Tazio Nuvolari « Vanderbilt Cup »

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Tazio Nuvolari « Vanderbilt Cup » - Eberhard & Co
Le point de vue du collectionneur sur ce modèle en hommage au coureur automobile Tazio Nuvolari.

Le monde de la course automobile et celui de l’horlogerie ont toujours entretenu des relations étroites. Mécanique, performance, design sont des mots que l’on retrouve autant dans les brochures glacées des constructeurs de belles mécaniques, que dans celles des horlogers. Si certaines marques associent leurs noms avec des pilotes contemporains, d’autres ont décidé de rendre hommage à des légendes en leur dédiant un modèle ou une collection.

 

 

 

 

C’est justement le parti pris d’Eberhard & Co au travers de ses modèles qui arborent le nom d’une des plus grandes figures des sports mécaniques : Tazio Nuvolari.

L’homme est né en novembre 1892. Son histoire a cela d’exceptionnel qu’elle fait autant référence à la moto qu’à l’auto. Entre 1920 et 1930, le pilote transalpin sera surtout connu pour ses victoires sur deux roues. Il serait trop fastidieux de lister l’ensemble des bolides que le natif de Castel d’Ario a chevauché. De nombreuses marques ont aujourd’hui disparu (BSA, Ansaldo – plus connue pour ses activités militaires que pour ses motos, Indian Motocycles ou Garelli), d’autres – comme Norton Motorcycles ou Harley Davidson – restent bien vivantes.

 

 

 

 

Après avoir gagné plusieurs titres, le pilote décide de se réorienter vers la course automobile.
Et là encore son nom sera synonyme de victoires. Il courra pour des noms aussi fameux qu’Alfa Romeo, Maserati ou Auto Union (ancêtre d’Audi). Comme l’homme est exigeant, et afin de mieux maîtriser son destin – et ses budgets – il crée sa propre écurie de course. Cette aventure ne durera pas très longtemps, mais verra l’italien piloter les légendaires Bugatti 35. Cette voiture de course construite à Molsheim en Alsace reste à ce jour détentrice d’un record impressionnant : les 640 modèles produits ont remporté plus de 2000 courses, sur route ou sur circuit. Le nom de Nuvolari se devait donc de croiser celui de l’Italo-Alsacien Ettore Bugatti !

Dans les années 30, Tazio Nuvolari se distinguera sur plusieurs circuits. Il continuera à construire sa légende lors de la Mile Miglia de 1930, où l’histoire veut qu’il ait pris la tête de la course en conduisant phares éteints pendant la nuit, et en ne dévoilant sa présence en les rallumant que peu de temps avant la ligne d’arrivée.

L’homme pilotera jusqu’en 1939. Il enchaînera les participations à des Grand Prix (Monza, Reims, Nurburgring), dans le cadre du Championnat d’Europe des Pilotes. Cette compétition automobile organisée par l'Association Internationale des Automobile Clubs Reconnus (AIACR), est l’équivalent du Championnat du Monde de Formule 1 actuel. Tazio Nuvolari inscrira son nom comme recordman du tour dans l’ensemble des compétitions de 1932, et sera consacré Champion d’Europe des pilotes, mais participera aussi à des courses sur route (il gagna deux fois la Targa Florio).

En 1936, il gagnera la célèbre Vanderbilt Cup, la plus ancienne course automobile des Etats-Unis. C’est de là que vient le nom du modèle dont nous parlerons plus tard.
Après la Seconde Guerre Mondiale, il continuera à piloter, notamment lors de courses organisées pour célébrer ses fils défunts. Il succombera finalement à une crise cardiaque en 1953. Lors de ses funérailles, son cercueil sera porté entre autre par Juan Manuel Fangio.
L’homme venait de rentrer au Panthéon de la course automobile.

