Performance et perfection : partie 2

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Performance and Perfection: part 2 - 20 Years of Watchmaking
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Des nouveaux matériaux aux régulateurs à haute fréquence –comment les horlogers du XXIe siècle ont repoussé les limites d’une technologie qui date du XVIIIe*

Innovations Radicales

Si la première catégorie de progrès en précision repose sur des méthodes d’isolation, de compensation ou de modernisation de concepts préexistants, la deuxième – plus fascinante – adopte une approche créative. Rien n’est intouchable, pas même les axiomes et hypothèses les plus fondamentaux en horlogerie. Les règles sont perçues comme les constructions fragiles et faillibles qu’elles sont en réalité. C’est dans cette deuxième catégorie que l’on trouve des innovations radicales. Il y a de l’anticonformisme, du révolutionnaire.

Performance et perfection partie 2

Les innovateurs de cette catégorie ne se comportent pas comme ceux de la première. Ils ne cachent ni ne gardent leurs secrets : ils considèrent leurs découvertes comme de nouvelles paroles d’Évangile et ils assument leur devoir évangélique. Développement de Denis Flageollet chez De Bethune, le principe de la Résonique avec résonateurs acoustiques et échappements magnétiques a été présenté en 2012 sous la forme d’une étude libre d’accès pour quiconque voudrait approfondir le sujet. Un mécanisme apparu dans un prototype expérimental de Rolex est finalement devenu l’Échappement Constant de Girard-Perregaux (2013): l'idée est venue à l’esprit de son inventeur, Nicolas Déhon, en un éclair, comme la divine révélation reçue par Saint Paul sur la route pour Damas (ou dans le train pour Le Locle).

L’échappement Genequand de Vaucher Manufacture, éprouvé dans le mouvement Senfine de Parmigiani Fleurier (2016), a été présenté en détail dans un article publié par le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM). La Mirrored Force Resonance d’Armin Strom, également lancée en 2016, est une autre création validée par un rapport complet du CSEM. Ces concepts, considérés comme très ésotériques et éloignés de la réalité horlogère lors de leur présentation, allaient passer par différents stades d’approbation et d’adaptation. Ils ont fini par représenter une nouvelle génération de solutions novatrices dans l’amélioration de la précision des montres.

Performance et perfection partie 2

Dans la hiérarchie des perfectionnements mécaniques (tout comme en matière d’éducation des enfants), les solutions basées sur l’isolation et la compensation peuvent apparaître moins séduisantes du pont de vue de l’ingénierie car elles n’éliminent pas vraiment le problème : elles se contentent de le contourner ou de le contrebalancer (placer votre enfant dans un centre d’entraînement au football de haut niveau n’enlève rien au fait qu’il a raté la moitié de ses examens du milieu d’année). Le recours à une telle distinction est discutable car on ne manque pas d’innovations en chronométrie basées sur l’isolation ou la compensation tout aussi intéressantes et pertinentes qu’un nouveau régulateur messianique.

Parfaite illustration de l’approche combinée isolation-compensation, l’Astrorégulateur de Cartier (2011) était doté d’un balancier libre alourdi et d’un échappement qui conservait invariablement son orientation par rapport au sol, quelle que soit la position de la montre. S’il y a quelqu’un qui peut régler définitivement le problème épineux qui préoccupe l’humanité depuis l’invention du petit-déjeuner – le problème du toast qui tombe et atterrit toujours côté beurre ou confiture –, c’est la femme qui a conçu l’Astrorégulateur, Carole Forestier-Kasapi.

Performance et perfection partie 2

Si plusieurs marques, comme Breguet (Type XXII, 2010), Chopard (LUC 8HF, 2012) et plus récemment Zenith (Defy Lab, 2017), se sont lancées dans la haute fréquence, c’est TAG Heuer qui a mené l’exploration la plus poussée en la matière. En 2011 et 2012, via les Mikrograph, Mikrotimer et Mikrogirder, elle a montré qu’il était possible de créer des montres mécaniques capables de mesurer des fractions de secondes aussi petites que 0,0005s. Les montres Mikro étaient des instruments si précis qu’ils surpassaient les temps de réaction humainement possibles. En persévérant, TAG Heuer a créé une machine qui va au-delà de notre capacité à utiliser la précision. Dans la course à la perfection, avons-nous besoin d’une technologie nettement plus rapide et plus performante que nous ? Quid d’une exactitude imprécise ?

Performance et perfection partie 2

L’exactitude est indiquée par de multiples décimales mais la précision est mieux représentée quand il n’y a pas de chiffres après la virgule. L’horlogerie a pour principale directive de toujours simplifier. La beauté et la puissance d’un mouvement mécanique résident dans une expression claire, à l’image d’une équation mathématique dans sa forme la plus pure. On améliore une formule mathématique ou un mouvement horloger en les raffinant, en les condensant et en les renforçant de telle sorte qu’ils deviennent – pour un instant abstrait et infini – parfaits.

*À l’occasion du 20ème anniversaire de GMT Magazine et de WorldTempus, nous nous sommes lancés dans le projet ambitieux de résumer les 20 dernières années en horlogerie dans The Millennium Watch Book, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book est disponible sur www.the-watch-book.com, en français et en anglais, avec une remise de 10% en utilisant le code WT2021.

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