La Panerai PAM 590

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The Panerai PAM 590  - Why not...?
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Le point de vue du collectionneur sur...une Luminor avec boîtier « bettarini », cadran « non matching » et indicateur « 8 Giorni ».

Nous sommes en Egypte, 600 ans avant Jésus Christ.

Les savants du Pharaon viennent de mettre au point un nouvel instrument destiné à lire le temps. Il s’appelle le Merkhet. Sa composition originale lui permet de lire le temps, même lorsque le soleil est tombé. Avec cette invention, les hommes pourront ainsi commencer à lire l’heure y compris dans la nuit noire. Et cette capacité permettra d’améliorer la précision de la lecture du temps.

De nos jours, cette histoire semble dépassée ou reléguée aux livres d’archéologie. La lumière est partout, et le temps est devenu lisible dans n’importe quelles conditions. Même la nuit, la lumière brille …

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, pouvoir lire sur un cadran de montre était d’une importance vitale. Et c’est comme souvent la guerre qui allait créer ce besoin.

Dans la nuit du 20 au 21 décembre 1914, les Farman MF 11 français furent les premiers bombardiers à opérer de nuit. Le besoin de pouvoir lire des instruments de vol dans le noir complet venait de devenir une priorité stratégique.

Dès 1917, le Département de la Défense Américain décida de commander à l’US Radium Corporation des montres luminescentes, utilisant pour cela de la peinture au radium. L’histoire retiendra surtout le combat des « radium girls », ces ouvrières qui passaient leur journée à peindre des cadrans avec des substances radioactives, avec les conséquences sanitaires que l’on peut imaginer aujourd’hui.

Mais à l’époque, ces productions étaient stratégiques. Elles continuèrent à l’être pendant longtemps.

A l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, ce n’est plus uniquement dans l’air que l’on avait besoin de montres visibles de nuit. La nuit pouvait aussi apparaître de jour … Il suffisait de descendre sous l’eau.

Il faut alors se tourner vers l’Italie, où quelques hommes comprennent que le combat sous-marin peut devenir un atout précieux en cas de conflit. Ils prennent exemple sur deux de leurs aînés, le Major Rossetti et le Lieutenant Paolucci, qui en novembre 1918 furent les premiers nageurs de combat de l’Histoire, coulant un croiseur austro-hongrois dans le port de Pola. S’inspirant de cet exploit, ils veulent plonger discrètement, nager vers leurs cibles, les détruire et disparaître. Ils seront les premiers nageurs de combat de la Xème Flottiglia MAS.

Pour opérer de nuit et sous l’eau, les membres de la Flottiglia MAS ont besoin de matériels à la fois fiables et innovants. Y compris de vraies montres de plongée étanches et lisibles. C’est justement cette dernière caractéristique qui va nécessiter le plus de travail. Un des officiers de la flottille a entendu parler d’un atelier d’horlogerie situé à Florence. Il s’y rend et rencontre Guido Panerai. Ensemble, ils décident de développer une montre répondant aux exigences des futures opérations des nageurs italiens.

Encore une fois, le radium sera appelé à la rescousse. Panerai développera une montre étanche, dotée de deux cadrans superposés : l’un est ajouré et présente de gros chiffres 12, 3, 6 et 9 et l’autre est recouvert de radium.  Le tout est monté dans un boîtier surdimensionné de 47 mm, qui abrite un calibre Rolex.

La Radiomir est née. 

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Puis l’histoire s’emballe. Les plongeurs de combat italiens entrent en action. Leurs exploits inspireront les forces navales de tous les camps. A leur poignet, de nouvelles versions de la Radiomir. A la fin du conflit, Panerai aura finalement produit un peu plus de mille montres, qui resteront encore longtemps couvertes par le secret militaire.

Pour conserver ses marchés, la marque florentine améliore ses Radiomir et se tourne vers d’autres marchés dans des pays qui font appel à d’anciens plongeurs de combat italiens. Mais le cahier des charges ne change pas : lisibilité et étanchéité.

Rapidement, le dangereux radium fait place à une nouvelle substance tirée du tritium : le luminor. L’étanchéité des nouvelles plongeuses est aussi améliorée grâce à un innovant pont protège-couronne, aujourd’hui surnommé affectueusement « décapsuleur » par les fans de la marque. Mais c’est encore une histoire de lumière qui donnera son nom à cette nouvelle montre : la Luminor.

