Mon dicton paysan

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My Country Lore - Auctions
Deux événements majeurs pour les collectionneurs de montres se sont déroulés en septembre dernier. Que laissent-ils augurer pour la saison à venir, et au-delà ?

D’ordinaire, septembre n’est pas le mois le plus important pour les collectionneurs de montres et les amateurs de belle horlogerie. Les affaires reprennent tout doucement après la pause estivale et il n’y a ni salon horloger ni vente aux enchères majeurs au calendrier. Cette année pourtant, septembre s’est révélé être un mois radieux pour les aficionados horlogers, et cela m’a rappelé un bon vieux dicton suisse allemand qui dit : « Douceur et soleil en septembre persistent jusqu’à la fin de l’année ». Ou quelque chose du genre.

Le jour le plus lumineux de septembre fut le 17, lorsque Vacheron Constantin présenta la montre de poche la plus compliquée jamais fabriquée, la Référence 57260. Elle a fait couler tant d’encre de la part d’historiens, d’horlogers, de spécialistes en marketing et autres romanciers, que je ne vais pas répéter ici à quel point elle est impressionnante et belle en dépit de sa taille imposante. Je souhaite plutôt partager avec vous les réflexions et les émotions qui furent les miennes quand, il y a quelques mois, j’ai eu la chance de découvrir ce qui n’était alors encore que le projet « Tivoli ».  Et quel impact elle a sur le monde des collectionneurs horloger.

Vacheron Constantin

Tout d’abord, je tiens à exprimer mes plus sincères félicitations. J’ai le plus grand respect pour le collectionneur anonyme qui, conjointement avec la direction de Vacheron Constantin et son équipe d’horlogers talentueux, s’est embarqué dans cette aventure de près de dix ans. Combien d’entre nous peuvent sans réserve affirmer avoir une fois dans leur vie accepté d’attendre près d’une décennie la livraison d’une commande ? On peut bien patienter quelques mois pour un costume sur mesure, un bijou ou une œuvre d’art. Parfois même plus d’une année pour une nouvelle maison. Mais attendre plus de huit ans ? De telles réalisations ne sont possibles que si le projet n’est justement pas qu’un simple projet, mais une véritable mission. Et savoir qu’il existe quelque part un collectionneur et une prestigieuse manufacture horlogère qui, ensemble, ont écrit une page de l’histoire de l’horlogerie me remplit de joie.

Deuxièmement, la création de la Référence 57260 prouve que les montres, ou disons plutôt les montres mécaniques fabriquées à la main,  ne sont pas seulement estimées pour leur valeur pratique, mais, plus important, sont considérées comme des œuvres d’art, dignes d’être exposées au même titre que des toiles de maîtres, des sculptures, du beau mobilier ou des voitures anciennes.

Troisièmement, la genèse de cette super complication me rappelle la façon dont ont été fabriquées les plus belles montres des XVIIIe, XIXe et début du XXe siècle. La compétition que se livraient leurs commanditaires renforce encore le mythe qui entoure ces trésors. La Référence 57260 rejoint désormais d’autres pièces historiques conçues par les plus grandes manufactures horlogères européennes, qu’elles soient basées à Londres, Paris, Glashütte, Le Brassus ou Genève, et qu’elles existent encore aujourd’hui ou pas.

Cinq jours plus tard seulement, le 22 septembre pour être précis, une des plus belles  montres de collection au monde était vendue aux enchères. La « Churchill Victory Watch », une montre unique revêtant une grande importance historique, fabriquée par Louis Cottier et Agassiz & Co, fut offerte à Noël 1945 à Winston Churchill, premier ministre du Royaume-Uni.
Si vous demandez à cent collectionneurs la raison de leur passion pour les montres, leurs réponses tourneront immanquablement autour de la fascination pour la mécanique, le savoir-faire, les finitions, le design, la fonctionnalité, l’exclusivité et le prestige. Si vous interrogez maintenant un collectionneur de montres anciennes, une nouvelle dimension surgit, où entrent en scène les notions de temps et d’histoire. La montre acquière une dimension émotionnelle supplémentaire et un nouveau niveau de rareté dû à la faible quantité de pièces produites dans le passé.

Churchll

La « Churchill Victory Watch » peut entrer en lice dans toutes les disciplines « olympiques » de l’horlogerie. Entièrement fabriquée à la main,  elle séduit les amateurs de mécanique complexe grâce à son ingénieux mécanisme heures du monde inventé par Louis Cottier. En même temps, elle ravit  ceux qui recherchent d’abord un aspect extérieur esthétiquement beau, artistique et même unique. Le cadran en émail exécuté par la Maison Stern est une incroyable œuvre d’art, et le disque interne du cadran vaut à lui seul le prix d’une petite maison. Mais c’est sur le terrain de la provenance et de la signification historiques que cette pièce s’avère imbattable. Aucun événement du XXe siècle n’a eu plus d’impact sur le développement futur de toute la planète que la victoire des forces alliées sur le régime nazi. En outre, personne n’a plus œuvré pour cette victoire que les quatre dirigeants alliés, à savoir le Président Truman, le Général De Gaulle, le Maréchal Staline et le Premier Ministre Churchill. Chacun d’eux reçut en décembre 1945 une montre unique heures du monde, offerte en signe de reconnaissance et de gratitude par un groupe de citoyens genevois.

La liste des superlatifs qualifiant ce garde-temps est quasiment inégalable. Je n’ai donc pas été surpris quand son estimation avant-vente – presque une plaisanterie – fut très rapidement dépassée. Adjugée pour près d’un demi-million  de livres anglaises,  cette montre historique de collection a illuminé un deuxième jour de septembre.
Et donc, si le dicton des paysans suisses allemands  se révèle exact,  le monde des collectionneurs horlogers peut envisager une magnifique saison automnale,  douce, ensoleillée et légèrement ventée. Personnellement, je pense que les paysans ont raison.

 

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Vacheron Constantin