Où va le marché ? Alea jacta luxe...

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Optimisme mesuré ou excessif, le luxe continue de fasciner par la part d'irrationnel qu'il recèle et par l'effet placebo qui agit sur nos âmes quelquefois flétries par le spleen. Un éditorial de Dominique Cuvellier pour Trendmark.
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PERSPECTIVES : Où va le marché ? Alea jacta luxe...

Optimisme mesuré ou excessif, le luxe continue de fasciner par la part d'irrationnel qu'il recèle et par l'effet placebo qui agit sur nos âmes quelquefois flétries par le spleen. Un éditorial de Dominique Cuvellier pour Trendmark.

Alors que la récession guette nos économies mises à mal par la crise énergétique, l'explosion du prix des matières premières et par ricochet la morosité des consommateurs emportés par la montée inéluctable des eaux inflationnistes, les industries du luxe semblent se porter comme un charme. Dans ce secteur, l'année 2007 a connu une croissance de 10% en moyenne, et pour l'année en cours, le chiffre d'affaires de la plupart des marques devrait croître de 4 à 5%. C'est moitié moins, mais c'est inespéré dans un contexte d'effritement général. Tous les analystes ne partagent pas cette performance escomptée tablant sur un recul plus net du marché, alors que d'autres prévoient une hausse plus forte comprise en 8 et 12% par an jusqu'à l'horizon 2012. Bernard Arnaud, le patron du groupe LVMH, prédit même un doublement des ventes du secteur d'ici à cinq ans de 190 milliards d'€ aujourd'hui (hors automobile et tourisme) à 380 milliards d'€ ! À suivre… Optimisme mesuré ou excessif, le luxe continue de fasciner par la part d'irrationnel qu'il recèle et par l'effet placebo qui agit sur nos âmes quelquefois flétries par le spleen. Dans un livre récent co-écrit par Michel Chevalier et Gérald Mazzalovo, Management et Marketing du Luxe aux éditions Dunod, Françoise Montenay, la très redoutée et très redoutable Présidente du conseil de surveillance de Chanel, écrit dans la préface : “Acheteur puis consommateur, le client du luxe n'est ni un concept, ni une catégorie, c'est un être humain qui rêve et achète du luxe pour un nombre incalculable de raisons plus ou moins avouées et toutes mélangées : statut, récompense, séduction, plaisir, bonheur, amusement, liberté, relations avec les autres, accès à la création, au bon goût, surprise, confort, désir d'être et d'acheter unique, différent, et aspiration à un suprême bien-être”. La poussée irrésistible des produits de luxe tient en deux raisons majeures : le nombre croissant de nouvelles fortunes dans les pays émergents, avides de consommer les signes ostentatoire de leur richesse naissante ; et la demande exponentielle de produits “spirituels” dans les classes moyennes (montantes dans les pays émergents, épanouies dans les pays développés) à la recherche de sens, d'une certaine authenticité, d'une rencontre symbolique avec des marques narratives, historiques, charnelles, intenses.Ad vitam aeternamLe luxe est aussi et surtout le véhicule d'expression sociale rêvé pour des individus “me-centric” qui ont compris comment manipuler les marchés et qui gèrent leur consommation entre des achats utilitaires en “access price” et des achats émotionnels en “premium price”. Pour reprendre les propos d'Adrian J. Slywotsky du cabinet de conseil Mercer : “Ils se métamorphosent ‘d'acheteurs de produits' en ‘acheteurs de valeur' en ‘acheteurs de prix' vice-versa. Leurs priorités passent de la ‘qualité' au ‘prix', de la résolution d'un problème' au ‘style' ou à la ‘marque'”. * Les entreprises du luxe ont bien saisi (pour les plus performantes) l'importance de cet objectif de création de valeur. Elles savent s'imposer en chargeant leurs productions stylées de signes référents et en posant les labels comme des trophées inspirés, puisant dans une mythologie merveilleuse pour écrire des histoires de marque crédibles et romancées à la fois. Point n'est besoin d'être une marque de luxe pour adopter une stratégie incarnée et créer le désir. Dans toutes les catégories de produits, il est possible de développer un système de production de sens. À une différence près, seules les marques de luxe n'ont pas à batailler sur les prix : un produit de luxe est cher, un produit de luxe est rare, un credo accepté par tous les consommateurs et les non-consommateurs de luxe (qui s'en offusquent quelquefois). Mais pour élargir leur base de clientèle fortunée et se rendre accessibles au plus grand nombre (pour ne pas dire au monde entier) dans l'objectif clair de faire du volume, elles ont su jouer avec le curseur des prix en proposant des articles à moins de 80 € (un parfum par exemple) sans se dénaturer. Le N°5 de Chanel pourtant vendu à des millions d'exemplaires depuis des années, parfum banalisé s'il en est, demeure une pièce constitutive de la galaxie de la marque sans perdre de son intégrité de produit de luxe. Et sans galvauder son âme de produits de luxe, ad vitam aeternam.
* Cité par Patrick Lecercle, président de l'agence Momentum France, dans son opus “8 règles pour une communication efficace à l'usage des temps difficiles”. www.acceleronslefficacite.comDominique Cuvillier INDUSTRIE_320196_1SOURCE : Trenmark.fr (liquez sur le parfum de Mlle Kidman, ci-dessus)...
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