La Speake-Marin Spirit MKII

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La Speake-Marin Spirit MKII - Et pourquoi pas…
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Le point de vue du collectionneur sur… un modèle emblématique, versatile, plein d’humour anglais, et aux codes biens interprétés.

Il est bon par moment de rappeler que derrière nos objets préférés il y a des femmes et des hommes, passionnés, ingénieux et méticuleux. Certains sont des horlogers, d’autres des entrepreneurs. Il y a aussi des designers, des artisans, des ingénieurs, et une kyrielle de représentants de métiers sans lesquels nos poignets seraient bien tristement garnis …

Sans ces équipes, point de montre. 

Parfois, certains décident d’aller plus loin et de créer leur marque. Il suffit de regarder les cadrans de la plupart des montres pour se rappeler de leurs noms, mais aussi de leur histoire. Mais d’autres resteront à tout jamais inconnus, ou connaîtront la gloire avant de disparaître…

Ce mouvement perpétuel contribue au dynamisme de l’horlogerie et fait régulièrement apparaître de nouveaux acteurs. Pour s’imposer et durer, leurs stratégies sont multiples. Mais toutes et tous s’inspirent de l’histoire passée pour soit « entrer en rupture », s’en inspirer, la copier ou l’interpréter.

La rupture consiste à casser les codes, repenser le fondement même de la mesure ou de la lecture du temps, et trouver des formes ou des fonctionnalités jamais tentées ou osées. Pour d’autres, la rupture est marketing, ou technologique. Nous retrouvons dans cette catégorie ceux qui partent d’une page blanche, et essaient de créer de « nouveaux classiques ».

La copie – certains l’appelleront l’hommage – est moins brillante. Il s’agit de prendre une icône d’une autre marque, de changer un minimum d’éléments et de la positionner différemment  (marketing, prix, distribution). Parfois cela marche, parfois non …

L’inspiration peut se retrouver dans la tendance actuelle du néo-vintage. La création passe alors par une exploration de l’histoire de la marque, avec pour objectif de dénicher une « success story » oubliée ou sanctuarisée, la mettre au goût du jour par le design ou l’histoire et la relancer.

L’interprétation consiste à partir des codes du passé et d’y rajouter une touche de modernité, d’humour ou d’actualité. Ces pièces sont alors souvent détournées de leur vocation originelle, pour en faire des exercices de style parfois brillants, parfois insipides.

Le succès de ces exercices de style dépend bien sûr du talent des équipes et des créateurs. A leurs compétences, il faut rajouter un peu de chance et beaucoup de courage. Parce que la création est souvent un pari risqué. Et pour cela, ils méritent tout notre respect, et dans la mesure du possible, notre soutien.

Dans cette revue, je souhaite mettre en avant un exercice d’interprétation qui m’a séduit. Il s’agit d’un pont entre passé et futur, une montre accessible, sérieuse mais décalée à la fois, et qui peut se « comprendre » de plusieurs façons différentes. Aujourd’hui, je vais vous parler de la Speake-Marin Spirit MKII.


Pourquoi Speake-Marin
 

Peter-Speake-Marin


Pour certains, la marque est déjà connue. Pour les autres, il est temps de la découvrir.

Elle porte le nom de son créateur, Peter Speake-Marin. L’homme est anglais, éduqué dans son pays d’origine tout autant qu’en Suisse. Comme beaucoup de maîtres horlogers et de créateurs, il commence d’abord sa carrière d’horloger chez les « grands », s’y développe et participe à plusieurs projets avec d’autres stars de l’horlogerie contemporaine qui le rendront célèbre (Harry Winston, MB&F ou les Maîtres du Temps).

En parallèle, il lance dès 2002 sa propre marque qui fait rapidement parler d’elle. Nombreux sont ses modèles qui obtiendront des prix mérités. Le bouche à oreille fera le reste. Pour durer, il faut à la fois construire un style, l’imposer, mais aussi trouver le moyen de s’inscrire dans les attentes d’une époque. Il faut aussi élargir sa base de clients et être capable de la renouveler. Les collections Speake-Marin permettent d’atteindre ces différents objectifs, parfois contradictoires.

Parmi elles, j’ai choisi un modèle emblématique, versatile, plein d’humour anglais, et aux codes bien interprétés. Partons à la découverte de la Spirit MKII.

 

Speake-Marin-Spirit-MK2


La Speake-Marin Spirit MKII : « Si le Spitfire était une montre  …. »
Au début des années 40, la Royal Air Force s’apprête à entrer dans un combat qui va marquer la Seconde Guerre Mondiale, et l’Histoire. Il s’agit de la Bataille d’Angleterre. Face à l’armada aérienne allemande, la RAF dispose de quelques pilotes aguerris, de beaucoup de candidats courageux et d’un atout : un avion légendaire. Il s’agit du Supermarine Spitfire MKII.

