Une seconde perception

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A Second Look - Editorial
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La plus petite unité de temps commune est aussi l'une des plus fascinantes.

Cette année semble plus longue que d'habitude. Quelqu'un d'autre le ressent aussi ? En regardant dans le rétroviseur nous rammenant au 31 décembre 2019, à 23h59m59s et en anticipant ce que la nouvelle année nous apporterait, qui donc ne voudrait pas revenir à cette époque ? Eh bien, nous ne pouvons pas. Nous ne pouvons pas nous déplacer dans le temps comme nous nous déplaçons dans un espace physique, c'est ce que certains physiciens appellent la limitation d'être des créatures tridimensionnelles. Si nous étions quadridimensionnels (le temps étant la quatrième dimension), nous pourrions probablement revenir au jour d’avant, à la semaine dernière, ou à l'année dernière. C'est comme remonter à son appartement quand on se rend compte qu'on a oublié ses lunettes de soleil (ou son désinfectant pour les mains). 

Nous ne sommes donc pas maîtres du temps, malgré l'existence de certaines sociétés horlogères qui ont repris cette appellation grandiose. Nous ne pouvons pas avancer dans le temps comme nous le souhaitons, même pas d'une seule seconde. Tout ce que nous pouvons faire - comme nous l'avons toujours fait pour les phénomènes que nous ne maîtrisons pas - c'est l'étudier. Que comprenons-nous vraiment de ces unités qui régissent notre vie et nous poussent inexorablement vers l'avant ?

Examinons la plus petite unité de temps commune, la seconde. On l'appelle la seconde parce que c'était la seconde division d'une heure en 60 parties. (La première division d'une heure en 60 parties est appelée la minute.) Pourquoi ai-je utilisé le passé dans cette phrase ? N'est-ce pas toujours la définition d'une seconde ?

Non, plus maintenant. Plus depuis 53 ans.

En 1967, la 13e Conférence générale des poids et mesures s'est tenue à Paris, conférence à laquelle ont participé les délégués des pays membres de la Convention du Mètre, organisée dans le cadre du collectif Bureau international des poids et mesures (BIPM). Ensemble, ils ont décidé qu'une seconde serait définie par une constante physique immuable, les vibrations d'un atome de césium au repos à 0 degré Kelvin. Cela contrastait avec la définition ancienne et variable d'une seconde, qui était dérivée d'une série de réductions mathématiques basées sur l'orbite de la Terre autour du Soleil. 

C'était une époque de science et de précision, où la connaissance venait de l'étude et de l'analyse des faits. Deux ans plus tard, Seiko lança l'Astron, la première montre-bracelet produite en série au monde utilisant un oscillateur à quartz, précipitant ainsi la période que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Crise du Quartz et décimant l'industrie de la montre mécanique. Saut dans le temps (métaphoriquement, car nous ne pouvons pas le faire littéralement) ; 50 ans plus tard, nous voilà dans un étrange renversement de situation, face à l'instabilité économique et climatique mondiale, car la science a cessé d'être un principe directeur pour certains qui mettent en œuvre la politique économique et fiscale nationale.

L'une des plus grandes ironies de ce que nous faisons est la prise de conscience que nous en savons tant sur les montres et si peu sur le temps. Mais chaque jour, nous en apprenons un peu plus. Sur tout.