Interview de Jérôme Lambert

Image
Interview with Jérôme Lambert - Montblanc
5 minutes read
Quelques heures avant sa présentation officielle, à Londres, le CEO de Montblanc présentait à WorldTempus la première smartwatch de la marque, la Summit.

Vous présentez une smartwatch, à écran tactile. Qu'est-il arrivé à votre E-Strap, votre extension de bracelet connectée ?
Il arrivait à la fin de sa durée de vie. Vous savez que ces produits fonctionnent par génération. Quand on s'est posé la question de savoir si on faisait une seconde génération ou si on embrassait plus de fonctions, j'ai décidé qu'on allait passer à une version plus globale. La technologie était assez mûre pour qu'on puisse la passer sur la partie avant de la montre. Avec la Summit, on va jouer sur une extension de l’expérience horlogère ; ou bien on parle à des clients qui ont déjà une montre de belle horlogerie et qui peuvent entrer sur une deuxième montre, ou une montre de complément, pour accéder à l'ensemble des activités digitales. Ou bien on entre sur une première montre de clients qui ont eu des expériences de technologie mais qui n'intégraient pas la qualité de la belle horlogerie. On s'est dit que pour ces deux types de client, on pouvait offrir une nouvelle expérience.

Avec un cadran qui a l'apparence d'une montre de type vintage ?
Oui exactement, celui de la 1858. On est parti du constat qu'on a besoin d'un cadran assez grand pour que ce soit plus facile à lire, surtout après un certain âge. On est passé assez naturellement à ce type d'expérience et on a pu profiter d'un cadran assez ouvert, celui de la 1858, comme base esthétique.

Comment avez vous abordé l'ergonomie au poignet ?
On est à 46 mm de diamètre et 13,5 mm d'épaisseur, avec un capteur cardiaque, c'est vraiment une bonne taille. On est plus fin qu'avec un Valjoux. Et si on était plus fin, ça serait trop plat en proportions. 46 mm, c'est la contrainte pour rendre les fonctions vraiment lisibles. On offre un grand choix de boîtiers, quatre versions avec ou sans PVD, et des bracelets interchangeables. Et il y a des cadrans au choix. On peut basculer sur celui d'une TimeWalker, nous avons dessiné celui d'une heure universelle spécialement pour la Summit. Et on commence à 890 € environ, aux variations de TVA près.

Interview de Jerôme Lambert

La Summit au poignet, avec un cadran de type TimeWalker © David Chokron/Worldtempus

C’est votre premier prix horloger, toutes gammes confondues ?
Oui et de loin. On s'est mis dans la logique de la fonction. 890 €, c'est le prix d'un stylo plume Meisterstück. Le prix permet d'être une entrée dans le monde de Montblanc.

C'est une montre qui a la capacité d'être un caméléon, qui offre des cadrans de montres qui existent dans vos gammes, qui est la moins chère de toutes. Est-ce qu'elle ne va pas supprimer le besoin d'acheter une autre montre Montblanc ?
On va d'abord travailler sur les codes de la 1858, puis il y aura des cadrans différents régulièrement, un par mois. Mais l'objectif est d'ouvrir un nouveau territoire à des clients nouveaux, des clients qui n'étaient pas entrés dans l'horlogerie Montblanc, mais qui aiment le business lifestyle luxueux qui est celui de Montblanc. Quand on passe à l'horlogerie mécanique, on a d’autres attentes en termes de représentation esthétique, on se polarise moins sur la fonctionnalité. Donc je pense peu à ce risque de cannibalisation. Ce n'est pas notre premier challenge. Notre premier challenge c'est de bien présenter et expliquer le produit et ses évolutions. Et demain [NDLR : le lendemain de la présentation officielle du produit] nous avons 105 événements produit simultanés dans le monde.

C'est la force de Montblanc, cette présence...
En tout cas c'est un beau challenge, d'avoir la montre disponible partout, ça crée une vraie mobilisation des équipes. Et on est pionniers dans ce genre de démarche. C'est bien pour une maison de luxe, de création, de tracer une voie plutôt que d’être dans le suivisme.

Vous parlez de création, mais vous travaillez sous la même contrainte que bien des fabricants de montres connectées, vous utilisez une plate-forme Android Wear, qui est générique. Donc votre manière d’utiliser le produit n'est pas différente.
Ça peut être un avantage. Pour un produit nouveau, utiliser une grammaire commune c'est très important. Sinon le produit peut rester abscons et distant. Après nous avons des fonctionnalités qui sont de chez nous, que nous avons inventées. Celles que nous avons gardées d'Android Wear, les fonctions intégrées comme Uber, c'est notre choix aussi.

Interview de Jerôme Lambert

Deux versions de la Summit entourées de leurs options de bracelets et du chargeur © David Chokron/Worldtempus

Est-ce que vous allez développer des services liés à vos autres métiers, comme les bagages, et accessibles spécifiquement par cette montre ?
On va pousser tous les mois des cadrans supplémentaires, mais aussi des fonctions des services nouveaux, une interaction plus grande avec la maison. C'est l’intérêt aussi d'avoir un produit connecté, car nous restons connectés avec nos clients.

Des fonctions de suivi de vos bagages avec des traqueurs intégrés ?
Nous avons déjà un porte-clés qui permet un tracking Bluetooth. Nous avons des protections RFID pour éviter le piratage de puces par scanner dans nos lignes de maroquinerie.

Parlons du timing. On est pas longtemps après le SIHH, où vous exposez, et juste avant Baselworld, où vous n'exposez pas. Pourquoi lancer le produit maintenant et séparé du reste ?
C'est un univers très riche, qui demande beaucoup d'attention et on voulait un temps dédié pour le comprendre complètement, pour qu'il ne soit pas perturbé par d’autres messages. On a décidé de le lancer pas comme un produit parmi les autres. Après, les livraisons commencent en mai et je veux faire des pré-réservations d'un mois ; pour mettre ça en place, on arrive à la mi-mars. Et ce n'est pas calé sur Bâle, ce n'est pas une date qui compte dans nos agendas. Les dates sont aussi définies par nos partenaires et elles le sont depuis longtemps.

Du coup, la Summit n'est pas Swiss Made ?
Non, nos cuirs sont faits en Italie, nos stylos viennent d'Allemagne, on a plusieurs labels d'origine. Elle est Made in China, parce que la partie électronique est assemblée en Chine. Qualcomm produit la partie intérieure et le processeur, qui a la plus grosse valeur. On aurait pu s'amuser à les assembler à en Allemagne, mais on n'aurait jamais été prêts à temps.

Et le boîtier est issu de votre production habituelle?
Alors le boîtier, le saphir, les bracelets, ce sont nos partenaires habituels qui les font. Mais il s'agit d'une promesse qui est distincte. Ce n'est pas notre axe sur ce produit. L'origine n'est pas autant un enjeu que les qualités fonctionnelles, l'accès à l'horlogerie Montblanc.

Interview de Jerôme Lambert

La Summit en version DLC noire, avec son cadran hérité de la ligne 1858 © Montblanc

Marque