Pour les jeunes de 7 à 77 ans… le Calibre 321 d’Omega

Image
For the young from 7 to 77 years old... - Why not...?
Si habituellement, c'est une montre qui est sous le feu des projecteurs, cette fois-ci un calibre lui vole la vedette.

Aujourd’hui, sortons un peu des sentiers battus et parlons un peu de cette nouvelle qui enchante les fans d’Omega, mais pose aussi beaucoup de questions : il s’agit de l’annonce récente de la remise en production du légendaire calibre 321.

De quoi parlons-nous ici ?

D’abord, revenons aux basiques. Une montre, c’est un design, un cadran, des aiguilles, une boîte et un mouvement. Jusque-là, rien de bien spécial. Le succès d’une montre vient d’un subtil et magique équilibre entre tous ces composants, avec une dose d’histoire, un brin de marketing et bien sûr beaucoup d’a priori. En gros, on aime ou pas. Et comme les goûts et les couleurs ne se discutent pas, tout le monde trouve son bonheur dans le petit monde de l’horlogerie.

Cependant, les mouvements – ou calibres – n’ont pas tous bénéficié de l’attention qui leur est due. Pourtant, ils sont la pièce maitresse de la montre. Certes, il y a ces fameux mouvements à grandes complications, rois de la complexité, qui battent des records et impressionnent autant par leur innovation que par leurs prix astronomiques. Ils sont les « supercars » d’une industrie grand public. On passe devant, on les admire, on en parle, mais peu ont la chance de les porter.

Ma préférence a toujours été pour une horlogerie « démocratique », où la beauté et la fonctionnalité peuvent bénéficier au plus grand nombre. Cependant, il y a un risque : celui de tomber dans la catégorie des montres aux mouvements industriels, trop simples, trop faciles, voire « trop peu » chers. Ils sont la « junk food » de l’horlogerie, produits de masse sans âme, qui font le boulot mais ne donnent pas de plaisir.

Entre les deux, il y a de l’espoir…

Car l’horlogerie n’est pas qu’un produit de luxe. Il fut un temps où la montre était un objet utile, un outil solide qui devait remplir un rôle important. Pour ce faire, elle devait être fiable, facile d’usage, et aisée à réparer. À partir du moment où l’utilité devenait le critère principal, ces mouvements devaient à la fois être performants et pouvoir être fabriqués en série. Ils devenaient alors des objets industriels, tout autant que le résultat d’un artisanat sophistiqué. C’est pour cela que j’apprécie ces mouvements innovants, mais solides, aux fonctionnalités utiles et qui peuvent être produits en grand nombre. La liste de ces calibres serait trop longue à établir, cependant certains sont plus fameux que d’autres et pour des raisons bien différentes. Ma sélection en comporte huit.

Le Zenith El Primero qui fête cette année ses 50 ans.

Le Calibre 11 du consortium Chronomatic (Heuer, Breitling, Buren) aussi cinquantenaire cette année.

Le Seiko 6139, qui aura – bizarrement – 50 ans en 2019…

Tous ces mouvements innovaient et peuvent se réclamer être parmi les premiers chronographes automatiques au monde. Tous méritent le respect.

D’autres mouvements peuvent venir renforcer cette liste de stars. Il y a le calibre Valjoux 72, qui nous ramène aux années 30 et qui resta en production jusqu’au milieu des années 70, équipant des montres légendaires comme la Rolex Daytona. Ou encore le Seiko 7a28 de 1980, premier chronographe analogique à quartz et superbe pièce de technologie. Enfin, plus récemment, on peut aussi évoquer le Sistem 51 de Swatch, un mouvement mécanique automatique ultra-simple de 51 pièces qui peut être facilement industrialisé. Enfin, la liste ne serait pas complète sans le tracteur d’ETA, le 2824-2 qui est présent dans un nombre incalculable de montres. ETA, Heuer/Breitling, Valjoux, Seiko, Zenith et Swatch. La liste est presque complète.

Il manque, cependant, un autre mouvement, le Lemania/Omega 321 dont nous reparlerons un peu plus tard.

3,2,1 osez !

Avant de nous intéresser à l’objet, essayons de comprendre en quoi ce à quoi nous assistons est unique. Une marque célèbre, réputée pour ses innovations, décide de relancer, à l’identique, un mouvement lancé en 1946, soit il y a 73 ans.

Dans une société tournée vers le progrès, la vitesse, l’amélioration constante des performances humaines et technologiques, cette nouvelle est révolutionnaire.

Si je rajoute les Millennials – et toutes les générations à venir – la virtualisation de l’économie et la digitalisation de l’information, comment interpréter ce choix de faire revenir sur le devant de la scène un objet aussi « vieux », réel et mécanique ?

Cela peut sembler illogique. Et pourtant…

C’est à ce moment qu’il faut évoquer la réalité de l’horlogerie. L’industrie est désormais tiraillée entre modernisme et nostalgie.

Le modernisme prend la forme d’une smartwatch, à qui certains renient pourtant le droit de porter le nom de montre. De l’autre côté, il y a la vague des réinterprétations des modèles historiques qui est une autre tendance lourde.

Enfin, il ne faut pas oublier la présence de plus en plus « envahissante » des montres vintages, qui ne font que renforcer le besoin d’un lien entre le passé et le présent.

Les montres « modernes » sont prises au piège de l’innovation, des nouvelles technologies et des nouveaux développements. Ceux-ci vont devenir de plus en plus chers et difficiles (comme dans toutes les industries). De plus, de nouveaux acteurs vont continuer à perturber le marché (comme Apple aujourd’hui). Ensuite, l’innovation crée le besoin d’innovation. Donc le client devra suivre le rythme. Mais, pour cela, il devra être prêt à affronter l’obsolescence de ses produits favoris.

