La futilité et la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date

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Futility and the A. Lange & Söhne Zeitwerk Date - Why not...?
Alors que notre collectionneur préfère habituellement les montres simples aux montres compliquées, la Zeitwerk Date est néanmoins parvenue à le charmer...

D’abord, il y a eu un bâton planté dans le sol. Il fallait savoir où se dirigeait le soleil, quand la nuit menaçante viendrait et s’il était temps de partir chasser. Puis, l’homme a continué à vouloir emprisonner le temps pour le lire et le maîtriser. Sans cesse, il s’est intéressé aux étoiles ou aux équations. Il a calculé, il a mesuré. Pour finir par trouver.

L’horlogerie était née. C’était d’abord une machine utile. Lire le temps a permis de le rendre concret. Il a aussi permis de partir à la découverte du monde. Avec les « montres », le temps devenait une réalité concrète, visible et presque palpable.

Après avoir réussi à montrer le temps, l’étape suivante a été de le rendre « exact ». On a donc commencé à parler de précision. La course folle vers la perfection s’est engagée, avec ses tours de force techniques. Mais l’exactitude continuait de repousser ses limites.

Et puis est venu le temps des complications : la lune, le calendrier, les sonneries et bien plus. Les montres sont devenues compliquées, pour donner de plus en plus d’informations. Il y avait bien sûr le besoin impérieux de faire toujours mieux. Mais surtout, il fallait continuer à rendre le temps lisible…

La course a continué. Exactitude, fiabilité et complexité. Les ingénieurs et les horlogers ont travaillé en équipe, et parfois en opposition. D’un côté, le souci de la mécanique. De l’autre, l’arrivée de l’électronique. C’est alors qu’une idée folle est devenue réalité : montrer le temps de manière encore plus simple. Utiliser des chiffres et non plus des aiguilles.

Comme tout effort de simplification, le travail a été... compliqué.

Mais le monde étant tel qu’il est, la technologie a encore réussi à répondre par l’affirmative. Le temps « digital » était enfin né.

Plus besoin d’apprendre à lire des aiguilles. Le temps devenait simple comme de petits chiffres rouges sur un écran noir.

Caché derrière cette simplicité se déroulait un autre combat. Quartz contre rouages. Électronique contre mécanique. Complexité contre facilité. Et finalement, temps contre rapidité. De nouveaux mouvements sont apparus. Ils étaient faits de composants électriques, faciles à industrialiser et à commercialiser.

Ils étaient aussi bien moins chers, plus précis. Bref, modernes.

Le « beau » mouvement a perdu cette bataille. Mais la guerre du temps a continué. Un autre ennemi guettait. L’informatique est arrivée. L’horloge s’est faite logiciel. Encore plus simple. Encore plus facile à intégrer partout.

Le temps est devenu omniprésent. Téléphone, voiture, réfrigérateur, aspirateur… Il est désormais toujours là. Pas une minute s’écoule sans que l’on puisse savoir exactement « quelle heure il est ». Non seulement ici, mais partout. Le temps n’a ni frontières, ni limites physiques.

Et la « montre » dans toute cette histoire ?

Elle était belle, professionnelle, utile. Elle permettait de naviguer, de voler, de trouver sa route. Elle a probablement sauvé des vies ou facilité de grandes découvertes.

Mais aujourd’hui, elle est devenue futile.

Il est amusant de noter que, plus la passion horlogère grandit, plus l’objet en lui-même devient inutile. Certains portent même leurs montres sans la régler, comme un accessoire de mode. Est-ce la suprême insulte ou, au contraire, la façon ultime de rendre hommage à cet étrange objet ?

Le digital a tué l’analogique. Le chiffre a vaincu l’aiguille. Le composant s’est imposé sur le mouvement.

Malgré tout, la montre n’est pas morte. Bien au contraire. Elle est passée d’un objet utile à un objet futile. Je dirais même qu’elle est passée du cerveau au cœur.

