Le symbole finlandais des complications

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L'engouement des médias pour le créateur horloger scandinave fait de Kari Voutilainen une figure de proue

Le canton de Neuchâtel accueille de plus en plus d'horlogers finlandais. Des marques neuchâteloises comme Ulysse Nardin ou le fabricant de mouvements très haut de gamme Christophe Claret commencent à recruter bien au-delà de la zone frontalière. Le phénomène va de pair avec l'attrait que la formidable renaissance de l'horlogerie suisse exerce dans toute l'Europe, et même plus loin. «Nous avons de nombreux élèves en provenance du Nord de l'Europe, Scandinavie, Pays-Bas, Angleterre, relève Maarten Pieters, directeur du Centre suisse de formation et de perfectionnement horloger (Wostep). De même que des Américains et des Asiatiques. Nos prochains élèves seront Islandais. On n'apprend pas dans les écoles étrangères à faire des répétitions minutes ou des tourbillons. D'où l'envie de venir se perfectionner ici. Et, après avoir suivi les cours, certains restent en Suisse.» Pour un horloger de haut niveau, c'est évidemment un rêve.

Le symbole de la réalisation de ce fantasme d'horloger si répandu porte un nom qui fait penser à un coureur automobile. Kari Voutilainen. Cet horloger est en train de se faire une réputation. A l'instar d'une bonne dizaine de ses compatriotes, il s'est installé dans le canton de Neuchâtel pour y exercer son art. «Les Finlandais possèdent une grande force de concentration au travail et ont un caractère structuré qui collent bien avec les exigences de l'horlogerie. De plus, les habitants de la Finlande, qui sont à 90% protestants, ont une mentalité proche de celle des réfugiés huguenots qui ont développé l'horlogerie en Suisse», constate Kari Voutilainen. De plus, la Finlande possède depuis de nombreuses années une des meilleures écoles d'horlogerie du monde, dont le programme a été calqué sur l'Ecole allemande de Glashütte.

«Dans un sens, c'est paradoxal qu'une telle école, qui compte environ 80 élèves, existe dans notre pays alors que nous n'avons pas de culture de production horlogère. Toutefois, elle a su évoluer et tenir compte des besoins de fabricants de téléphonie pour former les élèves aussi bien dans la micromécanique que dans l'horlogerie», note-t-il avec admiration.

Interrogé sur les difficultés de se faire un nom quand on est Finlandais dans un domaine helvétique par excellence, Kari Voutilainen répond: «C'est peut-être un peu plus facile quand on a des ancêtres horlogers, mais c'est par le travail, plus que par les origines, que l'on se fait une réputation. Pour moi, les difficultés viennent de mon activité particulière: c'est difficile de trouver des fournisseurs de bracelets ou de verres de montres quand on a besoin de petites quantités comme dix unités, car, même s'ils me font payer le prix fort, cela n'est pas rentable pour eux. Heureusement, je connais certaines personnes qui croient en mon travail et qui sont prêtes à m'aider.»

Kari Voutilainen est né en 1962 à Rovaniemi, dans la cité du Père Noël. Il aime la mécanique et les montres depuis toujours ou presque. «Quand j'étais enfant, un ami de la famille détenait une boutique d'horlogerie. J'aimais y aller fréquemment», raconte-t-il amusé. C'est donc assez logiquement qu'il décide de quitter la Laponie pour aller étudier non loin d'Helsinki, à l'Ecole d'horlogerie de Tapiola. Durant ses trois années d'études, sa passion dévorante lui plonge la tête jour et nuit dans les mécanismes des vieilles pendules. Une fois son diplôme en poche, il trouve un emploi de restaurateur de montres à Ylitornio, petite ville frontière avec la Suède. Mais il a envie d'apprendre plus et s'envole en 1988 pour cinq mois de cours intensifs au Wostep de Neuchâtel. Insatiable, il décide de revenir l'année suivante pour y suivre les cours sur les montres compliquées. L'ancien directeur du Centre, Antoine Simonin, remarque alors le zèle et l'intérêt de cet élève finlandais et lui propose de rester en Suisse. Une année plus tard, Kari Voutilainen est engagé chez Parmigiani, dans le Val-de-Travers, où il côtoie des horlogers de grande qualité.

Sa passion de l'horlogerie combine son métier et son hobby, à tel point qu'il installe un atelier à son domicile pour concevoir une montre de poche en dehors de ses heures de travail. Il s'y attelle soirs et week-ends durant quatre ans à partir de 1991.

Dès 2002, il se met à son compte, comme sous-traitant et restaurateur au départ, puis se lance dans la fabrication de ses propres montres très haut de gamme dès 2004.

Le prix de ses garde-temps oscille entre 120000 et 450000 francs, prix élevés qui ne rebutent pas les amateurs de son travail, notamment les collectionneurs américains ou asiatiques. Kari Voutilainen espère boucler sa première série de 11 chronographes au printemps 2007, et ensuite atteindre l'objectif de réaliser 10 à 15 montres par an.

Son entreprise compte une collaboratrice depuis deux ans et demi et un jeune horloger en formation, tous deux à temps partiel.

 

PME Magazine / Sylvie Jeanbourquin/ www.pme.ch