Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo

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Limited editions and the Panerai PAM 968 Bronzo - Why not...?
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Voici donc un sujet qui plaît ou qui fâche. L’association de ces deux mots soulève autant de joie qu’elle hérisse de poils. Usé, abusé, les montres en « série limitée » font désormais partie de la réalité horlogère, qu’on l’aime ou pas.

Beaucoup accusent les marques d’en faire trop – voire n’importe quoi – en matière d’exclusivité, mais nous devons avant tout nous interroger sur le pourquoi de cette tendance et ne pas cibler en premier les marques. Car nous sommes les principaux responsables.

Pourquoi la production de séries limitées marche-t-elle si bien ? Parce qu’il y a des personnes pour les acheter… Pourquoi ? Parce que nous aimons tous croire que nous sommes uniques, différents, voire mieux que les autres. Avec l’acquisition d’une montre en série limitée, on n’acquiert pas un objet. On accède à un statut.

La montre « limitée » » est une façon de dire « moi je l’ai et pas toi ». L’exclusivité ne vient pas uniquement de la montre, mais de la façon de se la procurer. Pour y avoir « droit », il faut être informé, connecté et savoir à qui – et comment parler. Les pièces en série limitée remplacent ces clubs privés où il faut connaître le gardien cerbère pour entrer !

Dans une époque qui valorise l’individualisme, la série limitée est aussi un message sociétal et un signe des temps.

À l’origine (qu’il est difficile de dater – XIXe, début du XXe siècle), les pièces « limitées » étaient des productions exclusives réalisées pour les grands du monde de cette époque, qu’ils soient rois, maharadjas, ou capitaines d’industrie. L’exclusivité était réelle, car unique. Les marques réalisaient des pièces uniques, répondant à des besoins spécifiques à un moment donné.

Une telle pièce était donc la reconnaissance d’un pouvoir financier, économique ou politique, plus qu’un signe d’individualisme. Car ces productions restaient aussi exclusives dans leur exposition médiatique. D’ailleurs, il n’y avait aucune exposition médiatique, pas de TV, peu de pub et certainement pas d’internet.

Donc la pièce unique restait… unique et inconnue.

L’industrialisation de la série limitée est venue bien plus tard.

Il y a d’abord eu des pièces limitées par leur objet : c’était, par exemple, les pièces offertes par les entreprises pour remercier leurs salariés les plus fidèles. Il s’agissait de montres commémoratives, pas forcément spéciales, mais marquées du nom du récipiendaire.

Certaines entreprises poussèrent la logique un peu plus loin en appliquant leur logo sur des cadrans.

On reconnaissait alors une personne pour une contribution.

Ensuite, les montres sont venues commémorer des événements, voire servir de trophée. On pense, par exemple, aux courses automobiles. D’autres marques ont produit des montres pour des vendeurs de cigarettes ou des marques automobiles. Là encore, nous n’étions pas face au même phénomène, mais ces pièces étaient pourtant « limitées » en nombre.

Alors que la montre devenait plus commune, les marques ont commencé à réfléchir à de nouveaux moyens de séduire leur clientèle, mais aussi de la fidéliser.

En combinant cette quête avec la montée en puissance des médias, nous commencions à voir apparaître les séries limitées telles qu’elles existent aujourd’hui : limitées par le nombre, mais connues par le grand nombre…

Mais avant d’aller plus loin, essayons de mieux comprendre ce qu’est désormais une série limitée parce qu’il existe plusieurs catégories :

- Les vraies, pures et dures : peu de modèles produits et des caractéristiques véritablement uniques, c’est-à-dire pas uniquement « cosmétiques » et souvent un mode de distribution particulier (approche individuelle)

- Les presque vraies : un peu plus de modèles produits, un peu moins de spécificités et un mode de distribution particulier (listes d’attente)

- Les « pas tout à fait vraies » : là on joue un peu avec les mots… Les montres sont produites en bien plus grandes quantités, sont plus faciles d’accès et leur mode de distribution est « ouvert ».

- Les petites menteuses : il faut alors s’intéresser à la production totale de la marque. Si une marque produit 1 000 pièces et lance une série limitée de 300, c’est 30% de sa production. Le terme est alors utilisé pour pousser la vente d’une montre pas vraiment limitée…

- Les cachotières : elles ne sont pas limitées, mais pas accessibles non plus…

Je suis certain qu’en lisant ces quelques lignes vous savez désormais qui fait quoi…

Maintenant que nous savons à quoi nous en tenir, revenons aux conséquences de cette mode.

