Carlos Dias: la carte de l'indépendance

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«... c'est une montre actuelle, inspirée mais pas soumise au passé qui se projette dans un futur qui nous appartient», telle est la définition que Carlos Dias, président directeur général de Roger Dubuis donne de ses montres.

Tribune des Arts - n° 313 - Juillet-Août 2003

G.T.

 

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Créée au milieu de l'année 1995, la manufacture horlogère Roger Dubuis constitue l'exemple même de ce que devrait être l'avenir de l'horlogerie suisse. Il est vrai que Carlos Dias, son patron fondateur, est un homme orchestre hors du commun. Passionné par les montres depuis toujours, élevé dans l'univers industriel, son père possédait une fabrique de motocyclette au Portugal, qui fut balayée par la Révolution des œillets. Grand travailleur, il a su faire la synthèse parfaite entre l'établi de l'horloger et l'automatisation de pointe. «J'ai été élevé au sein d'une usine où, dès l'âge de 9 ans je rejoignais mon père, ce qui m'a appris la valeur de l'indépendance, pour ne pas être à la merci d'un fournisseur de moteurs qui risque de vous tenir en otage et vous couper les livraisons pour une raison ou une autre».

En se lançant dans l'horlogerie Carlos Dias avait donc non seulement des idées très précises de ce qu'il voulait faire, tant en ce qui concerne la qualité de ses montres que le marketing mais, surtout, il voulait absolument verticaliser totalement sa production. Une gageure quand on connaît l'interdépendance de l'horlogerie suisse, mais une gageure visionnaire qui lui a permis d'anticiper les changements survenus l'année dernière dans le paysage horloger suisse. C'est ainsi que, dans sa toute nouvelle usine de Meyrin, il parvient à fabriquer ses montres de A à Z, de la même manière que les grands Breguet, Arnold et autre Berthoud, au XVIIIe et au début du XIXe siècle.

 

Du simple métal à la montre rare

Avec 180 collaborateurs, dont 70 horlogers, des micromécaniciens, des concepteurs et bien sûr du personnel d'administration, Carlos Dias est loin de ce jour d'août 1995 où, à Carouge, dans de petits locaux repris à une banque, il se lançait, en compagnie de l'horloger genevois Roger Dubuis, dans la fabrication de montres déjà exceptionnelles. Aujourd'hui, il fait se côtoyer les machines les plus modernes avec des horlogers hyper qualifiés construisant des mouvements et des complications à l'aide de milliers de pièces détachées fabriquées à l'étage au-dessous. Au point que, pour parodier l'image des conserveries de Chicago, où l'on voyait des bœufs entrer d'un côté et des boîtes sortir de l'autre, chez Roger Dubuis, on voit entrer des barres de métal et ressortir des montres rares. Une indépendance qui permet à Carlos Dias de réaliser des exploits. «Nous ne produisons que des séries de 28 pièces numérotées pour chacun de nos modèles, ce qui offre un atout de vente décisif aux détaillants, chaque pays disposant ainsi, quasiment, de pièces uniques». A la fois amoureux et connaisseur en horlogerie, Carlos Dias dessine en effet lui-même les fonctions qu'il veut obtenir à partir d'un calibre de base puis il impose à ses concepteurs de réaliser le mouvement, sur ordinateur, à partir d'éléments déjà en fabrication, ce qui permet une remarquable rationalisation tout en conservant une grande originalité et en simplifiant le travail du service après-vente qui ne croule ainsi pas sous des stocks d'innombrables pièces détachées.

 

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La future extension de l'usine Roger Dubuis à Meyrin. DR

Dans chaque atelier Carlos Dias a fait apposer une maxime qu'il signe et qui est révélatrice de l'état d'esprit de créativité règnant dans l'entreprise: «Celui qui ne veut rien faire trouve une excuse. Celui qui veut faire quelque-chose trouve un moyen».

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Une partie du personnel des ateliers de la manufacture Roger Dubuis. DR


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La production horlogère. DR

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Le secteur micromécanique. DR


Aucun défi n'est trop fou

Et surtout, avec ce système, il obtient une très grande fiabilité. «Nos mouvements, explique-t-il, sont conçus pour ne jamais tomber en panne car j'ai trop vu de clients déçus de voir s'arrêter la montre de grand prix qu'ils s'étaient offerte». Homme orchestre, Carlos Dias ne semble pas avoir de limites. Il a été le premier à lancer des montres grand format avec la «MuchMore», il retrouve la tradition genevoise de la peinture sur émail en créant un atelier spécialisé qui produit des centaines de cadrans raffinés chaque année, il dessine des montres inattendues, comme la «FollowMe», en forme de croix, qui fait fureur malgré son prix, il n'hésite pas à transformer son stand du Salon international de la haute horlogerie en Chapelle Sixtine, ce qui fait grincer quelques dents tout en attirant les télévisions et les journalistes du monde entier, il crée des mouvements «tourbillon», tout en dessinant les plans du nouveau bâtiment qu'il s'apprête à construire afin d'agrandir sa manufacture déjà imposante. Une créativité hors du commun qui ne pourrait pas donner sa mesure sans un outil industriel performant et indépendant qui lui permet de réagir au quart de tour et de se lancer dans les défis les plus incroyables. A l'heure où le succès dépend de l'originalité et de la rapidité, Carlos Dias navigue dans un courant qui lui fait surmonter les sempiternelles crises de l'horlogerie.

 

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