Le fin mot du fin ?

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The last word in slimness? - Records
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A force de battre des records, la course à la finesse horlogère semble arrivée à son sommet… le plus bas. Dans toutes les catégories, est-il encore possible et intéressant d’aller plus loin ?

C’est une déferlante de records qui s’est abattue sur le public amateur d’horlogerie. Les unes après les autres, des épaisseurs que l’on croyait incompressibles sont passées sous le laminoir de grandes maisons horlogères, animées d’un esprit de conquête comme on en avait peu connu. Montre mécanique à remontage manuel, automatique, avec tourbillon ou répétition minutes, pour ces catégories fondamentales de la montre contemporaine, le régime minceur a été drastique et extrêmement rapide. A se demander si elles ne vont pas se retrouver avec des carences en vitamines. Le public en tout cas a dû faire quelques crises d’hypoglycémie et tourner de l’œil. Car la plupart de ces montres taille de guêpe sont d’étourdissantes réussites.

Il y a bien sûr le facteur technique. Faire plus fin est une gageure véritable, qui oblige à repousser les limites de la résistance, de l’architecture et de la fabrication de composants. Moteur du progrès horloger, il connaît un sommet dans la catégorie tourbillon. L’Octo Finissimo Tourbillon de Bulgari détient le record du genre. Son calibre mesure 1,95 mm ! Mais l’exploit va plus loin que la simple mécanique. Car le mouvement ne fait pas tout, il faut encore réduire l’épaisseur de la boîte pour affiner la montre. Bulgari a ainsi réussi une prouesse de design. L’Octo nouvelle mouture, boîtier complexe composé de 110 facettes et fait de plusieurs niveaux empilés, a été préservé tout en étant abaissé jusqu’à 5 mm. Au poignet, l’effet est saisissant.

 

Bulgari-Octo-Tourbillon-Finissimo Bulgari-Octo-Tourbillon-Finissimo-2


Réduire la hauteur du boîtier oblige jusqu’à revoir la manière dont une montre est pensée. Piaget a ainsi décidé de se passer d’un fond de boîte standard, qui referme le traditionnel sandwich qu’est la montre. Dans le cas de l’Altiplano 900P, la platine est le fond, usiné dans sa partie intérieure pour accueillir des composants. En parallèle d’autres efforts de miniaturisation, cela fait de ce modèle la montre mécanique la plus fine actuellement disponible avec une épaisseur totale de 3,65 mm. Mais on ne peut faire une montre ultraplate si elle est ultra fragile. Piaget a donc entrepris de consolider sa 900P : le mouvement vient toucher la glace saphir par le dessous pour former un pilier qui la protège de la casse. Et le fond/platine possède une épaisseur qui le protège contre les torsions.
 

Piaget-Altiplano Piaget-Altiplano


Mais la montre ultrafine est plus qu’un registre de records, de chiffres et de compétition. Dans le monde réel, où les montres sont portées au poignet, ce style horloger est celui qui rime le plus avec élégance. Une élégance où l’enjeu consiste à se montrer discret, voire à ne pas se montrer du tout. C’est un retournement de tendance fort. Après des années où il fallait avoir la plus grosse et la plus grande pour impressionner, on peut désormais briller en public en exhibant sa toute petite, toute fine montre.

De fait, les épaisseurs sont devenues si ténues, si réduites, que l'on ne fait plus très bien la différence. Qui distinguerait laquelle est la plus épaisse d’une Altiplano 43 mm de 5,25 mm ou d’une Breguet Classique 5157 de 5,40 mm sur un poignet ? Ces deux modèles se disputent le record de la montre mécanique automatique la plus fine. Elles ne sont séparées que de 0,15 mm, soit l’épaisseur de deux cheveux. Cela se voit-il ? Cela compte-t-il vraiment ? La guerre des chiffres devrait donc connaître une accalmie. Trop de records tuent les records et il existe un seuil qui n’offre plus grand intérêt à dépasser… à moins que….

 

Breguet Classique 5157