En cette année du 85e anniversaire de son modèle Reverso, Jaeger-LeCoultre a lancé L’Atelier Reverso (d’abord dans une boutique exclusive Jaeger-Lecoultre à Londres, mais ensuite disponible dans toutes les boutiques de la marque), qui permet aux clients et amateurs de la marque de personnaliser leur montre. En choisissant la taille et la matière du boîtier, le cadran, le bracelet, le sertissage et la gravure au verso des modèles monofaces, ils disposent ainsi d’un objet de luxe encore plus exclusif.
Un format idéal
Pour la Reverso, cette démocratisation de l’exclusivité est la suite logique des personnalisations de modèles commencées dans les années 1935 dans un pays où était encore bien présente la culture de la peinture miniature, et où la Reverso était bien connue puisque c’est sur un terrain de polo de l’Inde coloniale qu’elle avait été testée pour la première fois en conditions réelles. Ainsi, on doit probablement à un maharadja ou à un riche dignitaire indien les premiers exemples de Reverso personnalisées, trois montres décorées de portraits miniatures de belles Indiennes et de la divinité Krishna.
Comme la grande majorité des toiles de maîtres, la Reverso est rectangulaire, quoique plus haute que large, au contraire du format traditionnel des peintures. Ce gabarit lui donne un avantage considérable sur les montres rondes, en termes de respect du format de l’oeuvre, lorsqu’il s’agit d’exécuter la reproduction miniature d’une peinture, et Jaeger-LeCoultre l’a bien compris.
Reproductions de toiles célèbres
Créé en 1996, l’atelier d’émaillage de Jaeger-LeCoultre comprend aujourd’hui sept émailleurs, et depuis sa création, les reproductions d’œuvres d’artistes ont été nombreuses sur des modèles Reverso. La plus connue est peut-être la Pavonia, une peinture miniature en émail d’un tableau de Lord Leighton, réalisée en 2008, au dos d’une Reverso en or jaune, pour un passionné d’art britannique.
« Dans un premier temps, c’était les fonds des Reverso qui étaient émaillés », explique Miklos Merczel, responsable des métiers d’art chez Jaeger-LeCoultre. « Nous avons fait plusieurs séries, notamment un portrait de Marilyn d’Andy Warhol, un portrait de femme de Roy Lichtenstein, ou encore, en 2002, une série de 10 pièces de l’artiste Caspar David Friedrich, basée sur deux tableaux - une réalisation particulière car c’était la première fois qu’on utilisait un guillochage comme fond, que l’on a ensuite recouvert non pas d’émail blanc mais d’opale, un émail un peu nacré qui permet de voir le fond », poursuit Miklos Merczel. « Nous avons également fait ce printemps un Magritte, « La Trahison des Images », une gravure réalisée sur le fond d’une Grande Reverso Ultra Thin puis laquée, ou encore La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, une pièce unique. Ensuite il y a eu des cadrans décorés, les plus grandes séries étant réalisées sur des modèles Reverso à Eclipses. La série des Nus, comportait des œuvres d’Ingres, de Renoir, et de Botticelli. Klimt a fait l’objet de quatre réalisations différentes, dont son fameux Baiser. Et puis, nous avons aussi eu un modèle Titeuf et un Kandinsky », conclut Miklos Merczel.
L’art de la miniaturisation
La dernière en date des Reverso à Eclipses dédiée à un peintre représente l'Autoportrait de l'artiste de Van Gogh à qui Jaeger-LeCoultre avait déjà consacré une Reverso à Eclipses « Tournesol » en 2015. Les quatre exemplaires ont été réalisés par quatre émailleurs différents, « pour permettre à chacun de participer à ces créations exceptionnelles, car il nous arrive aussi de réaliser des pièces moins intéressantes que les miniatures», explique le responsable des Ateliers d’art de Jaeger-LeCoultre.
Tout le défi réside dans la transposition sur une surface de cadran de 45mm x 30 mm de la peinture originale mesurant 65,1 cm x 50 cm, et la connaissance des techniques d’émaillage est évidemment primordiale.
« On commence par préparer la base d’émail blanc sur le cadran et c’est seulement lorsque la surface est vitrifiée que l’on peut commencer le travail de réalisation de la peinture miniature », précise Miklos Merczel. Le travail du dessin et du calcul des proportions de la miniature se fait à l’aide de l’ordinateur. « Nous utilisons Photoshop, mais uniquement pour créer le sujet à l’échelle, avec une bonne définition », concède Miklos Merczel. « Cette petite image que nous imprimons en couleurs nous sert de référence ; nous la plaçons à côté de notre sujet pour déposer les contours, afin qu’ils soient exacts. Mais ensuite, tous les détails sont reproduits à la main en regardant l’œuvre imprimée sur une feuille A4, avec tous ses détails et nous travaillons à l’œil nu et au binoculaire. »
Texture et couleurs
La technique picturale de van Gogh consistant en de nombreuses touches rapides et épaisses représente-t-elle une difficulté particulière ? Miklos Merczel explique : « On ne peut pas atteindre le même rendu que van Gogh, car la couche épaisse de peinture qu’il déposait séchait à la surface de la toile. Notre technique est différente : au départ, nous déposons aussi beaucoup de matière avec de toutes petites touches de pinceau mais à la cuisson, cette épaisseur de l’émail se réduit un peu. On peut donner quelque peu l’illusion de l’épaisseur mais pas exactement de la même manière que van Gogh le faisait avec ses pigments. ».
Quant aux couleurs, même si la tâche de reproduire la richesse de la palette de l’artiste hollandais tient de la gageure, Miklos Merczel est confiant dans la réussite de sa réalisation : « Normalement, il est possible de reproduire toutes les couleurs », assure-t-il. «Malgré le fait que nous ayons un maximum de trente teintes différentes, elles sont toutes facilement mélangeables entre elles et on peut donc obtenir des couleurs assez exceptionnelles. »
