibles apportés aux couleurs de la voiture entre chaque course, ce procédé secret est naturellement mené à bien à l’interne également.

Dans les coulisses du Red Bull Racing

Contrairement à une marque de montres, en fait contrairement à la plupart des sociétés, Red Bull Racing n’a pas pour objectif de faire du profit et n’a donc pas de clients. Une fois que la voiture ou n’importe quelles nouvelles pièces quittent l’usine, elles sont remises à une équipe de 60 personnes relativement jeunes présentes sur le circuit pour la course du week-end, elles-mêmes épaulées par autant de personnes dans le centre des opérations tout au long du week-end. C’est comme un service clients en temps réel, où n’importe qui à Milton Keynes peut parler directement avec le pilote si nécessaire (même si en pratique cela n’arrive presque jamais). Les collaborateurs du centre des opérations surveillent absolument tout ce qui pourrait avoir une influence sur la performance de l’équipe, y compris la météo, les flux des réseaux sociaux des concurrents, des clips vidéo et même des extraits sonores pour essayer de déterminer quels rapports de vitesse les concurrents utilisent. J’ai même vu quelqu’un écrire des équations mathématiques pendant les essais libres du Grand Prix du Mexique – chacun déduira à sa guise à quoi elles pouvaient bien servir !

Alors à la veille de la dernière course de la saison ce week-end, ayez une pensée pour les 700 personnes chez Red Bull qui ont travaillé sans relâche pour garantir un rendement maximal des voitures de Daniel Ricciardo et Max Verstappen tout au long de la saison.

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