Ces marques horlogères qui ont dompté le bois

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Par ses contraintes de matière vivante, le bois n’est pas fréquent en horlogerie. Pourtant, quelques marques l’utilisent. Regard sur Reuge, DeLaneau, Bovet, Cvstos et les Ateliers Louis Moinet.



La plupart des métaux est stable et convient donc aux cadrans. Le bois, lui, bouge sans cesse. Certaines maisons ont donc décidé qu’il représentait un défi à la mesure de leur talent : vivant, non uniforme, sensible à la lumière et à l’humidité. Quelle aubaine !


Pourtant, ces caractéristiques sont bel et bien un atout pour certaines marques. En effet, le bois n’est pas toujours utilisé que pour ses propriétés esthétiques, mais aussi acoustiques.


Reuge, unique maison au monde à perpétuer la fabrication de boîtes à musique mécaniques de luxe, en utilise dans la majorité de ses modèles. Elle revendique ses propriétés naturelles : « le bois se transforme avec le temps. Pour moi, accepter le travail du bois, c’est avoir le respect de l’âge », souligne Kurt Kupper, CEO de la maison Reuge.

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A l’inverse, en horlogerie, le bois n’est pas d’usage généralisé. Rares sont les maisons à avoir tenté l’aventure. DeLaneau fait partie d’elles et va même plus loin : elle propose des pièces serties sur bois. Sauf que le bois ne se sertit pas ! Comment avoir contourné le problème ?


La subtilité est d’avoir utilisé une base en ébène, par-dessus laquelle fut apposée une applique. « Nous avons ainsi traité le cadran en relief, un travail qui fait partie de notre ADN », explique la maison. « Toutes nos pièces sont inspirées par la nature, nous nous devions donc d’en proposer quelques-unes avec du bois. Toutefois, nous n’avons pas réalisé beaucoup de pièces de ce type car il était difficile de trouver des morceaux d’ébène qui satisfassent notre degré d’exigence, notamment sur sa tonalité et son uniformité ».

Tech & Teck


Outre leur attrait esthétique, certains bois sont utilisés en référence à un univers bien précis. C’est l’approche qu’ont choisi Bovet et Cvstos.


Pour la première, c’est le Chronographe Cambiano Cambiano qui fut sélectionné pour recevoir du chêne massif. Pourquoi ce bois ? Parce que la pièce est un hommage à Pininfarina et que ce dernier a présenté en 2012 son premier « concept car », équipé d’un plancher en chêne. Pour symboliser cette union, la manufacture a donc développé un chronographe qui utilise le même bois.

« Le principal risque du bois est qu’il soit mal stabilisé, parce qu’il a mal vieilli ou qu’il a été mal séché », détaille la Maison Bovet. « Pour le Cambiano Cambiano, nous n’avons pas eu ces considérations car le bois nous a été fourni par Riva, un bois issu des piliers de soutènement de la ville de Venise. Depuis des dizaines d’années, la matière était donc parfaitement stabilisée. Le savoir-faire de Riva, connu pour ajuster au millimètre des ponts de bateaux exposés à toutes les intempéries, nous a ensuite apporté toutes les garanties nécessaires ».

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Pour la seconde, Cvstos, l’analogie entre bois et horlogerie n’est pas automobile mais maritime. La montre Challenge Sea-Liner offre un véritable plancher en teck en guise de cadran. « En ce sens, ce n’est pas simplement un cadran, c’est véritablement de la marqueterie », souligne Antonio Terranova, cofondateur et directeur artistique de Cvstos. « Nous avons une base en titane que nous avons creusée et sur laquelle nous avons inséré des feuilles de teck de 7/10ème d’épaisseur ». En somme, un procédé proche, dans ses principes, du champlevé pour l’émail. Et Antonio Terranova de rappeler: « Contrairement à ce que l’on pense, c’est une expertise bien maîtrisée des cadraniers. Même si cela reste assez rare, ce travail du bois a fait l’objet de commandes spéciales de Piaget ou de Cartier dès les années 70 ».

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Une montre de 70 millions d’années


Les Ateliers Louis Moinet proposent une interprétation très personnelle des cadrans boisés : le fossile. « Dans notre collection Trésors du Monde comme pour la pièce unique Rainforest, nous avons effectivement utilisé des essences fossilisés estimées à 70 millions d’années », indique Jean-Marie Schaller, CEO et Directeur créatif de la maison. « Le plus difficile est la découpe. Même si la matière est dense, nous avons dû développer des outils spéciaux, une fine scie qui progresse très lentement afin de ne pas briser ni effriter le bois fossilisé. Le choix des pièces ne fut pas évident : nous avons choisi les plus belles veines et veillé à ce que l’esthétique de la partie gauche soit un écho à celle de droite ».

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Louis-Moinet-Rainforest_palmwood

Aujourd’hui, le bois connaît un regain d’intérêt. Ceux qui l’ont maîtrisé, à l’instar de Bovet, ne s’interdisent pas d’y revenir : « nous avons toutes les compétences en interne et le succès rencontré fut immédiat : la quasi-totalité des 80 pièces développées pour la Pininfarina Cambiano furent vendues alors que le salon n’était même pas terminé », conclut la Maison Bovet.