C’est donc sans surprise que le nom de Tazio Nuvolari devait être célébré par une marque horlogère, et c’est Eberhard & Co qui a relevé le défi, en réalisant de superbes chronographes dédiés au pilote italien. C’est en 1992 – date du centenaire de la naissance de Tazio - que la marque de la Chaux-de-Fonds lança le premier modèle d’une collection qui s’est développée depuis lors.


Pourquoi Eberhard & Co ?

La marque a été fondée en 1887 à la Chaux-de-Fonds par Georges Eberhard. Dès son origine, elle a porté une attention particulière aux chronographes, en lançant dès 1919 un premier chronographe-bracelet. Les innovations techniques viendront enrichir cette complication, en la dotant de compteurs d’heures ou de la fonction rattrapante. Mais Eberhard & Co ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Elle produira des modèles « hautes fréquences » (36000 alternances/heure) dès 1968 .

En 2001, Eberhard & Co réalise une autre « première » en lançant son chronographe Chrono 4, premier garde-temps disposant de compteurs alignés. Cette montre deviendra rapidement un modèle phare d’Eberhard & Co et sera par la suite décliné en plusieurs versions.

La marque est aussi célèbre pour avoir lancé en 1947 le modèle « Extra-Fort », un chronographe particulièrement séduisant doté d’un poussoir unique marche/arrêt. On retrouve encore ce modèle en 2012, dans une version destinée à célébrer les 125 ans de la marque. Il est réalisé en série limitée de 300 exemplaires, et se distingue par un design intemporel qui ose cependant une certaine originalité. En effet, les seuls chiffres visibles sur son cadran sont les 1,2, et 5 mettant en évidence la raison d’être de la pièce. 

Comme vous le voyez, Eberhard & Co dispose d’une expérience riche dans le développement des chronographes. Cette complication destinée à mesurer les temps courts a par essence une vocation sportive. Elle reste la complication préférée des amateurs de montres, et il n’y a pas une marque qui ne propose pas au minimum un modèle doté de cette fonctionnalité. Il y en a donc pour tous les goûts, et l’amateur doit parfois chercher pour trouver un modèle qui sorte de l’ordinaire.
C’est d’un de ces modèles que j’ai décidé de vous parler aujourd’hui.

 

 

 

 

L’Eberhard & Co Tazio Nuvolari Vanderbilt Cup : petit, trapu et magnifique !


Tazio Nuvolari n’était pas célèbre uniquement pour son palmarès. D’ailleurs, en y regardant de plus près, d’autres coureurs de la même époque ont aligné plus de succès en course. Ce qui a transformé ce pilote en légende, c’est son style de conduite, et notamment sa capacité à prendre des virages « à la limite ». Un autre de ses traits de caractère était son audace à toute épreuve qui lui a valu certaines brouilles avec ses collègues compétiteurs. L’homme était aussi petit (1m60 et particulièrement fort) ce qui s’avérait être un avantage pour mener à bon port des bolides pas encore équipés de direction assistée ou d’aide à la conduite.

Petit, trapu, magnifique. Ces mots peuvent décrire le pilote transalpin. Ils s’appliquent aussi à ce chronographe de 42 mm qui rassemble plusieurs caractéristiques intéressantes.

Coté design, il semble a priori classique.  Mais en y regardant de plus près, plusieurs éléments le distinguent d’un tricompax (trois compteurs) normal. D’abord, le cadran blanc est doté de chiffres verts tirant vers le noir. Ensuite, on croit d’abord voir trois poussoirs sur le côté. Mais en fait, ce modèle est doté d’un poussoir marche / arrêt à 2 heures, et d’un poussoir de remise à zéro intégré dans la couronne de réglage. Celle-ci se rapproche donc des pièces qui équipent les chronographes mono-poussoir.