Les montres « classiques » sont dans une toute autre situation. Elles peuvent jouer sur le temps, la nostalgie et oublier l’utilitarisme au profit de l’émotion, parler au cœur au lieu de parler à la raison.

À mon sens, c’est le pari intéressant d’Omega.

Imaginons un instant que Bugatti relance son modèle 57 à l’identique. Serait-ce un aveu d’échec ou, au contraire, un succès émotionnel ? Probablement le second.

Avec ce relancement, Omega reconnait que la montre est devenu un objet sensuel. Désormais, elle a besoin d’un cœur plus que d’un cerveau. Ce sera le rôle du 321. 

Pourquoi le Calibre 321 ?

Le 321 a une place particulière dans l’histoire horlogère.

De nombreux mouvements cités ci-dessus ont apporté des innovations techniques. Ils ont changé la face « technique » de l’horlogerie. Ce n’est pas forcément le cas du Lemania/Omega 321. Alors, pourquoi est-il aussi célèbre ? En fait, sa légitimité vient d’autre part. De plus loin, voire de plus haut.

Le destin du 321 est lié à celui d’une montre, la Speedmaster. Lorsqu’il fallut choisir une montre pour équiper les astronautes, la NASA testa, en toute confidentialité, de nombreuses montres. L’Omega Speedmaster – destinée originellement à la course automobile – fut l’heureuse élue. Et ainsi naquit la Moonwatch.

Le Calibre 321 équipait les premières Speedmaster.

Pour les jeunes de 7 à 77 ans… le Calibre 321 d’Omega

Quand ces dernières furent soumises à des tests, tous plus dur les uns que les autres, c’est le 321 qui battait en leur sein. Lorsque les premiers astronautes partirent vers les étoiles, c’est encore avec des Omega Speedmaster équipées du Calibre 321.

La réputation du 321 vient donc plus de son utilisation spatiale que de son innovation technique. Avec ce calibre, nous sommes en présence d’un vrai tracteur, solide, capable de résister à des chocs, des changements de températures, des accélérations, des pertes de pression ou des vibrations intenses.

Mais comme le progrès gagne toujours, Omega décida en 1968 de changer de mouvement et de passer à une autre génération, plus simple à produire – et à moindre coût. Le 321 s’effaça au profit du calibre 861, mais l’histoire spatiale continua.

Pendant de nombreuses années, personne ne parla plus du 321. Encore une fois, l’époque était au changement, à la révolution. Le passé ne comptait plus, seul le futur proposait un avenir radieux.

Il en était de même pour les montres.

Ce n’est que récemment, avec le retour sur le devant de la scène des montres vintage, que le calibre 321 se refit une santé. Pourtant, Omega a conservé la Speedmaster dans son catalogue, mais l’a fait évoluer, prenant le risque d’endommager l’émotion. Les nouveaux mouvements, 861 ou 1861 ne sont pas les « vrais », les « durs », ceux qui avaient construit la légende. Même s’ils restent grandement identiques, ils ont perdu de leur charme.

Pour les jeunes de 7 à 77 ans… le Calibre 321 d’Omega

Comme Van Gogh ou une star du rock, c’est donc après sa mort – ou sa mise en sommeil – que le 321 est devenu une légende. Tout ici est donc histoire de sentiments.

Est-ce que le 321 est meilleur que les mouvements actuels ? Non.

Est-il plus fiable ? Probablement que non.

Est-il plus facile à fabriquer ? Toujours non. Mais, il EST le 321.

Par contre, ce qui est vrai, c’est qu’il suffit d’activer la fonction chronographe d’une Speedmaster contemporaine et d’une « 321 » pour se rendre compte de la différence : le son (doux) et la sensation (douce) procurés par le 321 restent uniques. C’est justement ce qu’a compris Omega. La technologie froide ne remplacera jamais la magie de l’imperfection… Avec le retour du 321, Omega ne propose rien de nouveau. La marque de Bienne fait mieux : elle permet à ceux qui le voudront de voyager dans le passé, et de rêver.

Et ça, ça n’a pas de prix…

Qu’en pense l’avocat du diable ?

Quand il y a prise de risque, il y a forcément de la place pour l’avocat du diable.

Le retour du 321 peut soulever de nombreuses interrogations. Est-ce la fin de l’innovation ? L’horlogerie a-t-elle atteint ses limites ? Ou même, est-ce la fin de l’histoire horlogère ?

Les supporters d’une horlogerie « du futur » ne verront certainement pas ce retour comme une bonne nouvelle. Pas de complication, rien de neuf, aucun nouveau matériau et pas de nouvelle source d’énergie. Rien.

Cependant, face à ces critiques potentielles, Omega pourra se targuer d’être aussi une marque fortement innovante et ses derniers calibres manufacture le montrent. C’est justement la force de la marque, qui pourra jouer sur deux tableaux.

Elle trouvera même des concurrents pour l’appuyer, comme Zenith, qui n’a jamais « lâché » son El Primero ou Montblanc qui continue à proposer des montres exceptionnelles animées par les – anciens – calibres Minerva.

Et maintenant, que vais-je faire ?

L’annonce du retour du 321 a fait du bruit. Mais de nombreuses questions demeurent : quelles montres ? Quand ? Comment ? Ou combien ? Le mieux est maintenant d’attendre. Le printemps – et ses annonces – n’est pas très loin. Et en juillet, nous fêterons les 50 ans du premier alunissage. Il est certain que nous en saurons plus avant… Alors, prenons notre mal en patience. Le retour de l’histoire ne fait que commencer…

Marque