La science semblait avoir vaincu l’artisanat.

Mais, en réalité, elle n’a fait que lui donner une autre dimension. Et c’est cette belle histoire que raconte la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date…

Pourquoi A. Lange & Söhne ?

Même si son histoire débute à la fin du XIXe siècle, la vraie – et unique - aventure d’A. Lange & Söhne a vraiment débuté à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des derniers jours du conflit, la Manufacture Lange est détruite. Mais plutôt que d’être une fin, c’est une date de référence qui marquera l’histoire de cette exceptionnelle marque parce qu’après la guerre arrive l’occupation et la scission. La manufacture se trouve du côté est-allemand. Elle est nationalisée et disparaît peu à peu.

Mais A. Lange & Söhne a rendez-vous avec l’Histoire. La grande, celle de la chute du Mur, et la petite, celle de l’horlogerie. La marque est toujours vivante et, plus encore, ses fondateurs veulent lui redonner le lustre d’antan.

Ils feront encore bien mieux.

En 1990, l’entreprise est refondée. Les équipes se remettent au travail. Les premiers brevets sont déposés en 1992 et, en 1994, naît la Lange 1, qui fête cette année ses 25 ans ! Avec cette pièce, A. Lange & Söhne revient sur les devants de la scène horlogère. Et pas n’importe comment. En s’imposant d’entrée comme une marque de haute horlogerie, prête à lutter avec les références suisses comme Patek Philippe ou Vacheron Constantin.

La futilité et la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date

Le défi semble énorme. Il sera pourtant couronné de succès.

Aujourd’hui, les montres A. Lange & Söhne sont un rêve – souvent inaccessible – pour les collectionneurs. La marque a su créer son propre style et se frayer un espace dans le monde fabuleux de la Haute Horlogerie. Sérieux, rigueur, excellence et souci du détail font de chaque pièce A. Lange & Söhne une véritable œuvre d’art.

La Zeitwerk, dont nous allons parler tout de suite, est un exemple de cette combinaison de style, d’excellence mécanique et – une fois n’est pas coutume pour A. Lange & Söhne – d’un brin de folie et même d’humour...

La A. Lange & Söhne Zeitwerk Date : when Digital strikes back!

Avant de commencer à parler de la Zeitwerk Date, je dois vous avouer quelque chose. J’aime les montres simples, accessibles et plutôt sportives. Si je respecte immensément le travail des horlogers, je n’ai jamais été un grand fan des complications. Sonneries, calendriers perpétuels ou tourbillons ne déclenchent pas en moi de grandes émotions. Et quand on empile les complications comme les ingrédients dans un burger d’In-N-Out [ndlr : chaîne de restauration rapide américaine], je reste plutôt circonspect.

Désolé…

Mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et je considère la A. Lange & Söhne Zeitwerk comme une des plus belles montres actuelles. Elle est apparue en 2008. Il s’agissait d’une première mondiale, une montre digitale totalement automatique. Il y avait eu d’autres tentatives auparavant, mais A. Lange & Söhne a réussi avec sa Zeitwerk, un véritable tour de force : créer une grande complication facile...

La futilité et la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date

Car toute l’histoire de la Zeitwerk est liée à ce mot : simple. La A. Lange & Söhne Zeitwerk est une pièce d’art simple à lire, pas si simple à comprendre. N’étant pas horloger, je me passerai de commenter les immenses efforts qu’il a fallu faire pour créer cette montre digitale. Si tout semble aisé en surface, il suffit de savoir que le mouvement de la Zeitwerk a plus de 500 composants pour comprendre le degré de finesse, de complication et de technologie dont nous parlons.

C’est justement cette magie qui m’attire dans la Zeitwerk. Au lieu de rendre les complications plus... compliquées, A. Lange & Söhne a pris un parti pris différent. Comme au judo où on utilise les forces de l’adversaire, les équipes d’A. Lange & Söhne ont relevé le défi de l’affichage digital, ennemi absolu de la Haute Horlogerie. Plutôt que de l’effacer, ils l’ont maîtrisé et mis leur créativité au service de la simplicité.

