Pourquoi pas…? L'Historiador Pequenos Segundos (Petite Seconde)

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Pourquoi pas…? L'Historiador Pequenos Segundos (Petite Seconde) - Cuervo y Sobrinos
Le point de vue du collectionneur sur la plus cubaine des montres.



Il y a quinze jours, j’évoquais ici même la Côte Est des USA, et la magie qui se dégage des Hamptons ou des rivages du Massachussetts. Continuons notre balade estivale par un autre endroit mythique, très lié à l’histoire des Etats-Unis, mais aussi à celle de certains habitants de Hiannis Port, une île magique mais aussi controversée : Cuba.

Cette île est pleine de clichés, certains plus réels que d’autres.

Mais personne ne pourra contester que le plus beau voyage à entreprendre à Cuba soit un voyage dans le temps. Pour ceux qui aiment vraiment les artisans, le travail manuel et l’ingéniosité, une marche dans les rues de la Havane s’impose.


Surtout, évitez Varadero, oubliez les plages bondées, ne vous laissez pas piéger par les vendeurs de – faux – cigares, mais ne résistez pas à la tentation de toucher du doigt un sanctuaire historique. On ne peut pas être sensible aux beaux garde-temps sans un intérêt marqué pour l’art des horlogers, leur débrouillardise et la passion qui les anime. L’horlogerie jurassienne est née grâce à une rencontre entre événements historiques, exode et contrainte géographique. Cuba partage ces trois dimensions avec le Jura, mais y ajoute le piment des îles caribéennes.

Cuervo y Sobrinos, Havana street



 

Le lien entre les montres vintage et les « american cars » de Cuba est réel.

Loin de moi l’idée de me transformer en guide touristique, mais il est difficile de rester indifférent devant de vieilles Plymouth ou même Studebaker des années 50. Le collectionneur de montres vintage se fera aisément prendre au piège de l’enquête historique, essayant de retracer l’histoire de cet improbable cabriolet Buick Convertible Super Dynaflow orange de 1951 garé pas loin de l’Hôtel Ambos Mundos.


A l’instar des montres anciennes, il devra aussi aller à la rencontre de ce chauffeur de taxi penché sur le moteur de sa Chevy Bel Air pour se rendre compte que « le mouvement est très différent de celui que l’on devrait trouver dans la boîte ». En effet, l’embargo américain aidant, les Cubains ont maintenu leurs belles américaines en état de fonctionnement en utilisant des carburateurs russes ou des moteurs tchécoslovaques ! Encore une fois, le lien entre les montres vintage et les « american cars » de Cuba se confirme. Dans les années 50, ces véhicules étaient rutilants, et circulaient à grande vitesse dans les rues de la capitale cubaine, transportant toute sorte d’individus plus ou moins louches. Ils dormaient à l’Hotel Nacional, sortaient au Tropicana et allaient boire un verre au Two Brothers.  Et allaient acheter leurs montres chez Cuervo y Sobrinos…

La Havane de cette époque ressemble terriblement aux villages où se retrouvent aujourd’hui les jet-setters, mélange de luxe, de façade mais aussi de style. C’est dans cette atmosphère si particulière que la marque Cuervo y Sobrinos (pour « Cuervo et Neveux ») puise son originalité. La Maison (La Casa) Cuervo y Sobrinos développe ses propres montres, mais distribue aussi les plus grandes marques. C’est ainsi que le collectionneur pourra trouver des Rolex des années 1940 (Modèle Precision 3655) mais aussi des Patek Philippe, des Omega, des Elgin, des Bulova, des Breitling ou des Longines portant toutes le nom Cuervo & Sobrinos, gage du sérieux et de la réputation internationale de la marque. Voici donc une partie des raisons qui rendent cette marque cubaine à l’accent jurassien (ou l’inverse) si intéressante.

Pour vous en parler plus en détails, j’ai choisi le modèle que je trouve le plus en phase avec les origines de La Casa, à savoir l’Historiador Petite Seconde.

 

Cuervo y Sobrinos Historiador Pequenos Segundos



 

Pourquoi Cuervo y Sobrinos?



Comme vous venez de le lire, l’histoire de la marque parle d’elle-même. Elle a connu la gloire, mais aussi l’oubli. Ce qui est intéressant dans l’aventure Cuervo y Sobrinos, c’est encore une fois la rencontre entre de petits et de grands événements historiques. Mais il y a toujours un point commun entre toutes les marques horlogères : l’initiative d’un passionné. Dans le cas de cette marque, il se prénomme Ramon et décide d’ouvrir – en 1882 - une boutique de montres dans une des rues principales de la Havane. Son activité sera ensuite reprise par ses neveux qui développeront le nom, au point d’en faire une référence horlogère, avec un pic de célébrité dans les années 40.


La marque ouvrira d’autres bureaux dans des endroits familiers pour qui s’intéresse à l’horlogerie : Pforzheim en Allemagne, Paris et la Chaux-de-Fonds. Je laisse deviner au lecteur érudit les raisons de ces ouvertures.

Cependant, la Révolution cubaine de 1959 allait rapidement mettre un terme à l’activité de la famille Cuervo, et ceci jusqu’au début des années 2000. A cette date, la marque est reprise par Marzio Villa, qui décide de redonner vie à la belle cubaine et de la réinstaller à la place qui est la sienne, aussi bien à Cuba en ouvrant une boutique musée bar en lieu et place de l’ancienne Casa, et en lançant des modèles s’inspirant de l’histoire de la marque.


