Il est délicat de dire du noir qu'il est une couleur. C'est une teinte, certes, mais pas une couleur puisque le noir, le vrai, est précisément l'absence de lumière. Pas de lumière, pas de couleur donc. Cette couleur qui n'en est pas une n'en est pas à un paradoxe près. En effet, en tant que véhicule de sens, il veut tout dire. Il est donc un langage à lui tout seul. Ce vocabulaire subtil est fait de nuances, qui s'apprécient dans un contexte. Car le noir n'est pas unique, ni absolu. Il présente des textures et des variations, des reflets et des aspects différents selon son environnement.
Il peut donc être la discrétion même. Avec une surface matte et un cadran carrément grené, il atteint le statut que la mode lui a donné, la couleur absolue, raccourci immédiat vers le chic, chez Hermès. C'est avec une pointe de rouge, sur la tranche du bracelet que la Cape Cod Shadow s'apprécie. Elle est déjà à la limite du lisible mais ce n'est pas son objectif. Le noir sur noir sur noir est un registre différent. Chez Bulgari, il s'appelle Ultranero : une boîte Octo noire satinée, des index, aiguilles et cadran ton sur ton permettent de lire toutes les nuances de noir que l'on peut rassembler dans quelques centimètres carrés. L'Octo en devient quasi-invisible.
Pour aller au maximum de l'imperceptible, il faut faire appel à la technologie. MCT a ainsi pris une licence pour utiliser le Vantablack, un nom déposé qui repose sur l’utilisation de nanotubes de carbone. Leur propriété est ici de boire la lumière pour créer le matériau le plus noir de tous. Dans la Sequential One s110 Evo Vantablack, il compose le cadran et on ne peut le voir qu'en creux, par contraste avec le reste.
Le noir dit aussi la technicité dans tous ses aspects. Ce peut être une technicité redoutable qui repose sur les formes, comme celle de la TAG Heuer Carrera Heuer-01 Full Black Matt Ceramic. Toute en céramique, toute en angles, elle dit la course et ce qu'il peut y avoir d'inquiétant à voir un objet noir en approche dans son rétroviseur. C'est aussi une technicité liée à la vitesse donc, comme le prouve Montblanc avec sa TimeWalker Chronograph 1000. Pour la seconde utilisation de son chronographe à double fréquence, qui culmine à 360’000 alternances par heure, la marque a choisi un habillage en titane DLC noir et un cadran qui va avec, ponctué de touches rouges...Forcément, pour la vitesse, le rouge s'impose.
Cette technicité peut aussi ne pas se rendre lisible, ni évidente, substance complexe qui préside à la destinée de montres pionnières comme la Panerai LAB-ID Luminor 1950 Carbotech. Elle possède un boîtier en composite à fibre de carbone de type PEEK, déjà vu, mais surtout, son mouvement est réalisé en carbure de tantale. Dans cette céramique noire, le carbone sert de lubrifiant solide. Les pivots des rouages tournent sans friction. Car l'expérience du noir est plus forte quand elle est totale, quand elle joint le geste à la parole. Quand le noir devient intégral.
