Les grands maîtres des temps

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Du 22 au 24 mai, une dernière répétition générale avait lieu dans lestade de Pékin. L'occasion de tester le dispositif déployé par lechronométreur officiel des JO, chargé de mesurer et de communiquer lesrésultats des épreuves.
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OMEGA : Les grands maîtres des temps

Du 22 au 24 mai, une dernière répétition générale avait lieu dans le stade de Pékin. L'occasion de tester le dispositif déployé par le chronométreur officiel des JO, chargé de mesurer et de communiquer les résultats des épreuves.

Trois rangées d'ordinateurs, une quinzaine de techniciens en polos rouges, les yeux rivés sur leur écran respectif, et un silence de bloc opératoire. Dans la "timing room" du stade olympique de Pékin, la concentration est maximale.

A 80 jours de l'ouverture des JO, les épreuves d'athlétisme du China Athletics Open sont l'occasion de tester, en grandeur nature, les instruments qui mesureront les performances des 2000 athlètes en compétition ce mois d'août. La longue baie vitrée domine le "nid d'hirondelle", ses 91 000 places, sa piste circulaire, sa pelouse centrale et les centaines d'appareils reliés ici, au poste de contrôle: cellules photoélectriques, caméras photo-finish, starting- blocks, anémomètres, écrans d'affichage...

"Nous mesurons le temps, mais aussi le vent, les faux départs, les distances des sauts ou des lancers, explique Christophe Berthaud, 'chef du temps' pour Omega, le chronométreur officiel des Jeux Olympiques. Nous sommes responsables des résultats de toutes les compétitions. Nous devons notifier les performances et les formater pour permettre leur affichage dans le stade et leur diffusion à la télévision ou sur Internet." Avec 420 tonnes de matériels et 450 professionnels, assistés de 1 000 bénévoles, jamais les maîtres du temps des JO n'ont été équipés de la sorte, ni aussi nombreux.

Précision et fiabilité

"Plus vite, plus haut, plus fort", le beau slogan olympique a ses limites: celles du corps humain. Pour homologuer de nouveaux records quand les performances se jouent à un cheveu, il faut des instruments capables de saisir les plus infimes différences de temps ou de mesure. "La médaille d'or se gagne au centième de seconde", rappelle la nageuse slovaque Martina Moravcova (deux médailles d'argent à Sydney en 2000).

Même son de cloche pour Christophe Berthaud : "Nous avons deux paramètres à respecter, la précision et la fiabilité." Et une énorme responsabilité à gérer : les résultats mesurés deviennent officiels une fois validés par le juge. Pour sa 23e participation aux JO, l'horloger suisse a amené quelques nouveautés. D'abord, une nouvelle version de la caméra photo-finish.

La toute nouvelle Scan O Star prend 2000 images numériques par secondes avec une définition améliorée. Dans toutes les disciplines, les services fournis aux médias seront plus nombreux, avec davantage de graphiques et d'images virtuelles.

Pour les compétitions de natation retransmises à la télévision, une ligne rouge des records établis courra sur les bassins pendant les épreuves. Autre innovation: les coureurs de fond seront équipés de petits transpondeurs RFID (identification par fréquence radio, technologie qui permet de lire les infos transmises par ondes courtes, comme le pass Navigo du métro parisien) logés dans leurs dossards ou sur leurs lacets: ce gadget permet d'enregistrer chaque passage devant une antenne relais.

Pour le marathon, la voile et l'aviron, la technologie GPS sera également utilisée, afin d'obtenir toujours plus d'infos sur le positionnement des concurrents. "Nous ne créons pas de technologie de base, comme la RFID ou l'image numérique, explique Christophe Berthaud. Mais nous nous en servons pour améliorer la précision de nos mesures et la qualité des infos transmises aux spectateurs."

A quelques minutes du début des épreuves du China Athletics Open, les hommes de la "timing room" sont concentrés comme des sprinters avant leur course. L'organisation est presque militaire. "Pendant les épreuves, j'interdis le moindre commentaire en dehors des liaisons indispensables entre chronométreurs", assure Christophe Berthaud.

Du matériel éprouvé


Chaque technicien, chaque ingénieur tient un rôle, qu'il soit devant son ordinateur ou sur le terrain. Entre eux, les communications se font par radio - les liaisons par téléphone portable n'étant "pas suffisamment fiables" pour un événement d'une telle importance.  "Aux JO, nous n'utilisons que du matériel éprouvé, poursuit le responsable du chronométrage. Toutes nos innovations sont testées dans des compétitions préalables. Pas question de prendre le moindre risque durant l'événement olympique. Les athlètes se préparent pendant des années, imaginez leur déception si nous échouons dans le chronométrage de leur performance!"

Pour prévenir les risques de défaillance, la plupart des instruments de mesure sont automatisés et triplés, pour plus de sûreté. En cas de coupure de courant, des onduleurs électriques permettent de maintenir l'activité pendant une quinzaine de minutes. "Malgré toutes ces précautions, la course reste un événement en direct, tout peut arriver", met en garde Christophe Berthaud . L'erreur humaine, est encore envisageable, même si elle se minimise même si l'automatisation des mesures limite le risque.

Pour les courses, le départ du chronomètre est synchronisé avec le coup de pistolet et le temps d'arrivée lu sur les images du photo-finish. En natation, ce sont les nageurs eux-mêmes qui arrêtent leur chrono en appuyant sur les panneaux de touche. Autre exemple, si un escrimeur conteste une touche, l'épreuve est interrompue et le juge visionne au ralenti le geste contesté -les caméras font désormais autorité dans le dispositif olympique.

Le sport moderne et la mesure du temps sont devenus indissociables. On dit même que le chronographe tient le public davantage en haleine que l'effort personnel des athlètes, devenus des machines à produire des performances. Jean- Marie Brohm, professeur de sociologie à l'université de Montpellier, auteur de plusieurs livres sur le sujet, regrette "cette névrose obsessionnelle de tout contrôler, paramétrer, qui produit du stress et encourage le dopage".

Mais c'est ainsi, la technique fait maintenant partie du sport, pour le pire et pour le meilleur. Elle participe à la spectacularisation de l'émotion de ces rendez-vous populaires, tout en rendant les arbitrages des épreuves moins contestables. En 1896, lors des premiers JO modernes, les juges opéraient avec leurs propres chronographes qui mesuraient les temps au 1/5 de seconde. Aujourd'hui, les courses sont chronométrées au 1/100 de seconde, mais on sait les enregistrer au 1/10 000 de seconde.

Cet été, les Jeux Olympiques de Pékin, suivis par plus d'un milliard de téléspectateurs dans le monde entier, seront ceux de la précision.
Guillaume Jan
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SOURCE : L'Express, 17 juillet 2008 (cliquez sur les chaussures de Dire Tune, recordwoman de l'heure, ci-dessus)…

 
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