Il s’agit d’ailleurs du plus grand défi de cette – jeune – Cuervo y Sobrinos, qui doit à la fois s’inspirer de son passé glorieux, mais aussi s’installer dans la durée en proposant des pièces originales mais « marquées », qui sauront se distinguer des multiples hommages vintage qui fleurissent actuellement !


Le modèle Historiador me semble ainsi en phase avec ces deux dimensions, d’autant que son positionnement prix en fait une pièce classique intéressante à plus d’un titre. C’est ce que nous allons voir à présent.

 

Cuervo y sobrinos à La Havane

La Cuervo y Sobrinos Historiador Pequenos Segundos


Comme je l’évoquais plus tôt, la réputation de Cuervo y Sobrinos a amené plusieurs marques horlogères à proposer des montres qui seront commercialisées sous un double nom : celui de la marque originale, et celui du distributeur cubain. Dans cette catégorie, nous trouvons une liste impressionnante de grands noms, parmi lesquels Longines et Breitling, dont certains modèles Cuervo y Sobrinos semblent très proche de notre Historiador.


La pièce que je vous présente aujourd’hui est un modèle simple, de 40 mm doté d’une petite seconde à 6 heures et d’un quantième à 3 heures. Le choix de la taille est judicieux, évitant ainsi de tomber dans le piège des rééditions « gonflées » pour être en phase avec la tendance actuelle. On aurait même pu envisager une version de 39mm, tant l’Historiador reprend un design sobre, adapté aux petites tailles.


La boîte en acier ronde abrite un calibre automatique sur base ETA (à noter qu’il est à remontage manuel sur la version or). Il s’agit d’un garde-temps classique dont l’attrait vient du travail des cornes, qui s’inspire de modèles des années 40. C’est une de ces particularités que l’on retrouve sur les Breitling et Longines d’époque. Elles sont arrondies et semblent « collées » à la boîte, dans le plus pur style Art Déco. Elles sont d’une taille plus importante que les modèles d’origine, ce qui ne choque nullement, et donne au contraire du caractère à ce modèle.


Les index bâtons et les aiguilles sont fins, contribuant ainsi au style classique intemporel de la montre. Cependant, les aiguilles restent visibles la nuit grâce à un traitement Luminova.


La montre est proposée avec plusieurs versions de cadrans, ma préférée étant le modèle à cadran blanc et bracelet en cuir croco chocolat. Ce dernier affiche plusieurs inscriptions : le logo en lieu et place de l’indicateur 12 heures, le nom de la marque ainsi que la mention Habana, et enfin la date 1882 au centre du cadran des petites secondes.

Si l’Historiador est disponible en versions « petite seconde » et « seconde centrale », je préfère nettement la dernière version, qui me semble plus en phase avec une interprétation vintage. Mais il s’agit là d’un avis purement personnel.

 

Cuervo y Sobrinos Historiador Pequenos Segundos

 




Enfin, et même si ce point n’est pas totalement lié à la montre, il faut noter que l’Historiador est – comme toutes les Cuervo y Sobrinos – livrée dans un magnifique coffret en bois qui peut faire office d’humidificateur à cigares. Cet élément mérite d’être noté, tant il contribue au charme global des modèles de la marque. Je ne suis pas un grand fumeur de Havanes, mais je peux confirmer que ce coffret reste parfaitement fonctionnel pour accueillir mes Partagas n°4.


Avec cette Historiador, Cuervo y Sobrinos propose donc un modèle qui séduira les amateurs de montres au design simple tout en gardant un charme ancien. C’est en suivant ce chemin que la marque s’installera dans le cœur des amateurs de beaux garde-temps.


 
Qu’en pense l’avocat du Diable ?


Dans le cadre de cette revue, le diable - bien sympathique - peut prendre les traits d’Ernest Hemingway, grand amateur des douceurs cubaines ! L’Historiador est une pièce simple et classique, et c’est sur ces deux éléments que je pourrais porter quelques critiques.


En effet, les équipes de design auraient pu encore plus simplifier cette Pequenos Segundos, en ne proposant pas de quantième, en évitant d’apposer un logo trop visible à 12 heures et en ne mettant pas le classique « swiss made » en bas du cadran. Avec ces changements, cette montre aurait été encore plus proche d’un modèle historique.


Côté motorisation, je regrette que le calibre manuel soit réservé au modèle en or, il aurait été également idéal pour cette version acier. Et dommage que la marque n’ait pas pu récupérer des calibres d’origine !

Cuervo y Sobrinos Historiador Pequenos Segundos




Quelle image véhiculera le porteur de cette Cuervo y Sobrinos Historiador ?


L’Historiador est une montre de dilettante. Simple, fonctionnelle, légère, elle assure « le minimum » avec beaucoup de charme. Elle s’accommode bien d’une chemise en lin blanc, d’un chino léger (pour rappeler le style américain) et d’un Panama Diamante. Bien sûr, on peut rajouter un cigare (à fumer avec modération), et un cocktail tout droit venu du Floridita.

Ce qui est certain, c’est que cette petite seconde est une montre sympathique, toute en rondeur et donc au charme très cubain.

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