Etat des lieux

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All downhill from here? - Quartz watches
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Performant, universel, abordable, précis, le mouvement à quartz est au sommet. De là, on ne peut plus que descendre.

La montre à oscillateur au cristal de quartz vient de fêter ses 50 ans. Miniaturisée pour le poignet par une équipe de chercheurs du Centre Electronique Horloger de Neuchâtel, cette technologie est à un tournant de son histoire. D'un côté, elle a atteint un niveau de performance et de maturité exceptionnel. On se demande dans quelle direction elle peut encore avancer. De l'autre, elle est menacée par l'arrivée de micro-ordinateurs de poignet, qui recueillent leurs données horaires sur des serveurs distants, au lieu de la calculer.

Une montre à quartz ne coûte presque rien. Même d'une marque reconnue, le premier prix pour une montre analogique se situe autour de 20 francs. On trouve des centaines de pièces sous la barre des 1 francs sur Amazon, réductions incluses. Un mouvement à quartz ne coûte presque rien non plus. Pour en acheter un de bonne qualité, à l'unité, au détail, en ligne, dix francs suffisent. Un mouvement à quartz ne consomme presque rien. Une pile de 90 mAh, qui coûte 0,80 francs, permet de l'alimenter durant 3 à 5 années. Un mouvement à quartz se remonte avec le poignet, une pile, un accumulateur, l'énergie solaire. Il se met en veille sans perdre de vue le temps qui passe. Il peut même afficher un calendrier perpétuel et répéter la minute, le réveil, 50 chronométrages... Et pour ces quelques francs, on obtient l'heure juste avec une marge d'erreur de quelques petites minutes par an.

Pas cher, fiable, stable, sans pièces en mouvement, sans lubrification, blindable, sans influence gravitationnelle, sans effet de variation de température grâce à des compensations thermiques ultérieures, industrialisable, le rêve absolu du progrès horloger s'est réalisé... puis transformé en cauchemar. La logique d'économies d'échelle, d’investissements industriels et de main d’œuvre à faible coût a enfoncé la montre suisse dans l’ornière dans les années 80, au profit des fabricants japonais, puis chinois. Malgré quelques exécutions haut de gamme comme chez Girard-Perregaux ou F.P. Journe, de haute précision chez Longines, multifonction chez Tissot ou chez ses concurrents historiques japonais, le quartz est exclu du haut de gamme horloger. Le problème est qu'il risque d'être chassé de l'entrée de gamme aussi.


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Pourtant, la montre analogique a bien résisté. Le format des montres numériques, plus facile à lire, à éclairer, à fabriquer, à fiabiliser que les aiguilles, n'a pas submergé la terre. Preuve que le temps occupe une place particulière dans nos esprits et que nous avons encore besoin de la lire d'une manière traditionnelle... archaïque même. Le cadran solaire et le gnomon, ancêtres de l'aiguille, sont gravés dans nos cerveaux reptiliens.

Pour le prix d'une montre à quartz analogique en métal telle qu'en fabriquent des dizaines de marques suisses, un client peut aujourd'hui s’offrir une smartwatch. A l'intérieur, un processeur, un accumulateur, une carte réseau et un contrôleur pour l'écran et/ou les poussoirs. Mais pas d'oscillateur à quartz qui donne l'heure. Celle-ci est un sous-produit des capacités de calcul et de réseau de la montre connectée. Ainsi, le quartz est tellement perfectionné qu'il ne peut plus accomplir de grands bonds de qualité. Et quand bien même ce serait le cas, le public ne saurait voir la différence. Plus précis d'une seconde par an ? Une autonomie de 6 ans au lieu de 5 ?


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Quand le Swatch Group se plaint que ses filiales de fourniture de mouvement ne redécollent pas, il faut regarder de ce côté-là aussi. Quand les exportations de montres suisses sous la barre des 200 francs ne cessent de baisser depuis 2015, et ne remontent pas malgré la reprise en cours, l'explication est peut-être là. Le quartz, les montres qu'il équipe et les marques qui en profitent, vont-ils devoir repenser leur approche ?