Tic tac éthique

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Ethical gambit  - Chopard
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La montre en or éthique ne s’est pas encore généralisée mais l’on sait déjà qu’elle sera signée Chopard. Retour sur une anticipation visionnaire qui fera date dans l’histoire du luxe.

Il y a seulement une à deux générations, les pays industrialisés ne se souciaient guère de leur consommation d’eau, de gaz ou d’électricité, pas plus que du réchauffement climatique. Ce sont des préoccupations de l’homme occidental moderne et, à l’échelle mondiale, du XXIe siècle. Aujourd’hui, ces sujets gouvernent la quasi totalité des agendas politiques, économiques et sociétaux.

Il en ira de même, à l’échelle microcosmique du luxe, de l’or éthique. Dire que c’est actuellement une préoccupation marginale du secteur est un doux euphémisme. Pour que les choses changent, il faudra attendre une prise de position ferme de l’opinion publique pour que l’industrie s’y attèle. Saur que, cette fois, ce ne sera pas nécessaire : Chopard a pris les devants. 

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Anticipation visionnaire

L’annonce faite par Chopard durant Baselworld a eu un faible écho, prouvant hélas que l’opinion ne s’est pas encore emparée du sujet : à compter de cette année, tous les bijoux et montres Chopard seront intégralement réalisés en or éthique, c’est-à-dire un or traçable garantissant des conditions décentes d’exploitation et de revenus. 

Ce n’est donc pas un big bang mais une étincelle : cela fait moins de bruit mais c’est bien plus nécessaire pour allumer un feu, éclairer les conscience, tracer une route dans l’obscurité. La maison Chopard est-elle en avance sur son temps ? Sans aucun doute : le prise de conscience du luxe éthique n’a pas encore eu lieu. Pourquoi ? 

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Prétextes

En premier, parce que le luxe vend du rêve et que la consommation éthique ne fait pas rêver. Elle revient à bannir des pratiques peu recommandables dont on préfère se dire qu’elles n’existent pas. Pourtant, elles existent : pollution des sols au mercure pour extraire l’or et l’argent, travail mortel dans les mines, conditions de rémunérations déplorables, saccage environnementaux, sans même parler des « blood diamonds » qui ont ravagé la Sierra Leone. 

En second, parce que le luxe se drape bien volontiers d’un apparat « durable ». Une montre mécanique en or peut vivre plusieurs siècles, n’est-elle pas durable par essence ? L’argument est fallacieux : « durable » ne veut pas dire « qui dure dans le temps » mais associé à des propriétés éthiques d’exploitation, de rémunération et de transformation. 

Premiers pas

Le tableau n’est pourtant pas si noir. Des organismes comme le RJC (Responsible Jewellery Council) travaillent aujourd’hui de concert avec les plus grandes maisons horlo-joaillières pour leur fournir des pierres d’origine contrôlée. L’initiative de Chopard n’est donc que le prolongement de cette prise de conscience des marques de luxe. Ce qu’elle a en revanche de tout à fait singulier, c’est son ampleur. 

Chopard a en effet développé son programme d’or éthique, dit « Fairmined », en 2013 pour sa joaillerie, un an plus tard pour son horlogerie. Depuis, 533 montres ont ainsi été réalisées depuis 2014, sur une production annuelle de près de 80 000 pièces. A peine 0,2 % de la production horlogère annuelle de Chopard était donc réalisée en or éthique. Insignifiant ? Totalement. Et pourtant, démesuré par rapport au reste de l’industrie qui, pour sa part, est à 0% : pratiquement aucune maison n’utilise à l’heure actuelle d’or éthique, tout au plus recyclé. 

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Saut quantique

Aujourd’hui, Chopard fait un véritable saut quantique : à partir de juillet 2018, elle réalisera 100% de sa production en or éthique. Ce sont donc les 99,8% des autres montres mais aussi 100% de la joaillerie Chopard qui seront ainsi réalisés. C’est un pas de géant en avance sur une industrie qui, à ce registre, accuse déjà un retard phénoménal avant même d’avoir considéré le sujet.

Interrogé sur le sujet, Jean-Claude Biver, président de la division Montres de LVMH, salue « une excellente initiative que nous soutenons bien évidemment de tout cœur ». Malicieux, l’homme glisse être « content que nous ne soyons pas toujours les seuls ou les premiers avec de bonnes initiatives » ! Il ne s’estime toutefois pas véritablement lié par elle : « nous utilisons finalement peu d’or car nous sommes surtout une marque disruptive, avant garde et technologique, dans laquelle l’or ne joue pas le même rôle central que dans les marques plus traditionnelles et joaillières ». 

Reste deux questions clé : le timing et l’approvisionnement. Pourquoi maintenant ? « Parce que nous avons calculé qu’en 2018, nous pouvions basculer en or 100% éthique, même au plan technique qui exige que les deux ors, éthique et non éthique, ne soient jamais mélangés », explique Karl-Friedrich Scheufele, Co-Président de Chopard. Côté approvisionnement, Chopard a rejoint la SBGA (Swiss Better Gold Association) en 2017 afin d'accroître les quantités d'or extraites de manière responsable. Reste aux clients de suivre. 

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