Karl-Friedrich Scheufele : « Berthoud était un visionnaire »

Image
Karl-Friedrich Scheufele: «Berthoud was a visionary»  - Ferdinand Berthoud
5 minutes read
Listen now
Le lancement de la récente FB 3 démontre – une fois encore – la pertinence de la trajectoire de Ferdinand Berthoud. Karl-Friedrich Scheufele, son président, l’explique

Vous vous penchiez pour la première fois sur Berthoud il y a bientôt 10 ans. Envisagiez-vous une trajectoire comme celle qui s‘est formée aujourd’hui ?
Nous avions imaginé une montre contemporaine en utilisant les éléments des montres de marine, de poche et de précision de Ferdinand Berthoud et cela, je pense pouvoir dire que nous l’avons réussi. Chaque pièce que nous avons réalisée comporte une charge d’histoire de Ferdinand Berthoud avec une nouvelle interprétation technique à la clé. La question qui nous a guidée a toujours été : « Comment Ferdinand Berthoud aurait fait ? ». 

Qu’est-ce qui vous a séduit dans la reprise de ce nom ?
C’était un visionnaire, un scientifique, bien plus qu’un horloger. Il tenait à transmettre son savoir-faire. Pour cela, il a composé des traités techniques, nombreux, qui nous inspirent toujours aujourd’hui. Ce n’est pas commun. 

Découvrez-vous encore des aspects de son travail qui peuvent renouveler la vision que vous en aviez initialement ?
Oui, toujours. C’est une découverte continue. C’est ce qui rend ce travail passionné et passionnant. Prenez la FB 3 : elle comporte elle aussi des éléments dont nous nous sommes inspirés d’après des créations de Berthoud. Elle traduit notre volonté de produire des pièces respectueuses de l’histoire, mais résolument contemporaines. 

Karl-Friedrich Scheufele : « Berthoud était un visionnaire »

Considérez-vous encore aujourd’hui que la marque offre quelque chose d’unique ? De très grands noms avec des pièces de haut niveau, cela ne manque pas…
Ma démarche n’était pas orientée dans ce sens. Je ne me suis jamais demandé qui je pourrais faire revivre. C’est par notre collection de chronomètres de marine que j’ai littéralement découvert Ferdinand Berthoud à travers une pièce que nous avons acquise pour ce musée. Avec toute la recherche effectuée sur cette pièce, nous avons beaucoup appris sur Berthoud et nous avons eu la volonté de faire revivre son nom. 

Existe-t-il encore des pièces originales sur le marché ?
Elles sont très rares. Grâce à l’étude de documents d’archives, un inventaire précis de l’ensemble des horloges Marines de Ferdinand Berthoud a pu être établi. Nous savons ainsi que la majorité des garde-temps authentiques signés Berthoud sont répertoriés au sein de collections privées ou de musées, et rares sont ceux en état de marche. Les quelques créations que nous avons pu acquérir pour notre propre musée ont été restaurées dans les règles de l’art afin de retrouver leurs patine et fonction d’origine. 

Pourrions-nous envisager des expositions itinérantes du patrimoine du L.U.CEUM pour l’ouvrir au plus grand public ?
Cela a déjà été fait, notamment à Watches & Wonders Genève cette année, avec notre dernière horloge marine restaurée en date, et je n’exclus pas qu’elle fasse un jour des voyages plus lointains. Après tout, c’est ce qu’elle a toujours fait ! Mais elle le ferait dans de bien meilleures conditions qu’en calèche d’époque... 

Karl-Friedrich Scheufele « Berthoud était un visionnaire »

La marque peut-elle intéresser des collectionneurs dénués d’une certaine expertise qui semble aujourd’hui nécessaire ?
Ceux qui font l’acquisition d’une Ferdinand Berthoud sont, à très grande probabilité, des propriétaires de montres d’exception et qui connaissent déjà plutôt bien le sujet. Mais nous ne pouvons pas donner suite à toutes leurs demandes. Nos développements sont longs et complexes. Leur exécution est réalisée avec une attention extrême à chaque détail et il est impossible de les réaliser autrement. 

L’impossibilité de répondre à la demande ne risque-t-elle pas d’entraîner une spéculation hors de contrôle ?
Bien sûr, c’est un risque, mais le prix auquel nous proposons nos pièces sont justes. Nous n’avons malheureusement pas d’influence que ce qui va se passer après. Leur petit nombre fait qu’elle resteront rares pendant très longtemps. Prenez la dernière-née, la FB 3 : si tout va bien, nous en livrerons une vingtaine cette année et, avec toute la meilleure volonté du monde, nous ne pourrions pas en faire davantage. Nous avons déjà, pour cette FB 3, des commandes pour trois ans. Nous nous engageons actuellement pour les deux ans à venir. Mais augmenter la capacité de production est très difficile – et encore, nous parlerions d’une augmentation de 20 à 30 pièces, par exemple, pas davantage ! 

Karl-Friedrich Scheufele : « Berthoud était un visionnaire »

Pourquoi ?
Parce que la finition du mouvement est un travail très spécialisé et les personnes qui travaillent de cette manière sont rares. Nous ne ferons jamais de décoration partiellement mécanisée. Nous ne faisons que du travail très soigné, manuel, et cela prend beaucoup de temps et de patience. 

N’est-il pas possible de recruter de nouveaux talents ?
Ce n’est pas quelque chose qui se décrète. Nous avons, au sein du Groupe Chopard, des horlogers en apprentissage à Genève et Fleurier. Ce sont une quinzaine d’élèves par an, sur un cycle de quatre ans. Chaque année deux ou trois talents prometteurs se distinguent par leurs aptitudes. Il leur faudra toutefois encore quelques années d’expérience avant de pouvoir maîtriser les critères d’exigences requises pour les complications telles que celles de Ferdinand Berthoud. 

Les synergies entre le Groupe Chopard Group et la Chronométrie Ferdinand Berthoud sont-elles toujours aussi importantes qu’au début, ou bien visez-vous à une autonomisation progressive de la marque…jusqu’à peut-être lui ériger une manufacture en propre ?
Nous possédons une maison du 18e à Fleurier depuis un temps certain, une sorte de ferme, que nous entendons restaurer. Ce serait le cadre parfait pour loger nos équipes Berthoud. Nous y travaillons. 

Avez-vous parfois douté de la solidité de l’aventure dans laquelle vous plongiez ?
Je suis par nature prudent, mais je ne m’attendais pas à autant d’écho, d’un succès dont on peut réellement parler aujourd’hui. Mais si vous ne doutez pas de votre approche, si vous ne vous posez régulièrement des questions sur le bon chemin à prendre, vous risquez de faire fausse route. Il faut écouter les clients, le marché, les équipes, même si au final, je suis le seul responsable ! Dans tout ce que j’ai fait jusqu’ici, j’ai toujours eu un réflexe d’humilité, celui de s’interroger. J’y ai toujours cru, mais avec des hauts et des bas, car il y avait des difficultés qui pouvaient paraître insurmontables. Mais le lendemain, le soleil se lève encore. Je reste optimiste et, avant tout, entrepreneur. 

Marque