Les métiers de l'horlogerie

8 minutes read
Parcours et portraits
Pour la troisième année consécutive, cinq femmes à l'expérience aussi forte qu'originale se mettent à nu pour Lady GMT, en évoquant les diffi cultés à surmonter et en offrant quelques conseils à celles qui souhaitent se lancer dans leur profession.

Yacine Sar

Chargée de Communication UrwerkMétiers_324845_0

Arrivée de Dakar en Suisse à l'âge de deux ans elle suit une éducation stricte chez les religieuses. Plutôt réservée et complexée par sa couleur de peau elle se passionne pour l'écriture et la langue française. Elle se rêve maîtresse d'école mais admire aussi son père qui parcourt le monde pour défendre des causes environnementales. Yacine se lance dans des études de Sciences Politiques et d'Histoire, elle fera ses débuts en tant que pigiste et sera chargée de communication pour l'agence de la francophonie. Elle évolue rapidement en passant par les Nations Unies et le CICR où elle sera chargée de projets pendant quatre ans. Epuisée par le sentiment de «ramer dans le vide», elle se dirige vers le domaine privé à la recherche de résultats plus tangibles. Forte de plusieurs expériences, Yacine débute dans l'horlogerie par la grande porte, chez F.P.Journe. Elle touchera à toutes les facettes de la communication et apprendra énormément aux côtés de François Paul Journe qui lui transmet sa passion. La jeune femme s'est toujours laissé porter par les rencontres et, en 2006, lorsqu'elle elle fait la connaissance de Felix Baumgartner, elle est immédiatement séduite. Chez Urwerk, elle se sent totalement libre «les montres sont tellement hors du commun que tout est permis». Yacine avoue en souriant qu'aujourd'hui le fait d'être black est un réel atout pour elle car les journalistes du monde entier se souviennent d'elle. Aux jeunes femmes qui souhaitent se lancer dans la profession, elle suggère de ne pas trop se prendre au sérieux. Quand on lui demande de se projeter dans 10 ans, elle confi e vouloir retourner dans l'humanitaire un jour car c'est là où les gens sont le plus ouverts sur le monde et ont une soif d'apprendre insatiable.

Jasmina Steele

Directrice internationale de la Communication et des Relations Publiques Patek PhilippeMétiers_324845_1

Femme de poigne qui n'a plus sa réputation à faire dans l'horlogerie, Jasmina a tissé sa toile très jeune. Elle fait ses écoles dans la région romande et au lycée français de Munich. Enfant, elle s'imagine styliste, infl uencée par sa mère qui a fait carrière dans la communication chez Dior. Son bac en poche, elle débute dans le département pub de la licence Dior Montres en Suisse. Avec une marque couture dans l'horlogerie, Jasmina concilie son attrait pour la mode et son admiration pour les garde-temps, ayant grandi avec un père collectionneur et restaurateur de montres de poche à ses heures. Après deux années d'apprentissage et forte d'un CFC de Publicitaire de la SAWI, elle se lance dans un nouveau défi chez Manufacture Jaeger-Lecoultre. Elle occupe le poste de responsable communication pendant huit ans et contribue à l'ascension de la marque. Jeune mariée, l'appel de phare de Patek Philippe coïncide avec sa volonté de revenir à Genève mais aussi à la consécration de sa carrière. La marque est à ses yeux une finalité dans une carrière horlogère. Elle y est depuis 12 ans et compte bien y rester.

Jasmina construit véritablement les relations publiques pour la marque à l'aube du boom de la presse horlogère. Sa passion pour le «côté technique» déjà allègrement alimentée chez Jaeger-LeCoultre prend ici sa pleine dimension. Elle va à la rencontre des techniciens, des horlogers et s'intéresse méticuleusement à leurs défis. Appréhendée comme une citadine au départ, elle se fait respecter en traduisant la passion des artisans à l'extérieur. Mère d'un fils de 9 ans, elle a dû faire des choix et s'organiser pour passer du temps avec ceux qu'elle aime sans pour autant faire de concession sur le plan professionnel. Pour Jasmina, la clé du succès c'est de trouver un domaine qui fascine et avoir un réel intérêt pour le produit. Elle relève aussi une qualité essentielle, la patience, dont elle a su faire preuve tout au long de sa carrière.

Béatrice Rouhier

Directrice Marketing et Communication BertolucciMétiers_324845_2

Elle a de l'énergie à revendre et foisonne d'idées, cette jeune femme de 32 ans se veut ambitieuse de la vie. Enfant d'une famille nombreuse, elle s'imagine femme au foyer et mère de huit enfants. Sans véritable passion après son bac, Béatrice entame des études techniques. Ses professeurs voient en elle l'espoir d'un jeune talent et la poussent à poursuivre avec une école d'ingénieurs. Elle se laisse guider et devra se faire une place dans un monde résolument masculin. Parallèlement à sa formation, Béatrice mène de nombreux projets, elle monte entre autres une comédie musicale, crée un logiciel de simulation d'atelier de production et effectue des stages dans la production automobile. Elle fi nira par obtenir un stage de fi n d'études chez Usifl amme (Cartier) à Fribourg. Ambitieuse et particulièrement attachée à la Suisse, elle relève tous les défis.

