Métiers d’art chez Blancpain

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Métiers d’art at Blancpain  - Blancpain
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Shakudō, un artisanat traditionnel japonais.

Au premier abord, il paraît peu vraisemblable qu’un art japonais séculaire, apprécié des samouraïs qui l’utilisaient pour embellir certains éléments de leur katana (une longue épée) ait réussi à se frayer un chemin jusqu’à la vallée de Joux, en Suisse, où les artistes de Blancpain l’emploient désormais pour donner naissance à d’uniques cadrans de montre. Pourtant, après une journée passée en compagnie de Christophe Bernardot, de l’atelier des métiers d’art de Blancpain, cette prouesse semble relever d’une simple évidence.

De tout temps, les métiers d’art ont tenu un rôle essentiel dans l’horlogerie. L’invention du ressort moteur a ouvert la voie à la conception des premiers garde-temps portables, qui firent leur apparition au XVe siècle. Cependant, ces réalisations ne se distinguaient guère par leur exactitude. En effet, leur marche était tellement erratique que certains modèles comportaient une indication complémentaire sous la forme d’un cadran solaire. Leurs propriétaires disposaient ainsi d’une référence fiable afin de déterminer l’heure un peu plus précisément au cours de la journée. Incapables de remédier aux piètres performances de leurs mécanismes, les horlogers se tournèrent vers l’ornementation artistique comme un moyen de démontrer le caractère précieux de leurs créations. Des travaux d’émaillage, de gravure et de dorage se mirent dès lors à fleurir sur les montres. Ils soulignaient la valeur d’un objet et, davantage encore, l’aisance de leur détenteur. À la fin du XVIe siècle, la découverte du balancier permit enfin aux horlogers de construire des mouvements au fonctionnement précis et de les équiper de complications shakudō additionnelles. Fermement établis, les métiers d’art ont néanmoins continué de prospérer parallèlement aux innovations mécaniques.

Blancpain, qui témoigne depuis toujours d’un profond respect pour les nobles traditions de l’horlogerie, a associé les métiers d’art à ses collections et à ses créations horlogères. Toutefois, sous un aspect essentiel, la marque s’écarte de la pratique observée par la plupart des maisons de haute horlogerie. Alors que les fabricants recherchent généralement à l’extérieur de leurs murs des maîtres versés dans ces techniques ancestrales, Blancpain les a réunis au sein de sa manufacture du Brassus.

Blancpain Lettres du Brassus Shakudo

Christophe Bernardot est le responsable de l’atelier des métiers d’art. Après avoir suivi les cours de l’École régionale des Beaux-Arts de Besançon, il a travaillé dans des domaines très divers pendant sa carrière. En premier lieu, il a conçu et réalisé des décorations de table pour la Manufacture nationale de Sèvres à Paris. Ses créations, qui avaient pour seul client la République française, ornent les tables du palais de l’Élysée et de nombreuses ambassades à travers le monde. Elles portent le nom surprenant de « biscuit de Sèvres », car elles sont soumises à une double cuisson. L’artiste est ensuite revenu à Besançon où il a approfondi sa connaissance de la gravure en dessinant des bouchons en or destinés à surmonter de prestigieux flacons de parfum. En étendant encore sa palette créative, il s’est également initié à l’art de l’émail, qu’il a assidûment pratiqué sous ses différents aspects pendant une dizaine d’années : la miniature, le cloisonné (les fins fils d’or disposés sur une surface délimitent des alvéoles, ultérieurement remplies par la poudre d’émail) et le champlevé (l’émail est utilisé pour combler les cavités pratiquées dans la surface de l’objet en travail). Ses compétences étendues permettent à l’atelier du Brassus de maîtriser un large éventail de techniques traditionnelles : la sculpture, la gravure et l’émail sous toutes ses formes.

