Blancpain Tribute to Fifty Fathoms AquaLung

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Blancpain Tribute to Fifty Fathoms AquaLung - Pourquoi pas?
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Le point de vue du collectionneur sur une montre de plongée réputée.
WORLDTEMPUS - 11 mars 2013

Serge Panczuk

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La grande histoire et les petites anecdotes horlogères se sont souvent rencontrées. Certains garde-temps ont traversé la Manche à la nage, d'autres l'Atlantique. Des montres ont accompagné des astronautes ou des pilotes de courses légendaires. D'autres se sont retrouvées au bras articulé d'un bathyscaphe, au fond de la Fosse des Mariannes.
Mais certaines ont un lien encore plus étroit avec une figure historique.

L'histoire de Robert « Bob » Maloubier est exceptionnelle. Il a 17 ans lorsque les Allemands envahissent la France. Dès lors, il n'a qu'une idée: rejoindre les forces qui combattent les armées de l'Axe. Il tentera de partir pour Londres, mais le hasard – et sa volonté – l'emmèneront finalement en Afrique du Nord. Là commencera la légende de cet homme qui se retrouvera rapidement engagé dans le SOE – Special Operations Executive – un service secret ayant pour vocation d'appuyer les divers mouvements de résistance européens. A ce titre il mènera plusieurs missions en France occupée, avant de partir pour l'Asie du Sud Est en 1945.

En 1947, il participe à la création du SDECE (le Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage - les Services Secrets français). Quelques années plus tard, il fonde la première unité de nageurs de combat de l'Armée Française, en s'inspirant des unités italiennes (Xe Flottigli MAS), de la  Special Boat Section britannique ou des Underwater Demolition Teams américaines.
C'est dans ce cadre que cet homme va se trouver en mesure d'influencer le monde de l'horlogerie.

Au début des années 50, les équipements de plongée sont récents. En France, la Société Spirotechnique – créée par Jacques-Yves Cousteau et Emile Gagnan -  est spécialisée dans le développement et la commercialisation de ce type de matériels. Bob Maloubier est à la recherche d'une montre de plongée qui rassemblerait toutes les caractéristiques techniques indispensables à la plongée de combat. Il se rend chez Lip pour proposer les plans d'un modèle qu'il a dessiné avec un de ses confrères, Claude Riffaud. L'accueil est plus que mitigé, et les deux militaires sont gentiment éconduits. La montre présentée n'a aucun avenir. Trop grosse (41mm), trop sportive, aux caractéristiques inutiles. Bref un futur bide …

Finalement, une société horlogère appelée Blancpain se lancera dans l'aventure et développera ce qui allait devenir une montre légendaire: la Fifty Fathoms. Jean-Jacques Fiechter, le PDG d'alors, était d'ailleurs un grand amateur de plongée sous-marine.


Pourquoi Blancpain

Pas besoin de présenter la marque dont l'origine remonte à 1735. En 1932, la manufacture s'appelle Rayville (anagramme de Villeret, village où a été créée la marque par Jehan-Jacques Blancpain). Elle connaît des succès et des revers, elle passe entre différentes mains. En 1950, elle rejoint la Société Suisse pour l'Industrie Horlogère (SSIH).
En 1983, Blancpain est revendue à Jean-Claude Biver et Jacques Piguet. Les deux compères se concentrent sur l'origine ancienne pour redonner à Blancpain ses lettres de noblesse.  Blancpain décolle, le succès est au rendez-vous. La marque rejoint le Swatch Group et continue à grandir.


La Blancpain Tribute to Fifty Fathoms Aqua Lung : l'espionne qui venait du fond …

La Fifty Fathoms est née en 1953. Elle précède donc la fameuse Rolex Submariner. Elle partage certaines caractéristiques avec la plongeuse de Bienne, mais reste plus « artisanale » que la fameuse Oyster. En effet, tout au long de sa longue histoire, et jusqu'au lancement de sa version « moderne » en 2007, la Fifty Fathoms n'a été réalisée que dans de petites séries. Ceci contribue à sa légende, mais rend aussi l'analyse de son histoire plus riche.

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En effet, la belle plongeuse sera réalisée en de multiples versions: avec date, sans date, avec des aiguilles de formes variées, des lunettes ou des cadrans différents, ou des traitements de boîtiers variables. Enfin, elle sera aussi réalisée sous différent noms, depuis les « Tornek Rayville » américaines, en passant par Lip, Aqualung, etc ….
C'est en 2003 que Blancpain a décidé de réinterpréter la Fifty Fathoms. D'abord proposée en série limitée, elle rejoint le catalogue de la marque en 2006. Depuis, Blancpain a décliné SA plongeuse en de multiples versions, depuis de classiques trois aiguilles, en passant par des chronographes, des versions étanches à 500m jusqu'à des tourbillons.

En 2010, la manufacture propose une série limitée de 500 exemplaires, qui reprend le fameux cadran « No Radiation » qui indiquait dans les années 1960 que les index luminescents peints étaient traités avec une matière inoffensive.