Après avoir réorganisé des ateliers, elle a en charge le projet de la nouvelle manufacture Piaget. Elle évolue à la tête du bureau des méthodes et industrialisation; seule femme, elle est surtout victime de son âge et doit doublement faire ses preuves. Sa soif d'apprendre la mène vers le marketing, elle entame donc un master. Après 5 années passées chez Piaget, elle poursuit chez Tag Heuer au département produit. Deux ans plus tard, Béatrice souhaite rejoindre Genève avec un projet d'envergure, elle accepte donc un nouveau challenge chez Bertolucci. C'est enfi n l'occasion pour elle d'utiliser pleinement ses capacités de technicienne et de créative. Tout est à construire au niveau produits et communication, et elle s'y donne à coeur joie depuis deux ans! Elle passe aussi son brevet de pilote et donne des cours sur le marketing du luxe. Mais lorsqu'on lui demande où elle s'imagine dans 10 ans, elle sourit et réplique «propriétaire d'un salon de thé où les gens se sentent bien et où ils pourront acheter tout ce qui les entoure». Affaire à suivre…

Alexandra Darier

Créatrice de BijouxMétiers_324845_3

Cette pétillante jeune femme à plus d'une corde à son arc. Enfant déjà elle était farouche et passionnée par les chasses aux trésors, elle s'imaginait archéologue. Après des études de Sciences Politiques à Genève, elle décide d'approfondir sa fascination pour le monde des bijoux en suivant des cours de design sur les pierres précieuses au GIA (Gemmological Institute of America) à New York. Souhaitant allier sa vive curiosité et son imagination débordante à sa volonté de créer, son rêve prend forme et semble une évidence. Après quelques brèves expériences chez Christie's et chez un marchand de pierres, elle voyage et puise son imagination aux quatre coins du monde tout en développant un solide carnet d'adresses. A son retour, la jeune femme lance sa propre marque de bijoux en 2006 sous le nom «Alexandra Darier».

Sa première collection, «Bohème», est composée de pièces de nacre gravées, une adaptation d'un ancien jeu chinois repéré lors d'un voyage en Arizona. Depuis deux ans, Alexandra boit du petit lait et gère sa petite entreprise, de la conception d'un bijou à la réalisation de celui-ci, elle va à la rencontre de tous les corps de métiers. Elle crée sans cesse de nouvelles pièces sur mesure et étoffe ses deux collections en vente dans les boutiques sélectionnées avec soin à Genève, Paris, Megève et bientôt Los Angeles, New York et Milan. Sa féminité lui a ouvert de nombreuses portes et est souvent un atout, à l'exception de certains pays où les négociations sont plus diffi ciles lorsqu'on est une femme. Aux débutantes elle conseille avant tout de s'armer de patience et de garder la tête froide. A 29 ans, Alexandra a désormais conscience qu'elle ne peut pas tout gérer et qu'il faut savoir s'entourer des bonnes personnes afi n de concentrer ses efforts sur ses passions et son savoir-faire. La jeune femme lance deux superbes nouvelles lignes cet automne, à ne pas manquer!

Dominique Baron

Directrice Atelier Emaillage Stern CréationsMétiers_324845_4

L'histoire de l'émaillage genevois est peuplée de femmes qui font de leur savoir-faire un secret d'état. Dominique, elle, fait fi gure d'exception en souhaitant transmettre le fruit de ses longues recherches et techniques acquises au fi l des ans. Originaire du Jura français, jeune enfant déjà elle n'aimait que dessiner. C'est donc tout naturellement qu'elle poursuit des études artistiques et obtient sa Licence en Arts Plastiques. Elle donne rapidement naissance à deux petits garçons auxquels elle se consacre pendant trois ans tout en donnant des cours de peinture et de dessin. Dominique découvre une formation d'émailleur d'art sur métaux dans l'école où elle enseigne, et la débute. La jeune femme s'enthousiasme et effectue son premier stage chez Manufacture Jaeger-LeCoultre qui décide de l'embaucher six mois plus tard. Elle élargit ses connaissances et sera responsable du contrôle qualité joaillerie pendant quatre ans.

C'est en 2000 que Dominique rencontre Carlos Dias qui lui propose de créer un atelier d'émaillage pour Roger Dubuis. Elle quitte la Vallée de Joux et commence ses recherches techniques pour adapter son travail aux formes des cadrans, elle s'acharne, dessine, teste et engage deux personnes qu'elle forme. Bref, elle a carte blanche et s'éclate en lançant plusieurs collections. Quatre ans plus tard, Dominique accepte un nouveau challenge chez Delaneau où elle ira encore plus loin dans la recherche de techniques et de détails dans la peinture miniature sur cadrans et bijoux. Elle travaille en parallèle pour Stern Créations un jour par semaine et crée une formation émaillage qui débouchera sur un atelier. Forte de ses expériences, elle goûte à l'indépendance quelque temps et décide fi nalement de prendre en charge l'atelier qu'elle a créé, au printemps 2008. Notre émailleuse a les yeux qui brillent lorsqu'elle évoque sa passion pour l'émaillage et pour la transmission de son savoir-faire. Un seul conseil qu'elle souhaite transmettre en se référant à Stendhal: «la vocation c'est avoir pour métier sa passion»!CAROLE KITTNER Métiers_324845_5Hiver 2008-2009
Marques