Brevets horlogers entre protection et inspiration : partie 1

Image
Watchmaking patents between protection and inspiration: Part 1  - 20 Years of Watchmaking
4 minutes read
Alors que les horlogers ont toujours fait preuve d'ingéniosité, l'activité en matière de brevets a augmenté au cours des deux dernières décennies dans de telles proportions que leur objectif premier, permettre aux entreprises de servir leur clientèle avec des produits exclusifs, a également favorisé un niveau de création sans précédent dans l'industrie**

Combinée à d'autres facteurs clés, tels une nouvelle raison d’être après la crise du quartz, la réorganisation de l’approvisionnement et des avancées sans précédent en matière de conception et de production, la protection accrue a indéniablement contribué à l'inventivité et inspiré davantage d'idées nouvelles.

Brevet Horlogers entre protection et inspiration : partie 1

Impact du quartz – nouveau rôle pour la montre mécanique

Pour la première fois de leur histoire à la fin des années 1970, à la suite de la crise du quartz, les montres dotées d’un organe de régulation mécanique ont été confrontées à un profond changement de paradigme : leur fonction première – fournir à leur porteur une indication de temps nécessaire – n’était plus capable de rivaliser avec leur nouveau concurrent, la montre régulée par quartz. Moins précises et bientôt plus chères, leur demande a chuté du jour au lendemain et est restée à un niveau extrêmement bas pendant de nombreuses années. Les fabricants ont dû reconsidérer la valeur et le rôle des montres mécaniques, passant d’un simple produit de base à un produit premium pour regagner l’attention des clients. Renforcer la valeur émotionnelle et créer des attributs uniques, c’était une nécessité pour (re)conquérir les cœurs… et les poignets !

Brevet Horlogers entre protection et inspiration : partie 1

Réduction de l’approvisionnement – développements internes et nouveaux standards

La décision du Swatch Group en 2002 de réduire l’approvisionnement en mouvements des marques externes a obligé ces dernières à constituer ou renforcer des ressources de développement interne. Concevoir des alternatives aux calibres standards, comme les célèbres Valjoux 7750 et ETA 2824-2, fut à la fois un défi, vu la difficulté de rattraper plusieurs décennies de maturité technique, et une opportunité, permettant de reconsidérer et d’améliorer des spécifications inchangées, suite à l’usage de ces calibres pendant plusieurs décennies, au bénéfice de l’expérience de la clientèle.

Des exemples révélateurs comme l’accroissement de la résistance aux chocs et de la réserve de marche accrue ont façonné les standards qui régissent de nouveaux produits, répondant aux attentes d’une clientèle plus exigeante et à ses habitudes de port.

Si l’élaboration de nouveaux calibres de base était un nouvel exercice pour de nombreuses entreprises, les compétences développées ont également permis aux ingénieurs de s’engager davantage dans les mécanismes et fonctions additionnels. Parallèlement, plusieurs spécialistes externes du développement sont apparus pour compléter les ressources des entreprises horlogères et proposer des réalisations plus créatives, parfois exotiques.

Brevet Horlogers entre protection et inspiration : partie 1

Nouvelles capacités – pousser les limites du « faisable » et du «pensable »

Au cours de cette période, des avancées technologiques majeures au niveau de la conception et de la production ont également contribué à la création de nouvelles fonctions, d’affichages et de complications plus avancés.

La poursuite de l’intégration et de l’évolution des logiciels de modélisation, d’ingénierie et de simulation a considérablement accéléré les nouveaux agencements et leurs alternatives. Grâce à l’animation de fonctions nouvelles et complexes, les ingénieurs ont pu mieux communiquer avec leur environnement, ce qui a facilité le retour d’information et permis de tirer davantage profit des développements.

En outre, des avancées significatives en production, matériaux et processus liés ont indéniablement contribué à de nouveaux concepts. Des technologies essentielles telles que le LIGA (un procédé avancé pour pièces métalliques à multi-niveaux permettant un prototypage rapide tout en aidant à la sélection d’alternatives pour les composants de mouvement), la technique de gravure DRIE du silicium et une gamme croissante de technologies de fabrication additives, dont l’impression 3D, sont aujourd’hui régulièrement utilisées dans les phases de production et de prototypage. Ces procédés et leurs hybridations ont ouvert de nouvelles possibilités aux concepteurs, tout en les rendant dépendants, certaines géométries, propriétés ou matières ne pouvant nécessairement être reproduites par procédés traditionnels.

Plus rapide, plus léger, plus fin, plus fort… une course aux nouveaux records

Suite à une demande en forte croissance et un vif intérêt de la part des clients, beaucoup étant toujours mieux informés, et grâce à une communauté croissante de collectionneurs, œuvrant comme mécènes, l’industrie horlogère est rapidement devenue un terrain de jeu sur le motto « the sky is the limit ».

Les records concernant le nombre de composants, les fonctions contenues ou combinées, les heures de développement ou d’artisanat, d’éblouissants sertissages ou autres décors ornementaux, la minceur, la légèreté ou même le volume sonore d’une montre ont viré toujours plus rapidement en souvenirs éphémères, et parfois en champs de bataille pour un cercle restreint d’acteurs, cherchant constamment à protéger leurs avancées.

 *À l’occasion du 20ème anniversaire de GMT Magazine et de WorldTempus, nous nous sommes lancés dans le projet ambitieux de résumer les 20 dernières années en horlogerie dans The Millennium Watch Book, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book est disponible sur www.the-watch-book.com, en français et en anglais, avec une remise de 10% en utilisant le code WT2021

** rédigé par Sébastien Dordor