La folie GMT-Master II

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The GMT-Master II craze - Rolex
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Depuis le lancement de la GMT-Master II 126719 Pepsi en 2018, la cote de ce modèle, neuf comme d'occasion, explose. Cela a créé une réaction en chaîne, qui met en lumière un monde horloger à deux vitesses...et deux prix.

Pepsi & Batman. Ces surnoms sont parmi les plus chauds de l'horlogerie contemporaine. Ils découlent des couleurs de la lunette de deux modèles, l'une rouge et bleue, l'autre noire et bleue, qui rappellent la boisson et le super-héros sus-cités. Mais avant cela, ils appartiennent à deux références du modèle originel de montre de voyageur à double fuseau horaire de Rolex, la GMT-Master II. Il s'agit respectivement des ref. 126710 BLRO (BLeue et ROuge) et 126710 BLNR (BLeue et NOire).

La première des deux a réactivé le désir du public pour un modèle qui existe depuis 65 ans, régulièrement réédité et adapté. La GMT-Master est une des premières vraies montres de voyageur, avec une aiguille au centre pour second fuseau horaire, tournant en 24 heures et lisible sur les graduations de sa lunette. Puis, la Pepsi était sortie du catalogue Rolex durant des années. En 2014, une version tout en or gris, lourde et chère, avait servi d'amuse-bouche à la foule des amateurs de la montre qui avait été celle des pilotes de la Pan-Am, de Thomas Magnum et de milliers d'amateurs de montres de voyage, sportives, durables, solides.

Puis, en 2018, coup de tonnerre ! Rolex lance la version acier de sa Pepsi, non pas sur le très sportif bracelet Oyster à trois larges maillons, mais montée sur un bracelet Jubilé. Celui-ci, à cinq petits maillons fins et très souplement articulés, avait disparu des catalogues depuis plus de vingt ans. Version plus habillée, plus originale de la GMT-Master II, la ref. 126710 BLRO a immédiatement déchaîné les foules. Les listes d'attente pour obtenir ce modèle, neuf, en boutique, sont au moins aussi longues que pour un Cosmograph Daytona en acier, montre introuvable parmi les introuvables. Soit quelque part entre 3 et 5 ans. Au-delà, on ne compte plus.

La folie GMT-Master II

Conséquence inévitable des lois du marché, la montre est en réalité largement disponible en « occasion neuve », ou « neuf jamais porté ». Ces noms pudiques désignent les pièces issues du système de revente à prix fort de modèles inaccessibles en boutiques. Une filière très organisée, composée de centaines d'individus non coordonnés mais aux tactiques identiques, s'inscrit sur les listes d'attente de plusieurs détaillants Rolex. Puis, ils jouent de leurs bons rapports avec celui-ci, ou patientent. Dès qu'il sont livrés, ils remettent leur montre en vente sur des sites spécialisés, généralement des sites d'occasions, et empochent une marge sans risque et substantielle. Accrochez-vous à votre portefeuille boursier : la surcote est de 95% minimum ! C'est le prix de l’immédiateté.

Puis, en 2019, lors de Baselworld, Rolex a décliné le concept et sorti la ref.126710BLNR, une GMT-Master II Batman, elle aussi sur bracelet Jubilé. Plusieurs facteurs se croisent. Un intérêt propre pour ce modèle, déjà très recherché quoique moins que la Pepsi. Contagion de la nouveauté de l'année précédente. Engouement croissant pour les modèles Professionnels de Rolex. Le miracle se reproduit : la montre est introuvable en boutiques, mais largement disponible après s’être acquitté d'une surtaxe de 100%.

La folie GMT-Master II

Plus étonnant encore, le succès phénoménal de la nouvelle Pepsi a déteint sur les références plus anciennes. Plate-forme leader de la revente de montres en ligne, Chrono 24 a publié une étude de la cote de ce modèle, toutes références confondues. Depuis la mi-2014 et la réintroduction de la Pepsi en or gris, ses diverses références ont pris entre 40 % et 100% d'augmentation. Le succès du neuf qui déteint sur le vintage ? Le processus est rare et fonctionne habituellement dans le sens inverse.

Plus généralement, et au-delà de Rolex, quelques modèles très recherchés, produits avec une volonté plus ou moins dissimulée de raréfaction, issus de marques en vogue, n'ont plus de prix officiel qui vaille. C'est désormais leur prix de marché, dicté par ce que les clients pressés sont prêts à débourser, qui a force de loi. Et il est largement supérieur à celui demandé par les marques. En 2017, Patek Philippe, fort de ce constat, avait remonté le prix de sa Nautilus en acier ref. 5711 1/A de près de 50% pour le mettre au niveau de sa cote. Car après tout, il n'y a pas de raison que la marque se fasse déposséder de sa marge. Et encore moins que les clients la paient à quelqu'un qui a juste fait la queue en avance.

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