Collectionnez-les tous !

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Collect them all ! - Editorial
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Réflexions sur la nature et les limites de nos passions.

C’est inévitable. Si vous aimez les montres, vous avez envie d’en avoir. C’est évident. C’est ce principe qui détermine une part importante du marketing horloger. Vous commencez par acheter une montre, puis une autre - vous vous mettez peut-être à fréquenter d’autres passionnés d’horlogerie, vous entendez dire qu’un tel envisage de vendre une de ses montres (une qui vous plaît beaucoup) pour en acheter une autre, et vous vous offrez celle-là aussi. Votre cercle social et vos habitudes d'achat tournent de plus en plus autour de l'horlogerie. 

Avant de vous en rendre compte, vous voilà devenu collectionneur de montres. Oui, vous êtes l'un d'eux désormais.

Auparavant, on se moquait des collectionneurs de montres, le saviez-vous ? Avant le nouveau millénaire, collectionner des montres correspondait rarement à l’idée qu’on se faisait d’une activité cool. Vous alliez au kiosque à journaux ou vous flâniez au rayon des périodiques d’une grande librairie où vous pouviez facilement passer une heure à chercher le rayonnage dédié à l’horlogerie. Pour finalement le dénicher, égaré dans une sorte plaine sibérienne, à côté de magazines sur les figurines de science-fiction peintes à la main et sur l'élevage de reptiles exotiques.

C’est un peu différent aujourd’hui. L’horlogerie mécanique connaît une transformation culturelle, grâce à la prolifération de communautés en ligne, grâce à une nouvelle génération de riches consommateurs de luxe et – oui – grâce à l’émergence, au début des années 2000,  d’une horlogerie créative et audacieuse.

Certaines choses persistent, peut-être parce que les vieilles habitudes ont la vie dure et que même les nouveaux membres intronisés dans le monde des collectionneurs horlogers absorbent les attitudes des anciens. (Si vous voulez mon avis, les plus fraîchement convertis sont souvent les dogmatiques les plus coriaces.) Les gens restent secrets et peu enclins à parler de leurs collections de montres, mais alimentent des comptes Instagram dédiés à leur flotte de voitures de sport et créent des hashtags pour leurs caves pleines de Domaine de la Romanée-Conti millésimés. Ne me demandez pas pourquoi, je ne comprends pas non plus.

Mais, il est temps de parler de ce que nous aimons. Les clubs de collectionneurs sont géniaux (un grand bravo à nos amis du Fine Watch Club, - lisez notre interview de son responsable, Julien Haenny), et leur plus grande qualité c'est qu’un nombre croissant d’entre eux n’hésitent plus à parler ouvertement de leur passion.

Quand les gens commencent à parler de ce qui les fait vibrer, vous réalisez que derrière les étiquettes, il y a beaucoup plus de chose qu’on ne le pensait. Un collectionneur de montres n’est pas seulement ce type qui a dans son coffre-fort des montres pour un montant à 6 chiffres. Ce peut être un spécialiste des chronographes fabriqués aux États-Unis au milieu du siècle passé. Ce peut être quelqu'un qui recherche des garde-temps promotionnels à tirage limité des années 1990. Quelqu'un qui ne possède que deux montres, mais dont la passion et les connaissances sont la pierre angulaire de son groupe de discussion en ligne sur les montres. Pourquoi imposer des limites à une chose qui croît et s’épanouit en raison de son caractère inclusif ?

Donc, vous êtes un collectionneur de montres. Mais vous n’êtes pas l’un d'eux, car « eux » n’existent plus. Vous êtes l’un de nous.