La lente mutation de la Franche-Comté

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Région de France bordant le Jura suisse, ce pays horloger vit dans l'ombre de son alter ego helvétique et cherche encore à concilier tradition et modernité pour entrer de plain-pied dans le XXIème siècle horloger.


WORLDTEMPUS - 2 janvier 2012

Olivier Müller

La Franche-Comté est l'un des berceaux de l'horlogerie européenne. Pionnière dans de nombreux développements, elle reste encore aujourd'hui à la pointe de certaines activités comme la microtechnique. Pourtant, la région ne parvient pas à rattraper la croissance affichée dans les cantons suisses limitrophes. Plusieurs raisons expliquent ce retard.

De l'aveu même d'élus locaux, «il n'y a pas assez de créations d'entreprises». Les jeunes reprennent parfois les affaires familiales, mais pas systématiquement. Par ailleurs, cette nouvelle génération a une tendance à la mécanisation qui gomme, progressivement, les talents manuels.
 

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Salaires discordants

Mais le handicap le plus pesant reste, encore et toujours, l'emploi. «Pour garder un collaborateur, je suis obligé d'en former trois», souligne Robert Jeambrun, président de Surfaces Synergie, spécialiste du traitement de surfaces et des matériaux horlogers de nouvelle génération (titane, céramique, tantale, etc.). L'inégalité des salaires versés de part et d'autre de la frontière semble irréductible. Le taux de change entre franc suisse et euro reste problématique, et la présence grandissante des contrôles opérés par Bruxelles sur l'économie locale est globalement peu appréciée par des communes d'à peine quelques centaines d'habitants.

Pourtant, les projets existent. «Luxe & Tech», créée en 2006, regroupe une quarantaine d'entreprises locales de l'industrie du luxe et de ses technologies appliquées. La discussion entre la région et son grand frère suisse s'organise au sein de la Conférence Transjurassienne. La marque Pequignet confirme progressivement son entrée «par effraction» dans le monde de la haute horlogerie, dixit Didier Leibundgut, artisan de sa refondation en 2004. Leroy renaît de ses cendres, et des partenaires comme Surfaces Synergie ou le groupe IMI (Industrie Micromécanique International) sont, depuis des décennies, des acteurs incontournables de l'horlogerie traditionnelle suisse.
 

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Blocages et Swiss made

De manière encore plus significative, des poids lourds du secteur comme Breitling ou le Swatch Group ont décidé de s'installer dans la région pour y développer leurs activités, avec des engagements et des infrastructures pérennes. Cette tendance à la délocalisation en France pourrait d'ailleurs se poursuivre, mais elle se heurte à différents blocages: les charges françaises sont élevées, le statut du salarié est jugé trop rigide, et les manufactures suisses restent prudentes sur leur localisation en raison de leur besoin de préserver un «Swiss Made» qui s'est dernièrement durci. C'est la principale raison pour laquelle les premiers services à être délocalisés sont ceux qui ne relèvent pas de la fabrication à proprement parler, comme le SAV, la logistique, ou les stocks.

Le cas du producteur de mouvements Technotime a également refroidi bon nombre de velléités: implanté des deux côtés de la frontière, sa filiale française a été sabordée, passant brutalement de 150 salariés en 2001 à la liquidation judiciaire 10 ans plus tard. Motifs invoqués: intégration complète de la production sur un site unique en Suisse, et compétitivité insuffisante face à la concurrence helvétique.

Au final, la région dispose d'importants atouts. Mais alors que l'Etat est attendu comme la courroie de transmission entre les différents investisseurs, il engage au contraire les territoires à une autonomie accrue. Plus que jamais, la Franche-Comté ne peut donc compter que sur elle-même.

 

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