Aujourd’hui, presque tout le monde joue à ce jeu et ceux qui ne le font pas sont des cachotiers. Donc nous atteignons un score de presque 100%. Ces montres sont partout, tout le temps et célèbrent à peu près tout : des sportifs, des événements, des lieux, des jeux, des plats, des artistes, des voitures, des pneus, des…

La grande évolution par rapport aux modèles uniques du XXe siècle est qu’elles ne sont plus forcément économiquement inatteignables. Il y en a pour toutes les bourses. Cela montre bien l’évolution de la finalité de ces montres : ce n’est plus l’expression d’un pouvoir, c’est la démonstration d’une appartenance (on me reconnaît), voire d’un savoir (je sais que cette montre existe, je peux en parler, donc je peux parler de moi).

La série limitée est aussi devenue un mode de dialogue avec les clients et cette tendance n’est pas qu’horlogère. Au travers de ces montres, les marques fidélisent, renforcent et capturent l’intérêt. L’accès à ces montres est donc un chemin long et parfois tortueux…

Mais est-ce bien ?

Encore une fois, beaucoup de marques abusent de la série limitée. Mais qui les en blâmerait si elles les vendent… Ces montres continueront à séduire à une condition : qu’elles soient vraiment exclusives et servent éventuellement de « talking pieces » qui poussent d’autres montres plus accessibles. Il faudra aussi continuer à leur trouver du sens. Au pourquoi économique, il faudra trouver un pourquoi sentimental. Comme je l’ai dit auparavant, toutes les événements ont désormais leur modèle dédié.

Il faut maintenant trouver autre chose.

Et c’est pour cela que j’ai choisi de vous parler aujourd’hui d’une Panerai. Car l’histoire de la marque est fortement liée à celle des séries limitées.

Ohhhh… j’oubliais ! Pour illustrer ce sujet, j’ai aussi choisi de parler d’une montre qui, justement, n’est plus présentée comme une édition limitée. Et ça, c’est aussi un grand changement !

Pourquoi Panerai ?

Je ne vais pas revenir sur l’histoire de la marque florentine. Nous en avons déjà beaucoup parlé ici. Évoquons plutôt le lien entre Panerai et les séries limitées. Les éditions spéciales de Panerai remontent à 1997, soit 22 ans maintenant. Autant dire que Panerai a probablement été l’une des grandes initiatrices de cette tendance et mérite d’être remerciée pour cela.

Car Panerai a été une des premières marques à créer une communauté de passionnés, nourris régulièrement de nouveautés et d’exclusivités. Les fameuses éditions spéciales ont, à ce titre, parfaitement atteint leurs multiples objectifs : rendre la marque connue et exclusive, attirer, séduire et construire une communauté.

On ne peut donc pas évoquer l’idée de série limitée sans parler de Panerai.

Cette année, au SIHH 2019, Panerai a continué à dérouler cette stratégie en créant un nouveau concept : les montres-événements, associant une montre spéciale à une aventure particulière.

Ce qui est intéressant ici, c’est que la marque revient vers l’exclusivité première des SL. Peu d’élus, prix élevé et capacité à partager un moment unique. Nous verrons comment la marque va décliner cette idée dans les années à venir, mais la piste est intéressante.

La Panerai PAM 968 Bronzo : épilogue

Les Paneristi peuvent vous réciter par cœur la liste des innombrables Panerai spéciales commercialisées depuis plus de 20 ans. Certaines ont fait un passage rapide, d’autres ont marqué les esprits. Parmi celles-ci, il y a la fameuse PAM 382 Bronzo, lancée pour la première fois en 2011. Il s’agissait pour l’occasion d’une édition de 1 000 pièces avec, pour la première fois depuis longtemps sur une montre, un boîtier en bronze.

Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo, “Brownzo”

La montre allait surprendre. Et même déplaire, ce qui est souvent un gage de succès futur. Dans sa livrée dorée brillante, avec son cadran vert et ses proportions gigantesques, la 382 faisait parler d’elle. Mais le succès commercial ne fut pas immédiatement là. Certains collectionneurs déclinèrent plusieurs fois la pièce, ne la trouvant pas assez Panerai.

Quelle erreur ! Très rapidement, la Bronzo allait devenir une légende. Sa côte suivait celle des bons vins. Rares, devenues inaccessibles, tout le monde en voulait une. Peu l’auront.

Face à ce succès, Panerai ne resta pas les mains dans les poches.

