1. Un contemporain de Breguet et de Moinet
Nicolas Mathieu Rieussec est né à Paris en 1781. On sait bien peu de choses sur l’homme, si ce n’est qu’il aurait exercé rue du Marché-Palu à Paris. Palu en vieux français signifie « bourbier, marais ». C’est d’ailleurs de là que vient le mot « paludisme ». Cette rue était dans le quartier de la Cité, où se trouvait également le Quai de l’Horloge, résidence d’un certain Abraham-Louis Breguet. Les deux hommes n’ont probablement pas collaboré. Rieussec a inventé le chronographe, Moinet le chronomètre, invention sur laquelle Breguet choisit de se concentrer. Rieussec allait devenir Horloger du Roi, Breguet Horloger de la Marine.
2. Affinités pendulaires
Si Rieussec est mondialement connu pour son chronographe inventé en 1821, il l’est moins pour ses pendules. Elles constituèrent pourtant la part la plus importante de son travail, engagée lorsqu’il fut nommé Horloger du Garde-Meuble de la Couronne. Il en livra de somptueux exemplaires au Duc de Bordeaux et au château de Saint-Cloud. Il put bénéficier d’une reconduction en tant qu’Horloger du Roi sous Louis XVIII, son frère Charles X, puis Louis-Philippe – une rare longévité sous différents régimes (Restauration puis Monarchie de Juillet).
3. La frénésie des courses
Le célèbre chronographe de Rieussec a été conçu pour mesurer le temps de courses de chevaux, en 1821. Ce que l’on sous-estime souvent est l’importance de ces courses. En ce temps, le Champ de Mars accueillait quatre courses...par jour ! Ce sont les sommes engagées sur chacune d’elles qui firent pressant le besoin d’avoir un chronométrage précis, en raison des enjeux financiers d’une bourgeoisie enivrée par ces sports équestres. Rieussec fut le premier à saisir l’intérêt d’un chronométrage précis : son chronographe mesurait déjà le 1/5ème de seconde, une précision rare pour l’époque.
4. Une longue histoire du chronographe
Comme toutes les inventions, celle de Rieussec s’est inscrite dans une trajectoire d’innovations étendue sur plusieurs décennies. Dès 1777, Jean Moïse Pouzait avait élaboré une montre de poche avec aiguille des secondes indépendante, pouvant être arrêtée, consultée et redémarrée à loisir. Toutefois la remise à zéro n’existait pas et ses heures et minutes continuaient à avancer pendant l’arrêt de la seconde ! Adolphe Nicole inventa ensuite la remise à 12h de l’aiguille des secondes, grâce à ce composant en forme de cœur toujours utilisé de nos jours (brevet 10348 du 14.10.1844). Toutefois, cette invention majeure de l’horlogerie ne sera concrétisée qu’en 1862 (par Henri Féréol Piguet, collaborateur de Nicole & Capt, autrement dit d’Adolphe Nicole lui-même). Rieussec travailla dans le même temps à la miniaturisation de son procédé, une montre de poche chronographe, avec également des pointes à encre.
5. 2008, l’hommage Montblanc
Le premier chronographe « Nicolas Rieussec Monopusher » est présenté par Montblanc le 7 avril 2008, lors du SIHH. Aujourd’hui, l’appellation « Monopusher » n’est plus utilisée. Cette toute première édition était limitée à 300 pièces : 25 en platine, 75 en or gris, 75 en or jaune, 125 en or rouge.
6. Un calibre d’une rare ingéniosité
Le chronographe Nicolas Rieussec a toujours été équipé, toute sa vie durant, d’un calibre manufacture MB R X00 (100 ou 200), décliné en plusieurs variations. Si son visage est aujourd’hui familier, il ne faut pas oublier ses deux grandes spécificités : ses compteurs à 4h et 8h sont particulièrement excentrés, ayant de fait exigés une construction de cames sur mesure pour actionner une roue à colonne qui est, elle, située à 9h. Autre fait remarquable : ce sont les compteurs de chronographe qui tournent, alors que leurs aiguilles sont fixes, comme dans l’original de Rieussec.
7. Le passage de manuel à automatique
Beaucoup l’ignorent mais le tout premier Rieussec était doté d’un remontage manuel. Ce fut le calibre MB R 100. Cela dit, la version automatique avait été prévue dès sa conception. Lorsqu’elle fut introduite sous le nom MB R 200, un certain nombre d’adaptations ont dû être faites, comme la bascule de la date à 3h. C’est notamment à cela que l’on peut aujourd’hui reconnaître au premier coup d’œil un Rieussec automatique. Autre fait intéressant : en 2010, le MB R 100 a adopté un échappement silicium. Ce sera sa seule année d’exploitation. Le MB R 200 est ensuite apparu et ne l’a jamais mis en oeuvre. Depuis, le calibre historique manuel, MB R 100, n’est plus utilisé ni développé.
8. Et demain ?
En 2011, Montblanc fêta les 190 ans de l’invention de Rieussec par un modèle anniversaire, limité à 305 pièces dans trois exécutions différentes. Cette année, 2018, aucun modèle anniversaire ne fut présenté pour les 10 ans de la collection Rieussec. Ce sera probablement en 2021 qu’aura lieu la prochaine évolution majeure de la collection, avec les 200 ans de l’invention de Rieussec, reconnue officiellement par l’Académie des Sciences le 15 octobre 1821. La manufacture confesse « avoir déjà des idées ». Le brevet ne fut toutefois attribué que l’année suivante, le 9 mars 1822...
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