Nous avons donc le dispositif marche / arrêt et celui de remise à zéro. Alors, à quoi peut donc bien servir le poussoir situé à 4 heures ? Et bien, il ne s’agit pas d’un poussoir mais d’un dispositif d’ouverture du couvercle qui recouvre le fond de la boîte. Une fois poussé vers le bas, il libère le couvercle qui laisse apparaître le mouvement, visible au travers d’un fond saphir. Ce mouvement est un calibre 7750 modifié par Eberhard & Co.

 

 

 

 

L’intérieur du couvercle « officier » arbore les initiales TN ainsi que la représentation d’une tortue. Cet animal est le porte bonheur de Tazio Nuvolari et fait référence à un cadeau du poète italien Gabriele D'Annunzio.  En 1932, ce dernier lui offre une tortue en or portant la dédicace « À l'homme le plus rapide du monde, l'animal le plus lent ». Tazio portera cette tortue en pendentif le reste de sa vie. Pour finaliser cet hommage, la glace saphir qui protège le mouvement est gravée avec la signature du pilote.

Si la taille de la boîte reste relativement modeste au vu des standards actuels, son épaisseur constitue une surprise. Certes, le fond officier rajoute quelques millimètres, mais il semble que les designers de la marque ont souhaité conserver un aspect trapu. Pour ma part, c’est un avantage. Cela donne du caractère et de la présence au modèle, qui s’affirme au poignet !

Le Vanderbilt Cup est disponible sur bracelet acier ou cuir. Trop souvent, les marques ne portent que peu d’attention aux bracelets cuir qui équipent leurs créations. C’est pour cette raison qu’il faut féliciter le choix d’Eberhard & Co. En effet, le chronographe est équipé d’un superbe bracelet en veau clair naturel, épais, aux coutures jaunes, et dont la tranche est recouverte d’une couleur rouge. Cet ensemble est tout simplement un des plus beaux bracelets OEM (produit par une marque pour équiper un de ses modèles) que j’ai pu voir depuis longtemps. Il est équipé d’une boucle déployante dotée d’un système d’ouverture original.

Le Vanderbilt est donc un beau chronographe, dont le rapport qualité prix séduira plus d’un amateur. Il rend un bel hommage à notre héros !


Qu’en pense l’avocat du Diable ?

Eberhard & Co doit absolument garder ce modèle, et l’étoffer. Sa force vient de sa conception, de ses poussoirs, de son épaisseur et de son bracelet. Mais certains choix auraient pu être revus. J’aurais préféré un modèle doté de deux compteurs et d’une grande date à 6 heures.

Le bicompax me semble plus adapté à un modèle célébrant un pilote des années trente. Et la grande date aurait ajouté du caractère. Peut-être que les ingénieurs prendront en compte ce commentaire pour développer un modèle qui sera lancé en 2016 et célèbrera les 80 ans de la victoire de Tazio! Merci d’avance !

Mon autre remarque porte sur la boucle déployante. Si son dispositif de fermeture original la rend sympathique, il ne me semble cependant pas adapté à ce modèle. La boucle est trop fine par rapport aux rondeurs de la pièce, et un modèle ardillon massif aurait sans doute renforcé le design général de la montre.


Quelle image véhiculera le porteur de cette Eberhard & Co ?

Pour aimer cette montre, il faut apprécier celui à qui elle rend hommage.
Je suis alsacien d’origine. Et depuis des décennies, j’aime me rendre à la Cité de l’Automobile de Mulhouse pour admirer la fameuse collection Schlumpf. En parcourant les couloirs éclairés par des reproductions des lampadaires du Pont Alexandre III, je revis l’histoire de la course automobile. Bugatti, Delahaye, Ferrari, Alfa Corce, Audi. Et tant d’autres. Le chronographe Eberhard & Co Tazio Nuvolari est une belle célébration de ces heures de gloire de l’automobile, ou rien n’était électronique, et tout mécanique.
La prochaine fois que je me rendrai là-bas, j’espère donc croiser un amateur de belles mécaniques, occupé à rêver devant la dernière Bugatti Royale.
Et il aura ce chrono au poignet !

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