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Au sein de la manufacture Blancpain, Christophe Bernardot dirige une équipe d’artistes dont les talents illustrent la vaste gamme des métiers d’art : la décoration des ponts de mouvement et des rotors de remontage, le damasquinage, l’émail, la gravure de personnages pour les répétitions minutes et, naturellement, le shakudō, qui est le sujet de notre article. Les artisans associent ces techniques dans un impressionnant florilège. En effet, l’un des maîtres graveurs du Brassus, Marie-Laure Tarbouriech, a remporté le premier prix de gravure lors du concours du Meilleur Ouvrier de France. Cette prestigieuse distinction lui a été octroyée pour les gravures réalisées sur un calibre de base 15 de Blancpain, qui représentaient les animaux de la vallée de Joux. Nicolas Sarkozy lui a personnellement remis cette récompense, lors d’une cérémonie organisée au palais de l’Élysée. En sa qualité de Meilleure Ouvrière de France, elle est habilitée à porter un collier tricolore sur sa blouse de travail. Depuis lors, Marie-Laure Tarbouriech a développé un large assortiment de thèmes pour les ponts du calibre de base 15, y compris une série de pièces uniques dénommées Villeret Grande Décoration qui comprennent des scènes inspirées par différentes régions du monde. La montre consacrée à la Suisse avec le Cervin, le château de Chillon, un edelweiss et d’autres motifs gravés sur les ponts figure en page de couverture du numéro 10 des Lettres du Brassus.

Sous un aspect essentiel cependant, Christophe Bernardot transcende la tradition. Même s’il maîtrise l’ensemble des arts qui ont marqué de leur empreinte l’évolution de l’horlogerie, il ne se sent nullement contraint de se cantonner à reproduire les accomplissements du passé. À l’évidence, il connaît parfaitement les motifs historiques qui se retrouvent sur des garde-temps de légende et a même créé certains d’entre eux. Toutefois, il se déclare convaincu que l’art est trop riche pour se limiter à la répétition de gestes ancestraux. Aussi a-t-il apporté à Blancpain un esprit curieux, constamment à la recherche de nouvelles techniques et de motifs inédits susceptibles d’être associés sur une montre. Dans l’atelier du Brassus, son espace de travail abonde en expériences et en essais conduits pour produire une couleur particulière ou des effets encore inconnus à ce jour sur un garde- temps. Cette quête de nouveauté l’a incité à se pencher sur le shakudō et à compléter ses talents avec la maîtrise de cet ancien artisanat japonais.

D’un point de vue technique, le shakudō est un procédé qui permet de transformer la teinte jaune-orange naturelle d’un alliage d’or et de cuivre en un gris foncé aux subtiles nuances. En règle générale, la surface est ensuite brossée pour ajouter complexité et texture à cette couleur sombre. Sous sa forme la plus simple, l’alliage utilisé par Blancpain pour confectionner un cadran est plongé dans une solution chaude jusqu’à obtenir la nuance désirée. Cette ancienne technique repose sur une grande part d’essais et de tâtonnements. Le disque est retiré du bain à plusieurs reprises, il est rincé et minutieusement examiné avant une nouvelle immersion. Au moment où l’artiste parvient précisément au coloris souhaité, le processus du shakudō en soi est achevé. Dès lors, la teinte du disque ne changera plus. Il est essentiel de comprendre à ce propos que la solution chimique ne dépose pas un revêtement sur le disque, mais modifie la couleur originale de l’alliage.

Même si les bains successifs constituent l’essence de l’art du shakudō, de nombreuses pièces historiques ainsi que les garde-temps de Blancpain l’associent à des techniques complémentaires telles que la gravure, le damasquinage et le ciselage. En outre, le shakudō est souvent répété à différentes étapes de travail afin d’apporter des nuances intéressantes et de conférer une profondeur aux décorations.