La montre qui nous intéresse aujourd'hui est une autre série limitée. Il s'agit cette fois-ci d'une « Tribute to Fifty Fathoms Aqua Lung ». Comme nous l'avons évoqué précédemment, la Fifty Fathoms a été proposée via plusieurs canaux et sous plusieurs noms. Aqua Lung est une marque créée en 1946 par Jacques-Yves Cousteau pour commercialiser ses instruments de plongée dans les pays anglophones, et notamment les USA. Il s'agissait « d'américaniser » le nom Spirotechnique, imprononçable en anglais !

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Mais ce même terme est aussi le nom américain pour désigner les détendeurs de plongée – également inventés par l'homme au bonnet rouge. Le lien avec la plongée ne fait donc aucun doute. Cette fois-ci, la Fifty Fathoms Tribute to Aqua Lung ne célèbre pas les origines militaires de la Fifty Fathoms, mais bel et bien sa vocation civile, et ce qu'elle a pu apporter aux premiers plongeurs bouteille amateurs!

La version « moderne » de la Fifty Fathoms  a pris de l'embonpoint. Elle mesure désormais 45 mm. Elle est étanche à 300 m, ce qui est bien plus que les fameux Fifty Fathoms (50 brasses, ou 91.45 m). A l'inverse des autres Fifty Fathoms du catalogue, la Tribute to Fifty Fathoms Aqua Lung est proposée avec un traitement satiné, plus proche des modèles vintages. Elle arbore la gravure Blancpain sur le flanc gauche. Coté calibre, Blancpain ne change rien. L'Aqua Lung abrite le calibre 1315 visible au travers d'un fond saphir.

Le cadran reprend les caractéristiques de la version Aqua Lung: il propose des indicateurs 3 / 6 / 9 / 12, et des index bâtons peints. Ces derniers diffèrent de la version normale qui sont triangulaires. Enfin, les aiguilles de la série limitée sont plus proches de celles du modèle vintage.

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Le logo Aqua Lung est disposé sous celui de Blancpain, à 12 heures. La mention Fifty Fathoms est présente à 6 heures. Un guichet date vient compléter le tableau. Il est disposé entre 4 et 5 heures. La lunette est caractéristique de l'Aqua Lung. Si le losange à 12 heures demeure, les indicateurs de minutes de 1 à 15 disparaissent pour ne laisser que des index toutes les 5 minutes. Le style de la lunette est souvent un moyen de différencier les Fifty Fathoms vintage ou contemporaines. Par exemple, la version « No Radiation » de 2010 présente une lunette totalement graduée.

Le bracelet est propre à cette série limitée. Il reprend le design « à trous sports » des fameux Tropic Apollo des années 1970. Il est équipé d'une boucle ardillon.

En 2013, Blancpain continue donc à cultiver la légende. Cette Tribute to Fifty Fathoms Aqua Lung ne déroge pas à la règle, et nous pourrons affirmer que l'on ne change pas une recette qui marche.


Ce qu'en pense l'avocat du Diable ?


La Tribute to Fifty Fathoms Aqua Lung est une réinterprétation et non une réédition. La nuance est importante. La réédition reprend les codes originels et propose un modèle qui doit être le plus proche possible du modèle dont elle s'inspire. La réinterprétation s'autorise quelques évolutions, et choisit de « moderniser » une pièce.
C'est sur cette différence que l'avocat du diable fait porter la plupart de ses remarques.

Tout d'abord, je me pose la question de la gravure Blancpain sur la boîte, qui, à mon sens, l'alourdit. La Fifty Fathoms est une montre mythique, qui est reconnaissable entre toutes. Son design suffit à l'identifier comme une Blancpain.
Ensuite, la disposition de la date est moins en phase avec les modèles vintage qui – lorsqu'ils en avaient une – proposaient un guichet à 3 heures. Une version sans date serait peut-être plus intéressante.

L'Aqua Lung contemporaine propose un fond transparent qui laisse admirer un superbe rotor en forme d'hélice. L'intention est bonne, et la réalisation splendide. Mais une montre de plongée doit avoir un fond plein, gage de sécurité et d'étanchéité. D'ailleurs, la « Tribute to No Radiation » n'est pas équipée d'un fond avec verre saphir.
Enfin, le système d'accroche du bracelet qui requiert un outil spécifique est, peut-être, lui aussi de trop. Un retour à des pompes classiques serait un vrai plus.


Quelle image véhiculera le porteur de cette Blancpain Fifty Fathoms Aqua Lung

La version contemporaine de la Fifty Fathoms est résolument plus « civilisée » que les premiers modèles de 1953. Son aïeule avait un look très artisanal, qui contribuait à son charme. C'est ce que recherchent aujourd'hui les collectionneurs de Fifty Fathoms.

En 2013, elle est moins brute, et se marie désormais très bien à un style « sport chic ». La Fifty Fathoms est devenue une alternative intéressante pour qui voudrait une plongeuse qui combine histoire et sobriété. Elle est moins classique qu'une Submariner, mais reste une référence. La meilleure façon de savourer une réinterprétation est d'avoir la chance de posséder l'originale et la contemporaine.

En cette époque pré-Baselworld, nous attendons de savoir quelle réinterprétation d'un modèle vintage Blancpain proposera cette année. Les options sont nombreuses. Mais j'aimerais tellement que le choix se porte sur la Milspec I, avec son cadran sobre, sans index chiffrés, mais avec le fameux indicateur d'humidité !

 

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