La belle histoire des boîtes gravées

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 The illustrious history of engraved watches - Artistic crafts
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Toujours là mais discrètes : les boîtes gravées traversent les modes, sans bruit. Jamais au sommet de la tendance, mais jamais oubliées non plus. Récit d’un art que sa discrétion fait durer.

Qu’est-ce qui a ramené la boîte gravée à la mode actuelle ? Nul ne le sait ! Les modes vont et viennent sans que l’air du temps n’y puisse changer grand-chose. La décoration de boîtes par gravure n’a pourtant jamais été le propre de la montre, ni de poche ni de poignet – bien davantage de l’horlogerie de table. C’est pourtant une tendance esthétique qui ne s’est jamais éteinte. Aujourd’hui, elle semble même revenir au goût du jour. Pourquoi ?

Un homme de l’ombre

C’est avant tout une affaire d’hommes et de marques. Parmi les premiers, il y a par exemple un graveur des plus discrets, Bram Ramon. Il fut, il y a bien des années, repéré par Yvan Arpa, l’homme derrière ArtyA. Depuis, sa marque a produit un grand nombre de petites séries, mais surtout de pièces uniques, qui sont autant de pépites recherchées des collectionneurs. ArtyA s’est notamment distinguée en gravant des cadrans en titane, un exercice d’une rare difficulté. Récemment, c’est une Répétition Minute en platine qui a vu le jour, avec une boîte entièrement gravée.

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De Minerva à Patek Philippe

Ces motifs décoratifs traversent l’histoire horlogère, même s’ils restent rares. La dernière référence en date, probablement la plus prestigieuse, est la Grandmaster Chime (Ref. 5175) de Patek Philippe, une Grande Complication dont la boîte entièrement gravée de motifs floraux a marqué les esprits. Il faut dire que l’opulence du décor fait montre d’un faste certain alors que, jusque-là, seuls de discrets liserés ornaient les boîtes, comme chez Minerva (ici une boîte ciselée en or, non datée).

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Ces motifs « blé » ou « grain d’orge » ont fleuri au début du siècle précédent, sous l’impulsion d’un style qui fit également les belles heures du mobilier de prestige. Sa trace remonte au Consulat puis Empire, comme sur ce meuble d’entre-deux en ébène marqueté de cuivre (Napoléon III), dont le pourtour entièrement ciselé de motifs floraux n’est pas sans rappeler une lunette gravée de blé ou grains d’orge.

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Le cas Longines

Lorsque l’horlogerie entra dans sa période Art Déco, plusieurs maisons reprirent le flambeau de la boîte gravée, à l’instar de Longines qui n’hésita pas à concevoir de très belles pièces féminines gravées puis serties. En se plongeant dans les remarquables archives de Saint-Imier, on retrouve quelques dessins originaux d’une collection, Les Elégantes, qui fut remise au goût du jour en 2002. Preuve de l’importance que la marque accordait à la décoration de ses boîtiers (principalement pour les pièces féminines) : au début du XXe siècle, la plupart des gravures des montres Longines étaient faites en interne, dans les ateliers de décoration de la marque.

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Une boîte gravée et signée

Plus près de nous, les Ateliers Louis Moinet ont remis la gravure de boîte au centre de leurs préoccupations esthétiques : d’abord, en éditant des séries très limitées entièrement gravées, comme la remarquable Memoris Red Eclipse, aujourd’hui épuisée ; ensuite, en généralisant l’usage de la signature originale de M. Louis Moinet (1768 – 1853) sur le flanc de carrure de ses nouvelles créations.

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Notons enfin le cas le plus évident – et très atypique – de la Reverso de Jaeger-LeCoultre. Sa face protectrice, destinée à parer à tout choc sur le verre saphir de la montre lorsqu’elle était portée durant une partie de polo, est depuis longtemps devenue un espace d’expression chéri des collectionneurs, et non des moindres, comme cette Reverso ayant appartenu à Edouard VIII (1894 – 1972).

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Ronnie Peterson – invendable !

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Reste, pour l’anecdote, le cas de la boîte de la Heuer Carrera de Ronnie Peterson. Fidèle à son habitude d’équiper un grand nombre de pilotes de ses montres, Jack Heuer avait donné au pilote suédois (1944 – 1978) un magnifique chronographe Carrera, entièrement en or, boîte et bracelet. Il la fit graver spécialement pour lui : « Success Ronnie Peterson from Jack. W. Heuer ». La pièce était ainsi unique...et donc invendable : devant la forte tentation qu’il existait en ce temps de céder ces pièces pour leur poids or, Jack Heuer utilisait donc la gravure pour prévenir tout risque de revente de sa Carrera. En 2016, Heuer devenue TAG Heuer a racheté cette pièce chez Sotheby’s pour 225'000 francs.

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