La Zeitwerk était née.

Au cours du SIHH 2019, A. Lange & Söhne a dévoilé une nouvelle version de la Zeitwerk. Encore une fois, la simplicité a rendez-vous avec l’excellence mécanique. Car la nouveauté est – juste – l’ajout de la date...

La futilité et la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date

Comment ? Juste une date direz-vous !

Mais, pour rester fidèle au principe de simplicité, cette dernière est présente sur un disque extérieur, simple, lisible mais extrêmement complexe. Pourquoi ? Pour un détail simple : comment régler la date lorsque l’indication horaire est « digitale mécanique ». Pour plusieurs raisons que je ne détaillerai pas, cela peut prendre du temps. Il faut donc inventer une façon rapide – et compatible avec le mouvement de la Zeitwerk – d’ajuster la date. C’est en cela que la complication « Date » est un exploit technique. Il suffit de presser sur un bouton…

La futilité et la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date

Hormis cet ajout d’une date, la A. Lange & Söhne reste égale à elle-même. Design lisse, esthétique épurée. Réserve de marche et petite seconde toujours présentes. Sa robe est grise, son boîtier est en or blanc et le bracelet proposé est en cuir gold, ce que j’apprécie particulièrement.

Tout ce qui fait la réputation d’A. Lange & Söhne est présent sur cette montre. Elle est aussi belle que facile à comprendre. Elle a une richesse intérieure qui sert parfaitement ce qui a été l’objectif de tout horloger depuis la nuit des temps : montrer quelle heure il est...

Qu’en pense l’avocat du diable ?

On dit souvent que le diable est dans les détails. Et la A. Lange & Söhne n’en manque pas…

Cette pièce est presque parfaite. Équilibrée, belle, raffinée. Il est difficile de la prendre en défaut. Le logo est peut-être un peu grand, de même que l’indicateur de réserve de marche. Mais encore une fois, ce ne sont que de petits détails.

Certains reprocheront la prise d’embonpoint de la montre qui est plus épaisse et plus large (44 mm contre 42 mm) que la Zeitwerk « normale », mais pour une fois, j’apprécie que la version avec date soit plus présente sur le poignet.

Donc, encore une fois, félicitations ! Avec cette Zeitwerk Date, A. Lange & Söhne m’a fait aimer les complications !

Comment porter la Zeitwerk Date avec un style simple mais compliqué à la fois ?

Lorsque j’ai vu la Zeitwerk Date pour la première fois, j’ai immédiatement pensé aux ceintures mécaniques de Roland Iten. Elles sont exactement l’inverse de ce qu’est la Zeitwerk, un exercice d’art mécanique qui rend un objet simple – la boucle de ceinture – compliqué. Je vois donc ces deux objets comme complémentaires.

Hormis la ceinture, il faut rester low profile !

Avec sa taille, sa livrée grise et son bracelet en croco marron, la A. Lange & Söhne Zeitwerk Date est plutôt sportive.

Je l’imagine bien avec une veste simple et déstructurée, mais sur-mesure de chez Cifonelli. Car le sur-mesure est la seule façon de rendre hommage à une telle pièce.

Le pantalon pourra être un chino de chez Kiton, tant la marque italienne est réputée pour le souci du détail. De la même façon, la Zéro Cut de Berluti me semble évidente pour s’associer avec la Zeitwerk Date.

En effet, ces souliers sans couture apparente réalisés dans une pièce de cuir unique sont à la botterie ce que la Zeitwerk est à l’horlogerie. La mise au service de l’esthétique la plus épurée des techniques d’artisanat les plus élaborées.

Si vous avez la chance de pouvoir vous offrir une A. Lange & Söhne Zeitwerk Date, il faudra en profiter. Rien de mieux que de s’asseoir à la terrasse d’un café, commander un bon ristretto et profiter du temps qui passe...

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