Après la Bronzo, il y eu la PRONZO, pour Power Reserve Bronzo. La même piece que la 382, mais cette fois-ci dotée d’un indicateur de réserve de marche sur le cadran. Sinon, même taille, même boîtier, même bracelet. Même mouvement.

Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo, “Brownzo”

Avec une deuxième version, Panerai créait la collection limitée !

Mais ce n’est pas tout !

2017 fut l’année de la BLUZO, ou Panerai Bronzo Bleue. Même modèle que la 382 – pas de réserve de marche – mais cadran désormais bleu. On ne change pas une équipe qui gagne.

Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo, “Brownzo”

En bleu, la Panerai fait aussi un tabac !

Alors, nous voici maintenant en 2019.

Et là, Panerai nous surprend – un peu. Car voici la Panerai PAM 968, une nouvelle Bronzo que beaucoup appelleront vite la BRUNZO ou la BROWNZO parce qu’elle arbore une couleur assez surprenante, le brun. Mais ce qui est encore plus intéressant avec cette 968, c’est que, justement, elle n’est pas spéciale. Il s’agit d’une montre réservée aux boutiques – et au site Panerai online - mais non limitée.

Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo, “Brownzo”

Côté design, on retrouve les caractéristiques principales de la première Bronzo : boîtier en bronze, 47 mm, cadran à petite seconde, bracelet marron, fond titane et mouvement manufacture 9010.

Ce qui change, c’est la lunette désormais dotée d’un anneau en céramique marron et le cadran assorti. Les cadrans vert et bleu des Panerai précédentes avaient pour objectif de se distinguer de la patine naturelle qui allait recouvrir le bronze.

Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo, “Brownzo”

Avec l’option marron, Panerai opte pour un cadran qui va se fondre dans la patine. C’est un choix aussi intéressant que surprenant. Seul le temps nous dira s’il est judicieux.

Mais ce qui est certain, c’est qu’avec cette nouvelle lunette, la Panerai PAM 968 prend un look plus moderne. Et peut-être un peu moins agressif que la version 100% bronze.

J’ai parlé ici d’épilogue, mais en fait je ne sais pas si nous sommes en présence de la dernière Bronzo.

Le nouveau mode de distribution me laisse penser que oui. Mais l’image de ces Bronzo est telle que nous sommes peut-être en présence de la fin de la première saison… parce que la Submersible existe aussi maintenant en 42 mm, mais pas encore en bronze. Alors, à quand la SMALLZO (Small Bronzo) ?

Qu’en pense l’avocat du diable ?

Encore une Bronzo ! C’est probablement le reproche principal que pourra faire notre rouge ami. Mais au-delà de cela, la Bronzo 968 reste une belle montre, fidèle à ses illustres aînées.

Côté reproche, peu de choses si ce n’est le poids conséquent qui rend la montre parfois difficile à porter. Elle pèse tout de même plus de 160 grammes, ce qui en fait un beau bébé.

Les éditions limitées et la Panerai PAM 968 Bronzo, “Brownzo”

Certains pourront aussi reprocher le choix du marron qui assagit la Bronzo. Enfin, il y a ceux qui aiment la patine et ceux qui la détestent. C’est justement le charme d’une telle montre, qui plus elle vieillira, plus elle attirera les commentaires.

Laissons-lui le temps de séduire !

Comment porter la Panerai PAM 968 avec style ?

La Panerai PAM 968 est une montre qui se voit. Il faut donc lui donner un environnement qui lui permette à la fois de se montrer, mais aussi de s’intégrer. C’est pour cela qu’il faudra choisir des couleurs sobres, toutes construites autour de la notion de patine.

Commençons par la veste… et j’irai ici en direction d’une saharienne marron, comme en présente la marque Suit Supply dans sa collection été (modèle Sahara).

Dessous, un tee-shirt blanc Eleventy porté sous un sweatshirt de la même marque.

Le pantalon d’inspiration militaire pourra venir de chez Rubinacci, avec notamment le très sympathique modèle Manny à plis en version coton vert olive.

Les souliers seront soit des Superstar de Golden Goose, soit des Levah Smoke Grey de John Lobb.

Ainsi vêtu, vous pourrez aussi mettre dans un sac à dos un maillot de bain Vilebrequin camo The Rake, un polo Lacoste bleu, une paire d’espadrilles Berluti et vous rendre à la plage la plus proche.

Rien de tel que l’eau de mer pour accélérer la patine de votre PAM 968. Bon bain en Brownzo !

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