Une autre géométrie du temps

Image
A different geometry of time - Shaped calibres
4 minutes read
On appelle mouvements de forme, ceux dont la structure de la platine n’est pas classiquement ronde. On croit souvent que ce type de calibre est une invention récente destinée à permettre aux horlogers de s’adapter aux designs originaux des montres apparues dans le courant des années 1920-1940.

Pourtant, les horlogers du passé ont déjà proposé des mouvements aux formes compliquées pour une bonne et simple raison : les hommes de l’art aiment depuis toujours que les calibres occupent l’espace du boîtier. Voilà pourquoi, les instruments de mesure du temps -plus bijoux que montres- de la fin de la Renaissance et du début du Grand Siècle, embarquaient parfois, quand il s’agissait de « Miséricordes » (des montres en forme de croix, de tête de mort ou aux dessins baroques), des mécanismes dont les volumes généraux suivaient au plus près celui de l’intérieur de la boîte travaillée avec soin. L’appairage faisait de ces ouvrages de vrais joyaux.
 

 

Avec la généralisation des montres de poche, l’habitude s’est un peu perdue durant le Siècle des Lumières et le XIXième siècle de proposer de pareilles pièces dotées de calibres dont la ligne générale leur interdisait alors d’être produits en série.

 


Il a donc fallu attendre l’arrivée des montres-bracelets et la généralisation des pièces rectangulaires et tonneau au cours de la période Arts Déco pour voir réapparaître au catalogue des marques des mouvements ayant des formes susceptibles de correspondre à celle du boîtier. L’idée d’une certaine perfection dans la construction, ancrée dans le cerveau des amateurs de garde-temps, et le souci d’installer dans les carrures des composants de taille normale poussait les marques à développer des mouvements originaux… Allez mettre un calibre rond dans une boîte rectangulaire… C’est possible, mais si la taille de la montre est raisonnable, celle du mécanisme sera ridiculement petite et imposera d’avoir la trotteuse de seconde (si elle n’est pas centrale) très près de l’axe des aiguilles d’heures et de minutes.


Aujourd’hui, c’est un fait, beaucoup de marques ont recours à de petits calibres automatiques ronds placés dans des montres de forme, mais les mensurations de ces dernières sont souvent très grandes… Par chance, certaines maisons, parmi les plus importantes -car il faut les moyens de ses ambitions-, développent des calibres de formes pour les intégrer dans des instruments d’aujourd’hui. Evidemment, ces références sont encore marginales et la plupart à remontage manuels. Mais l’idée fait son chemin d’offrir, même à ces modèles, une conception mécanique aboutie. Chopard a sorti un calibre L.U.C tonneau à micro-rotor pour la L.U.C XP Tonneau, et Corum a développé pour la Golden Bridge un système inspiré des Rolls d’antan pour automatiser le remontage. Elle propose également cette année, une alternative pour la Ti-Bridge des plus intéressantes, avec un remontage réalisé à l’aide de deux masses oscillantes associées par une bielle.
 


Evidemment, des marques comme Jaeger-LeCoultre avec les calibres Reverso et 101, Rolex avec le mouvement de la Prince, mais également Patek Philippe avec la Gondolo proposée cette année, font partie des signatures historiques à avoir toujours eu à leur catalogue des calibres de référence dont la particularité est de s’adapter aux boîtiers carrés ou rectangulaires. Aujourd’hui, de nombreuses maisons ont mis au point, ou sont en cours de le faire, des calibres mécaniques destinés à donner vie à des instruments rectangulaires, tonneau ou cintrés d’une taille raisonnable. Eterna l’a fait avec le calibre de la Eight Days Madison, Baume & Mercier a retenu un calibre de forme à remontage manuel pour la Hampton en or rose inspirée du modèle historique.
 


Evidemment, les entreprises de renom sont pratiquement obligées d’avoir dans leurs collections une offre dans ce style pour répondre aux attentes des puristes. Patek Philippe a ainsi présenté cette année, la Gondolo 5200. Mais, la manufacture saxonne A.Lange & Söhne dispose également depuis longtemps maintenant à son catalogue, d’un calibre de forme pour la collection Arkade, tout comme Piaget possède le calibre de forme à tourbillon le plus plat du monde pour l’Emperador Tourbillon Lune.
 


Mais les jeunes entités comme Hautlence ne sont pas en reste par rapport aux marques institutionnelles. Elles osent également produire des mouvements de forme pour séduire un public que l’on pourrait dire blasé par un certain conformisme ambiant et dont le but, à travers l’approche de la « nouvelle horlogerie », est de s’offrir du sensationnel. C’est le choix fait par Badollet avec le modèle Ivresse qui a su faire la différence, mais également celui fait par Richard Mille dont l’essentiel de la production est constitué de calibres sortant de l’ordinaire dont la forme est associée à celle du boîtier, comme celui de la RM 27, devenu parfaitement identifiable, surtout au poignet de sportifs de renom…