Eclectique électrique

Peu importe la question (ou presque) posée à Richard Mille, l’homme n’aura toujours que trois réponses possibles : « Parce que c’est un ami », « Parce que j’en ai envie », et « Parce que ça m’amuse ! ».
Caricatural ? Evidemment, mais pas tant que cela. Rencontré en ses terres parisiennes à J-2 du Grand Prix de Formula E, Richard Mille est plus détendu que jamais. Sollicité de partout, celui qui devait ne nous accorder que quelques minutes a finalement passé près de trois quarts d’heure en notre compagnie à brosser un large panel de sujets, bien au-delà de la Formula E. Et si l’on a été chercher l’homme sur des sujets réputés sensibles, Richard Mille y a une fois de plus répondu avec la plus grande transparence. Parce qu’il n’a plus rien à prouver, tout simplement.

Richard, avec ce GP 100% électrique, vous vous achetez une conscience écolo ?
Mais qui peut se targuer de créer des pièces aussi durables que les nôtres ? Nous sommes au cœur de l’économie green, je n’ai aucun problème avec cela, parce que c’est la réalité. Une Mille sera encore là dans 10 ans, 20 ans, 30 ans. Dans un siècle, c’est un peu tôt pour le dire, mais nous ne sommes pas vraiment dans la consommation jetable. Nous sommes un business par essence durable.

Pourtant, vous êtes également engagé en F1, une industrie de pointe, certes, mais qui atteint des sommets de pollution.
J’ai une passion véritable pour l’automobile, c’est indéniable, mais je me suis toujours battu pour être en dehors des niches. Pourquoi, au nom de mon amitié avec un milieu, avec certains pilotes, devrais-je m’interdire d’aller voir ailleurs ? Cela ne me pose aucun problème de jouer simultanément  en F1 et FE parce que mon fil conducteur, c’est de me confronter à la réalité. Certains disent que Mille est une marque de niche. Je dirai plutôt que nous sommes une marque sur plusieurs niches, et que dans chacune d’elles, nous voulons être les meilleurs, que ce soit en F1, FE, en golf, en voile, en tennis, etc.

Vous ne voyez donc pas de contradiction à soutenir F1 et FE ?
Attention, moi, mon job, c’est de faire des montres, et de faire les meilleurs possibles. De ce point de vue, la Formule 1 et la Formule E présentent de fortes similitudes et il y a un véritable intérêt à transposer tout ce que l’on a appris en F1 à l’univers électrique. On y retrouve tout ce qui relève des accélérations, les g, les vibrations, les chocs latéraux, longitudinaux. Bref, tout ce qu’il faut pour tuer une montre !

Vous n’avez pas peur de vous disperser ?
Ce que vous appelez de la dispersion, j’appelle cela de l’ouverture. Il faut rester ouvert en tout, dans l’art, dans la culture, comme dans l’horlogerie. L’horlogerie traditionnelle, c’est embêtant. Mais qui a encore envie d’une répétition minute ? Ca intéresse qui, franchement ? Je reste ouvert à tout ce qu’il reste encore à faire. A l’opposé de l’opportunisme, je travaille avec des amis, je reste open, mais le but du jeu, c’est toujours le même, depuis le début : aller sur le champ de bataille, là où tout le monde me disait que mes montres allaient être pulvérisées, comme au poignet de Bubba (Watson, ndlr, 4^ème mondial de golf, au swing...viril).

Pourtant, en termes de public, la Formula E attire un public beaucoup plus jeune que la F1, qui n’est pas vraiment le vôtre. Quel est l’intérêt pour vous d’y aller ?
Je ne me suis jamais posé ce genre de question ! Je n’ai jamais commandé d’étude, jamais fait d’étude de marché, d’analyse de mes concurrents, ou que sais-je. J’y vais parce que j’ai envie d’y aller et parce que mes amis y sont. Je connais Jean-Paul (ndlr : Driot, patron de l’écurie eDAMS que Richard Mille sponsorise) depuis plus de 10 ans. Et ce qui m’a plu, dans la Formula E, c’est le bruit ! C’est incroyable !

Vous travailleriez avec ce nouveau public jeune qui vous adore ?
Si vous pensez à un modèle plus abordable, pour répondre à ses attentes mais aussi ses moyens, c’est non. Vous savez, la Fondation de la Haute Horlogerie vient de livrer une étude suivant laquelle la marque qui provoque le plus de désir chez les 18-30 ans, c’est Mille. C’est dingue, non ? Mais j’ai un positionnement à tenir, un prix moyen de 140 000 euros, et je ne ferai probablement que 4000 pièces en 2017. Ce sont des éléments auxquels je ne dérogerai pas.

Et un modèle Formula E ? Electrique, évidemment !
Ce n’est pas à l’ordre du jour, même si je ne suis absolument pas opposé à introduire des modules électriques dans mes montres. Comme je vous le disais, je suis ouvert à tout, mais pas à n’importe quoi. Si l’on introduit ce type de module, ce serait pour atteindre des performances que la mécanique pure ne peut pas atteindre, comme le millionième de seconde, ou quelque chose comme cela. Ensuite, il faudrait que le module mécanique puisse continuer à fonctionner indépendamment, même si la partie électrique a un problème. Enfin, dernier point, il faudrait que l’on soit en mesure d’effectuer un SAV nous-mêmes, et sur le très long terme.

Présent en Formula E depuis sa première saison, Richard Mille s’est offert cette année avec eDAMS les 3^ème et 4^ème places au GP de Paris.