Aujourd’hui encore, les Luminor et Radiomir règnent sur le catalogue Panerai. Elles ne sont plus des secrets militaires, mais conservent cet ADN si particulier, mélange de design industriel, de simplicité opérationnelle et de charme latin. Avec toujours les mêmes caractéristiques : étanchéité et visibilité.

Luminor ou Radiomir. Le choix semble simple. Il est pourtant bien compliqué. J’ai finalement opté pour une Luminor qui me tient particulièrement à cœur : la PAM 590. Lien entre le passé et le présent, marqué d’un sceau fameux dans l’histoire de la marque  et sortie cette année en un nombre limité de pièces, elle résume ce que doit être à mon sens une vraie Panerai.

Pourquoi Panerai ?

Les Luminor et Radiomir restent aujourd’hui les deux modèles emblématiques de la marque. Relancée en 1993, intégrée au groupe Vendôme (devenu Richemont) en 1997, Officine Panerai a depuis connu une ascension fulgurante.

Même si son histoire n’est pas aussi longue que celle de nombreuses manufactures suisses, Officine Panerai a réussi a la mettre en scène d’une façon quasi unique, s’inspirant de techniques hollywoodiennes pour valoriser ses super-héros Radiomir et Luminor, bodybuildés à la sauce Expendables, construire ses collections comme des « sequels » ou des « prequels », ou capturer l’attention d’un public conquis et particulièrement expert en faisant évoluer ses modèles par toutes petites étapes.

Non seulement la marque a imposé un style unique, mais elle a aussi libéré les poignets en osant proposer des boîtiers de 44 mm dès le début des années 90, puis en faisant renaître de leurs cendres transalpines les boîtiers de 47 mm originaux, à une époque où la norme était encore au 39 mm.

Enfin, Officine Panerai a probablement inventé le concept de « séries spéciales » et maîtrise encore aujourd’hui cette capacité à créer l’excitation tout en générant la frustration des fans et en étant pardonné ! Alors que ce concept est aujourd’hui galvaudé par surabondance d’initiatives pas toujours heureuses de ses concurrents, l’Officine puise dans son histoire – et l’abondance de prototypes et variantes dans sa production – pour surprendre et nourrir constamment sa légende.

La Panerai Luminor PAM 590 : from the US with love !

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Comme évoqué précédemment, la première version de la Luminor date de 1950. A cette époque, la plongeuse affichait un diamètre de 47mm, et un boîtier plus arrondi que les actuelles Luminor 44mm. Pour se rendre compte de la différence, Panerai a ressorti il y a quelques années une version proche de ce modèle original : la PAM 372.

Mais revenons à notre Luminor contemporaine. Celle-ci compte beaucoup dans l’histoire récente de l’Officine, puisque c’est avec un modèle proche que Panerai est revenu sur le marché horloger en 1993. Avant 1997 et son rachat par le groupe Vendôme, devenu Richemont, Panerai a produit plusieurs versions de sa Luminor en faisant cependant une concession à son aînée : sa taille est passée de 47 à 44mm.

Proposer une montre de 44 mm en 1993 était déjà osé. Panerai allait attendre encore quelques années pour ressortir sa légendaire 47mm.

Pour séduire les futurs clients, les équipes de Panerai décidèrent de recréer la Luminor. Le travail fut confié à Alessandro Bettarini. Celui-ci dessina un nouveau boîtier, plus anguleux que l’historique et aux proportions réduites. Le succès de cette nouvelle version fut tel qu’il est désormais appelé par les Paneristis (les fans de la marque) LE « bettarini ».

Le Bettarini est encore présent au catalogue Panerai, cependant, au SIHH 2014, la marque présenta une nouvelle version, toujours de 44mm, mais au profil plus affiné. La PAM 590 est équipée de ce nouveau boîtier.

Autre grand changement notable : le mouvement. Depuis 1993, Panerai équipait ses Luminor de mouvements Unitas. Cela permettait de coller à son image d’assembleur de toolwatch ! Mais – à l’instar de ses concurrents – la marque lança en 2005 son premier mouvement « in-house », le P2002. S’ensuivit une longue série de réalisations, jusqu’à la sortie en 2014 du mouvement mécanique à remontage manuel P5000. Equipé d’une réserve de marche de 8 jours, ce mouvement est plus fin que l’Unitas, contribuant ainsi à la cure d’amaigrissement du boîtier bettarini.

