Trajectoire française atypique

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La manufacture basée à Morteau est un cas atypique du renouveau de l'horlogerie française.

L'Agefi - 18 janvier 2011


Frédéric Mamaïs 



Le cas est suffisamment rare dans l'histoire de la haute horlogerie pour être relevé. Alors que les marques françaises indépendantes font d'ordinaire dans l'assemblage, (à l'image de L.Leroy, Saint Honoré ou encore B.R.M), Pequignet a choisi de faire la différence. Présenté pour la première fois à Bâle en 2009 après trois ans et demi de développement, le Calibre Royal (EPM 01), entièrement conçu dans les murs jurassiens de l'entreprise, figure parmi les attractions du salon GTE des indépendants de Genève. Depuis sa reprise par Didier Leibundgut en 2004, la marque basée à Morteau a amorcé une réorientation qui ne passe pas inaperçu dans le secteur.

La maison familiale française, créée en 1973 par Emile Pequignet, était jusqu'ici connue pour ses garde-temps de niveau moyen, destinés en particulier à la clientèle féminine. C'était sans compter l'ambition du nouveau propriétaire de hisser la marque dans le segment haut de gamme en la repositionnant dans la tradition horlogère française. L'expérience de Didier Leibundgut chez Zenith plaide aussi en sa faveur. Avec François Manfredini, il a coordonné la renaissance du fameux chronographe El Primero. 

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Près de sept ans après avoir acquis Pequignet, voici que le président et ses deux fils Pierre et Julien, co-directeurs général, ont commercialisé en juin dernier le premier calibre de manufacture français produit en série. Un mouvement impressionnant, autour duquel gravitent neuf brevets internationaux et qui compte 318 composants maison et 279 plans industriels. Seules l'ancre et sa roue ne sont pas issues du laboratoire de Morteau. Première mondiale, toutes les complications sont intégrées dans la platine initiale. Une fois conçues au siège français, les pièces sont produites en Suisse puis rapatriée pour l'assemblage en interne.

Reste le positionnement de la marque. Avec des entrées de gamme à 5500 euros, les modèles sont loin d'afficher un caractère exclusif. «Cette année, notre production est estimée à un minimum de 4500 pièces, prévoit Pierre Leibundgut. Nous pourrions augmenter ce volume jusqu'à 6000 pièces, selon le niveau de la demande.» A moyen et long terme, l'entreprise vise une production potentielle de 40.000 mouvements par an.

Avant d'atteindre ces performances, Pequignet devra impérativement s'affirmer comme une marque mondiale. C'est encore loin d'être le cas, même si la manufacture de Morteau s'est déjà distinguée au Japon: les deux magazines horlogers japonais Chronos et Watch File ont désigné le modèle Rue Royale «Meilleure Montre en 2011» parmi dix des plus grandes marques suisses. En dehors de cette exception nippone, la France est le premier débouché. Mais la famille Leibundgut vise sérieusement le marché russe, où l'ancien Pequignet était déjà présent. Question incontournable: quid d'une future distribution en Chine? Le marché est encore verrouillé, selon le co-directeur général, qui déplore la réduction progressive du réseau de distributeurs indépendants. En termes de perspectives, la maison Pequignet observe fébrilement l'évolution du marché en 2012 pour les indépendants, à l'instar d'autres exposants du salon GTE. «L'année 2012 sera encore extrêmement difficile, anticipe Pierre Leibundgut. Les grands groupes horlogers sont tirés vers le haut grâce à la Chine, mais la situation reste problématique en Europe et au Moyen- Orient.» 

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