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Un cadran shakudō de Blancpain est unique et ce caractère exclusif ne se limite pas à de simples variations de coloris ou de gravure. Chaque motif particulier représente une série spéciale d’un seul exemplaire, car aucun dessin n’est identique à un autre. Un excellent exemple en est le cadran Ganesh shakudō. Dieu à tête d’éléphant, Ganesh est réputé pour aplanir les difficultés qui jalonnent le début d’un projet et son culte est répandu dans l’hindouisme et le bouddhisme. Même si Blancpain a créé plusieurs cadrans dont le centre s’orne d’une effigie de Ganesh, chaque montre est unique. Dans l’atelier des métiers d’art de Blancpain, plusieurs artistes réalisent des cadrans Ganesh et tous commencent de la même manière, en traçant une esquisse sur papier et en dessinant les motifs ornementaux qui figurent à l’arrière-plan. À chaque fois, l’image de Ganesh correspond à une « applique » (en ce cas, une gravure en or qui est déposée sur la surface et maintenue en place par de minuscules tenons insérés dans des trous percés dans le cadran ; le verso de ces tenons est méticuleusement martelé pour garantir une solide fixation en l’absence de colle). Tous les portraits de Ganesh sont confectionnés en or massif et gravés à la main par un maître artisan de Blancpain qui travaille au microscope avec des outils d’une extrême précision. Afin de souligner l’exclusivité de chaque garde-temps, ils illustrent Ganesh dans différentes postures. Ainsi, l’une des montres dévoilées lors de l’édition 2015 de Baselworld représentait Ganesh avec des bracelets sur trois de ses bras (car il en a plus de deux), un grand collier, des objets dans trois de ses mains, un rat dissimulé vers l’un de ses pieds et, naturellement, une coiffure élaborée. D’autres portraits en donnent une vision de profil, avec la tête tournée. De subtiles variations modifient les contours de ses atours ou de sa coiffe, la position de ses mains, de ses pieds et de sa trompe ainsi que les objets qu’il supporte. La plus récente réalisation de Marie-Laure Tarbouriech met en scène un petit animal de la forêt qui repose sur l’un des bras de Ganesh. Plus d’un mois d’un minutieux travail de gravure manuelle est nécessaire pour réaliser une seule applique de Ganesh. Selon le style propre à chaque artiste, le cadran et l’applique peuvent être soumis à différents bains chimiques afin de jouer avec les ombres et conférer une splendide profondeur à la couleur en recourant à la technique du shakudō.

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Une pareille sensibilité artistique est consacrée à l’arrière-plan. Selon la coutume historique, de nombreux objets en shakudō comportaient des décora- tions complémentaires réalisées en appliquant la technique du damasquinage. Cette ancienne forme d’art a vu le jour en Chine et a prospéré en Syrie, avant de s’établir en Espagne où elle a notamment fleuri à Tolède. Le damasquinage consiste à graver des motifs dans une surface en sorte de former une cavité qui sera comblée par l’introduction de fils d’or tendre dans l’espace évidé. La surface sera ensuite soumise à un délicat polissage. Le martelage suffit à maintenir en place les fils d’or et, ainsi que le dicte la tradition, aucune colle n’est donc utilisée. À cet égard, Blancpain présente une double singularité dans le monde horloger. Il s’agit en effet de l’unique maison à maîtriser cette technique dans sa propre manufacture et à proposer des cadrans agrémentés de travaux de damasquinage. Certains décors sont extrêmement complexes, à l’image de la montre présentée à Bâle qui entourait l’effigie de Ganesh de guirlandes florales artistiquement entrelacées.

Au fur et à mesure que les idées surgissent dans l’atelier des métiers d’art, de nombreux sujets différents de shakudō voient le jour. Un artiste a puisé son inspiration dans le Blancpain Ocean Commitment et le soutien apporté par la manufacture au projet Gombessa de Laurent Ballesta. Le biologiste est le premier plongeur à avoir photographié et étudié le cœlacanthe préhistorique dans son environnement naturel. Réalisé à partir de l’un des extraordinaires clichés pris par le scientifique français, le cadran en shakudō présente le cœlacanthe entouré de coraux. Un autre artisan a développé un motif autour d’un bonsaï, tandis qu’un troisième s’est dédié à un thème sumérien.

Chacune de ces montres possède un boîtier en or rouge de 45 millimètres de diamètre, qui comporte la lunette classique à double pomme de la collection Villeret. Ces garde-temps sont animés par le calibre de base 15 exclusif à Blancpain, doté d’un remontage manuel et d’un pont de centre arqué dans le style d’une montre de poche. Heureusement, ces remarquables accomplissements ne sont pas destinés à demeurer des créations isolées, car Christophe Bernardot caresse déjà de nombreux nouveaux projets dans l’atelier des métiers d’art du Brassus.

Blancpain Lettres du Brassus Shakudo

Cet article est tiré du magazine Les Lettres du Brassus avec la permission de Blancpain. Vous pouvez découvrir les éditions précédentes du magazine sur le site internet de Blancpain ou accéder au magazine depuis un iPad en téléchargeant l'application Blancpain Library.

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