Inutile de lire cet article sur Piaget au SIHH 2018. C’est le même qu’en 2017, 2016, 2015, et bien avant encore. La manufacture évoque « son savoir-faire historique », « ce qui fait Piaget depuis 60 ans », une maison « qui repousse les limites de la créativité ».
Les mots sont les mêmes, les produits également. Ils décrivent tous le même objectif: affiner encore et toujours l’Altiplano, atteindre le stade extrême de l’extra-plat. On pourra donc aller à la conclusion directement et donner un chiffre, l’épaisseur record atteinte cette année par Piaget, et attendre sagement l’année prochaine. Sauf qu’il n’y aura peut-être pas d’année prochaine en la matière.
Pleurer de joie ou de tristesse ?
Piaget avait annoncé la couleur : au SIHH, la montre dévoilée est une « Altiplano Ultimate Concept ». L’amateur éclairé ne sait plus sur quel pied danser ! Soit c’est un tressautement de joie à l’idée d’un record encore jamais atteint, soit c’est un effondrement en constatant qu’il s’agit d’un concept qui ne sera peut-être jamais produit. Qui plus est, étant « ultime », ce concept ne pourra par définition pas être dépassé. Que verra-t-on de Piaget en 2019 ? Un monde s’écroule !
Venons en aux faits, plus exactement au chiffre : 2 mm. C’est elle, la hauteur de la montre emboitée. C’est presque 1 mm de moins que le précédent record. Comment Piaget y est-elle parvenue ? A nouveau, en comprimant au maximum les trois couches qui composent la pièce : platine et fond de boite, le trio ponts – cadran – aiguilles et, enfin, la lunette. Tout est imbriqué au plus juste. Les ponts sont fixés côté cadran, qui sert lui-même de platine. Les roues et rubis sont 40% plus fins que dans les précédentes Altiplano.
Valeurs limites
Autres valeurs extrêmes, les rubis ne font que 0,25 mm d’épaisseur. Il en va de même pour certaines roues, lesquelles mesurent 0,12 mm d’épaisseur, à comparer au 0,20 mm dans un mouvement traditionnel. Le pont de balancier disparait, tout comme la construction classique selon laquelle l’organe réglant est monté sur incabloc. L’axe de balancier, la bague intérieure du roulement et le plateau constituent une seule pièce. Le barillet fait lui aussi l’objet d’une construction singulière : plus de couvercle ni de tambour. Monté sur roulement à billes, le ressort-moteur est directement intégré dans le bâti. On remarque que même la couronne a disparu : elle a été intégrée dans la carrure pour éviter de dépasser de la boite, offrant ainsi un risque de choc pouvant être fatal à ce fragile mouvement.
Avec ces valeurs extrêmes, c’est la résistance de la montre qui est mise à rude épreuve, notamment contre chocs ou torsions. Piaget a tout prévu : en cas de pression sur la glace, si celle-ci doit se déformer, le premier composant sur lequel elle viendra appuyer sont les ponts, non les aiguilles comme dans n’importe quelle autre montre.
Et demain ?
La manufacture elle-même semble avoir atteint ses limites et celle de la science horlogère. En ne dépassant pas le stade de « Concept », qui plus est qualifié de « Ultimate », Piaget confesse certaines limites, notamment liées à un modèle qui ne semble pas pouvoir être reproduit à grande échelle.
Qu’est-ce que l’horlogerie pourra-t-elle encore nous réserver en matière d’extra-plat, à l’avenir ? La réponse vient probablement de chez Greubel-Forsey. Le duo de la Chaux-de-Fonds travaille intensément sur de la nano-horlogerie. Les premiers résultats ont été atteints en 2017, démontrés au travers d’un module de foudroyante...de 2 mm. A suivre de près, sans toutefois attendre des résultats commerciaux avant de nombreuses années.
