Leur toute première fois...

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Taking their first steps... - Once Upon A Time
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Les horlogers ont leurs secrets mais certains osent se mettre à nu. Comment se sont-ils lancés ? WorldTempus mène l’enquête auprès de cinq marques.

Qui se souvient de sa première fois ? Tout le monde. Pour Christophe Musy, c’était avec son beau-père. Il n’avait jamais fait cela en famille... « Fabriquer des montres n’est pas mon métier, je suis polymécanicien mais Eric Mauron, mon beau-père, travaillait en sous-traitance pour un certain nombre de marques », explique Christophe Musy. « Un jour, je suis allé le voir pour faire des montres pour la famille. Et tout a commencé ».

Se lancer dans une aventure horlogère n’est pas de tout repos. Breguet, comme tant d’autres, fonctionnait par souscription. Le procédé existe toujours. Il est complété les habituels tours de table, les investisseurs privés, publics, les fortunes personnelles ou, au contraire, la love money qui vient de la famille et des proches, sans oublier le financement participatif.

90 jours pour faire une montre

Pour Mauron Musy, l’envie de départ fut donc de faire quelques montres pour les proches. Le mouvement est trouvé (Eterna), le design se met en place. « Nous nous sommes demandés comment ajouter quelque chose qui nous caractériserait », se souvient Christophe Musy. « Comme nous maîtrisons la technologie d’étanchéité sans joint, nous nous sommes dits que ce serait une bonne chose de l’inclure. Mais le projet est parvenu jusqu’à la Plate-Forme pour l’Innovation de Fribourg (Platinn), et là, tout s’est accéléré ».

Leur toute première fois...

En très peu de temps, Mauron Musy se retrouve propulsée à Basleword. « Nous avions 90 jours pour faire un design », se souvient Christophe Musy. La première MU03 est présentée sans que la marque n’ait le moindre stock, ni la moindre pièce à vendre. Elle en vendra presque 100 la première année. Aujourd’hui, le triple. L’objectif est d’arriver à 600 pièces par an.

Trilobe, la Swiss French Touch

“Qu’existe-t-il de vraiment original, de qualité et avec un mouvement maison à moins de 10'000 euros ? Rien ». Pour Gautier Massonneau, fondateur de Trilobe les choses sont claires : la marque qu’il s’apprête à lancer doit occuper ce segment qu’il considère comme vide, en y ajoutant un supplément d’âme : la personnalisation.

Reste le plus délicat : trouver le client idéal. Avoir un access price bien placé est un bon point, encore faut-il un panel de collectionneurs à mettre en face. Et c’est là que Trilobe a tenté un coup risqué : Trilobe comme montre pour primo-acquérant. Un vrai pari, sachant que (très) rares sont les non collectionneurs qui, d’entrée de jeu, acceptent d’investir près de 8'000 euros dans une marque totalement inconnue, sans aucun avenir garanti, avec une esthétique totalement à contre-courant.

Leur toute première fois...

« Si l’on avait écouté tout le monde, nous n’existerions même pas ! », s’amuse aujourd’hui Gautier Massonneau. Car l’homme a vu juste : un grand nombre de clients Trilobe n’avaient jusque-là jamais acquis la moindre montre mécanique de leur vie. Un trader, une postière, un responsable commercial : autant de profils atypiques pour une montre qui ne l’est pas moins. Cerise sur le gâteau : grâce à la possible personnalisation du cadran stellaire, la montre se vend à de nombreuses occasions aussi uniques qu’intimes, tels les mariages ou naissances. « Une montre qui raconte l’histoire de Paul Newman ou de la conquête de l’espace, c’est bien. Une montre qui raconte sa propre histoire, c’est mieux ». Tout est dit.

Cyrus, l’atypique

Au commencement était une mythologie horlogère reposant sur Cyrus le Grand, fondateur de l’empire perse, portée par Laurent Lecamp. Un lancement de marque audacieux, un design très original, des belles idées d’affichage, des pièces au format XXL : Cyrus ne fit pas les choses à moitié. Malheureusement, l’idée de départ n’a pas trouvé son public. La marque change de main, est ponctuellement dirigée par Ruben Mira-Blanco, avant d’être remise dans un nouveau chemin par Walter Ribaga, actuel CEO. Un seul survivant de l’ombre a traversé toutes ces époques : Jean-François Mojon.

Leur toute première fois...

Le motoriste, créateur de Chronode et d’innombrables pièces (MCT, Harry Winston, Hermès, HYT, MB&F, etc.) est aux côtés de Cyrus depuis la première heure. Des accords commerciaux croisés ont d’ailleurs été conclus entre les deux entités. Cerveau mécanique de la marque, Mojon fut à l’œuvre pour la totalité des pièces Cyrus, dont la dernière Tourbillon Vertical. Un cas unique d’une marque qui s’est lancée et se repose quasi intégralement sur un motoriste indépendant depuis ses premiers jours.

Sequent, l’hybride

Pour lancer sa marque, le financement participatif est devenu incontournable. Son principal représentant : Kickstarter. Et la dernière pépite horlogère suisse qui en a profité s’appelle Sequent. La marque a créé quelque chose de nouveau à partir d’éléments qui ne le sont pas : une montre connectée et une masse oscillante. Ainsi est née la première smartwatch qui se remonte par les mouvements du poignet.

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En 2017, la SuperCharger1 est ainsi née, accompagnée de sa propre application mobile. Elle est dotée du premier mouvement de smartwatch à remontage automatique. Ce développement a pu compter sur l’engagement d’investisseurs privés mais aussi et surtout d’un très large public : plus de 4000 personnes se sont engagées sur Kickstarter en quelques semaines. La levée de fond a dépassé toutes les attentes : 1,2 million de francs. Forme moderne et atomisée de la souscription, le financement participatif a ainsi produit l’un de ses plus beaux OVNIS horlogers de ces dernières années.

L’ingénue Genus

« La complication était pensée mais pas construite ». Voilà une manière élégante pour Catherine Henry, COO de Genus, de dire que la jeune marque, créée en 2019, avance pas à pas. D’abord un petit pas, puis un pas de géant : la GNS1.2 gagne, au GPHG, le prix de la Montre Mécanique d’Exception.

Leur toute première fois...

Le lancement « à taille humaine » de Genus permet de rebondir vite : Sébastien Billières et Catherine Henry, quarantenaires en mode start-up, sont seuls maîtres à bord. Le premier est horloger (formé auprès de Roger Dubuis, Felix Baumgartner, Svend Andersen) et a depuis lancé sa propre entreprise de sous-traitance. La seconde à un parcours dans la finance, les grands groupes, l’enseignement. Les brevets sont déposés, 3 ans de R&D sont nécessaires pour produire quelques unités, commandées en direct par des collectionneurs, pour une pièce positionnée environ 150'000 CHF. « Genus est une petite start-up, ce qui nous permet de réagir très vite aux changements de conjoncture qui, en ce moment, arrivent tous les jours », souffle Catherine Henry. Rester petit, le secret...pour devenir un grand ? Les Urwerk, MB&F, Kari Voutilainen, Ressence, le prouvent au quotidien. A voir si Genus saura s’inscrire dans leur voie.