C’est d’ailleurs cette réserve de marche impressionnante qui fait l’intérêt de la Panerai PAM 590. Celle-ci affiche en effet sur son cadran la mention « 8 giorni brevettato ». Ce fameux « 8 Giorni » est apparu en 1950 sur une Luminor Submersible destinée à la Marine égyptienne. A l’époque,  cette pièce était équipée d’un calibre Angelus.

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Le nom « 8 Giorni » est resté et fait toujours vibrer les collectionneurs. Panerai n’a depuis sorti que peu de modèles affichant ce logo sur leurs cadrans. La PAM 590 en est une. Ce qui renforce son charme.

Une des autres caractéristiques intéressantes de cette 590 réside encore une fois dans son cadran. Comme toutes les Panerai, il est simple et fidèle au principe de lisibilité. Le 9 a été remplacé par une petite seconde. Mais en y regardant de plus près, vous vous rendrez compte que la couleur des index est différente de celle du texte Luminor Panerai ou du logo « 8 Giorni ». Les index sont orange, le texte est blanc.

Dans la culture Panerai on appelle ça un cadran « non matching ». Il fait référence aux premières montres de l’époque pré-Vendôme (avant le rachat par Richemont), où certains index lumineux blancs virent leur couleur changer rapidement après exposition au soleil, créant un différence entre les inscriptions sur le cadran (non luminescentes) et les index. Ce qui était à l’origine un défaut de qualité devint un vrai Graal. Certains cadrans furent changés mais d’autres propriétaires conservèrent les pièces en l’état, créant ainsi le buzz autour des cadrans « non matching », recherchés car originaux.

La Panerai PAM 590 reprend cette caractéristique, et présente donc un cadran s’inspirant des modèles vintage. Une autre raison pour craquer.

En résumé, notre Luminor a un boîtier « bettarini », un cadran « non matching » et un indicateur « 8 Giorni ».

Au début de cette revue, ces termes ne vous auraient probablement pas attirés. Mais maintenant, vous êtes devenus des Paneristis, vous savez pourquoi cette Panerai PAM 590 est si spéciale.

Et si je rajoute qu’en 2014 elle n’est disponible qu’aux USA, je crée de la frustration mais aussi de l’attente.

Bienvenue dans l’univers Panerai !

 

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Qu’en pense l’Avocat du Diable ?

Une Panerai se reconnaît. Elle est facilement identifiable. C’est autant sa force que son défaut. Les « non-initiés » vous diront rapidement « OK, c’est une Panerai ». Mais la force de la marque vient dans la subtilité des changements qui sont apportés aux modèles d’une année sur l’autre. Et cette subtilité est parfois … trop subtile ! Il faut du temps pour apprécier la différence de couleur des index, l’orange de certains chiffres opposés au jaune sable d’autres. Ou la forme d’une aiguille qui rappelle tel modèle de 1942, par rapport à celui de 1943 ! Et les exemples sont multiples.

Une Panerai n’est donc pas seulement une montre. C’est une pièce qu’il faut apprendre, et cela prend du temps. Cela vous permettra de lutter contre une phrase qui met particulièrement en colère tout amateur éclairé : « Ce sont toutes les mêmes ! ».

Quelle image véhiculera le porteur de cette Panerai ?

La Panerai est une « tool watch », un instrument de « travail » inventé pour servir une tâche précise. Elle est née pour être fonctionnelle et efficace. Pas pour plaire. C’est justement ce qui plaît !

Si le porteur de cette PAM 590 est capable d’expliquer les particularités de ce modèle par rapport à une autre Luminor, il a déjà fait du chemin et sera considéré comme un « expert », et non quelqu’un qui a cédé à quelque mode que ce soit !

Autre élément propre aux Panerai : leur capacité à « accueillir » des bracelets en cuir de toutes sortes. La Luminor est à ce point très versatile et a contribué à créer une « strap culture » propre à la marque.

Donc si vous souhaitez réellement vous afficher comme un aficionado, rien de plus simple : laissez tomber le bracelet fourni avec la Panerai 590. Non pas qu’il soit laid, au contraire. C’est juste qu’il ne faut pas le garder ! C’est comme ça. Choisissez-lui plutôt un 74, qui lui ira très bien.

Vous ne savez pas ce qu’est un 74 ? Il y a encore du chemin dans votre éducation « paneristique » ! A vous de chercher la réponse …

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