Produit à 920 exemplaires, cet avion va briller sur le front britannique et contribuer grandement à la victoire. Il est à la fois racé, au design révolutionnaire, solide et bien né. Il surpasse ses adversaires sur bien des points.

Le lien avec la Spirit MKII ne semble a priori pas évident.

Et pourtant.

La montre a été créée par un Anglais (comme le « Spit », petit nom du Spitfire), elle reprend les codes des montres militaires d’aviateurs (cadran noir, chiffres ultra lisibles, couronne surdimensionnée, bracelet en cuir marron..), et  elle a un moteur (le calibre TT 738, des ateliers TechnoTime) fiable et puissant (une réserve de marche de 120 heures). Même le nom Speake-Marin est proche de Supermarine ! Enfin, le Mark II (MKII) est plus présent sur des avions ou sur des voitures, que sur des montres.

Nous voici donc en présence du « Spit » horloger !
 

Supermarine-Spitfire-MKII


La boîte de 42 mm est encadrée par des anses droites et fines qui enserrent un magnifique bracelet marron aux coutures écrues. Le bracelet est retenu par des vis proéminentes, donnant à la pièce un design vintage très agréable. On se retrouve face à une interprétation de certains modèles Helvetia, Omega ou Zenith des années 30.

Le cadran mérite une attention particulière. Là encore, les codes de la montre d’aviateur sont respectés : chiffres romains imposants à 12, 3, 6 et 9 heures, aiguille centrale pour les secondes, indication des minutes/ secondes à l’extérieur du cadran et « chemin de fer » aux indicateurs ronds du plus bel effet.
 

Speake-Marin-Spirit-MK2-Profil-Cerclage


La rondeur de la pièce mérite d’ailleurs d’être mise en avant : rondeur de la boîte, rondeur des index, rondeur de la couronne et rondeur de la typographie utilisée. Si l’inspiration est militaire, la réalisation est apaisée ! Pour confirmer ce point, il suffit d’admirer l’aiguille des heures. Il s’agit probablement d’une des plus originales qui soit : elle est ornée d’un cœur, symbole de l’amour.

Et c’est là que l’interprétation se pare de poésie. En retournant la pièce, pas de fond saphir, mais une citation gravée : « Fight, Love &  Persevere ». En lisant ce moto, on se rend compte de la vocation de la Spirit MKII. Rendre tangible la vision d’un créateur, l’inscrire dans la durée par un design original, mais aussi rendre hommage au passé. Le Spitfire illustre parfaitement le Fight, le cœur de l’aiguille renvoie à l'Amour et la persévérance reste LA valeur des créateurs et des innovateurs !

Pour couronner le tout, le fond et le cadran sont décorés d’un « topping tool », outil d’horloger qui permettait de finir certaines pièces des mouvements (les roues). L’interprétation, l’innovation, l’art horloger ! La boucle est bouclée.

Enfin, la Spirit est dotée d’une couronne « diamant » venant directement des Fliegers les plus célèbres. Aucun doute, notre MKII s’inscrit bien dans la tradition des montres d’aviateurs.

La Speake-Marin Spirit MKII est donc une pièce séduisante, qui mérite l’attention des amateurs de beaux objets. Elle parle d’elle-même, alterne sérieux et humour. Elle s’inscrit dans l’histoire de l’horlogerie mais ose aussi s’en amuser.

Bravo …
 

speake-marin-piccadilly-spirit-mk2


Qu’en pense l’avocat du diable ?
L’exercice aurait pu être périlleux, mais cette Speake-Marin réussit presque le sans faute. Difficile de lui trouver des défauts en la regardant. C’est en la portant que viennent deux petites critiques. La première est liée au design de la boîte et des anses, notamment pour les petits poignets. Une fois la montre posée sur l’avant-bras, les extrémités des anses – autant que les vis apparentes – peuvent devenir particulièrement cruelles avec vos poignets de manches de chemises. Ces derniers « râperont » sur les vis et les cornes, et auront tendance à s’user assez rapidement.

L’autre élément est la couronne. Encore une fois, elle est justifiée, bien réalisée et a toute sa place sur cette pièce. Mais elle pourra, dans certains cas, être désagréable au porté, notamment en « marquant » le dessus de la main. 

Mais c’est le prix à payer pour avoir la chance d’arborer ce superbe garde-temps !

 

Quelle image véhiculera le porteur de cette Speake-Marin ?
La Spirit MKII est versatile. On peut la prendre pour une pièce vintage, ou une pièce contemporaine. Mais elle reste plutôt décontractée. Même si elle ne fait « que » 42mm, la forme de la boîte – et ses anses - en fait une pièce plus massive, ce qui ravira les amateurs de montres sportives.  Côté look, profitez de cette saison froide pour porter un blouson en cuir de pilote RAF que vous trouverez dans un surplus militaire, un col roulé écru et des cargos kakis de chez Brunello Cucinelli. Avec ce look de pilote, la Speake-Marin Spirit MK II fera tout son effet !

Bon vol !

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