Cela arrive parfois, avec l'aristocratie horlogère. Elle ne se dévoile pas, ne se signale pas, ménage ses effets. La SBGD201 de Grand Seiko en est le parfait exemple. En apparence, une montre trois aiguilles en métal gris, sans complications, sans rien qui dépasse. En réalité, un bijou de technique, un mouvement unique, terminé par des horlogers maniaques au service de la perfection.
Il faut dire que côté face, en effet, elle n'a l'air de rien. Mais dans une culture qui a élevé l'épure au rang de culte, il faut considérer ce cadran comme un sommet. Il s'agit en réalité d'un jardin zen. En lieu et place d'un champ de cailloux ordonnés comme s'ils représentaient le cosmos et d'un bonsaï sensé résumer toute la nature, le cadran est parsemé de paillettes. Comme de la poussière de diamant, elles donnent une impression de neige fraîche ou de grenage. Les index sont on ne peut plus simples, c'est voulu, et ils sont parfaits. Les aiguilles sont les dauphines que la marque utilise à l'exclusion de toute autre. Le boîtier est typique de Grand Seiko, rien à signaler en apparence, là encore. Les inscriptions sont laconiques, étonnant pour une marque qui n'hésite pas à en dire beaucoup. Mais la fiche technique dit 43 mm...voila bien une taille inhabituelle pour une montre aussi simple... Et son nom complet l'est aussi, puisqu'il est parlant, explicite : Grand Seiko Spring Drive 8 Days Power Reserve.
Lancée en 2016, la ref. SBGD201 était encore une « Seiko/Grand Seiko », c'est à dire qu'elle porte les deux marques. Depuis, Grand Seiko a pris son autonomie (voir notre article) et le modèle 8 Jours a changé sa signature. C'est également une Spring Drive. Son mouvement comporte un système de régulation électromagnétique qui prend la place d'un échappement mécanique. Il garantit au calibre 9R01 une précision de marche (en montre, à l'usage) de + ou – 10 secondes par mois, soit 2 minutes par an ! C'est en regardant ce mouvement que l'on prend la mesure de cette pièce. Il faut la regarder de dos pour la comprendre.
Le 9R01 ne ressemble à aucun autre. D'abord, il présente une réserve de marche graduée jusqu'à 8 jours. Oui, c'est un mouvement à remontage manuel et 192 heures de marche, deux caractéristiques uniques chez Grand Seiko comme chez Spring Drive. Il possède trois barillets en ligne et un système d'engrenage qui réduit les frictions de 10%, un chiffre qui est atteint également par un polissage des pièces en mouvement qui relève du maniaque. Enfin, la forme de ponts est incroyable...pardon, pas LES ponts. LE pont. Il n'y en a qu'un seul. Seiko explique que c'est pour plus de stabilité. Cela permet au passage de lui donner la forme du sommet du mont Fuji (oui oui, regardez bien). En réalité, ce mouvement a été décoré et assemblé dans le Micro Artists Studio.
Dans la manufacture Seiko de Shio-Jiri, cette petite bande d’horlogers travaille habituellement pendant des mois sur les montres les plus rares du japon (et à l'échelle mondiale) que sont le tourbillon Fugaku et les montres à sonnerie Credor, le sommet des gammes du groupe Seiko. Entre leurs mains, le 9R01 a été étiré, anglé et poli comme aucun autre mouvement Spring Drive.
Autre information que l’on perçoit au dos (et qui aurait semblé évidente à la prise en main), l'abréviation PT950 indique que le boîtier est en platine. On compte les Seiko en platine sur les doigts des mains. Une autre version est disponible au boîtier en or rouge avec un cadran noir parsemé de paillettes dorées, un peu comme une aventurine. Mais cette analogie revient à pêcher par euro-centrisme. Les Grand Seiko Spring Drive 8 Days Power Reserve sont des citoyennes japonaises jusqu'au cœur.
