Baselworld 2014: les derniers mots de Jack

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Baselworld 2014: Jack’s final words - TAG Heuer
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La biographie de Jack Heuer n’est pas que le récit de sa vie aventureuse; c’est aussi un tour d’horizon historique de l’industrie horlogère et des montres TAG Heuer les plus emblématiques. Rencontre avec Jack Heuer.

C’était la première édition de Baselworld de Stéphane Linder en tant que CEO. La Monaco V4 Tourbillon a valu à Guy Sémon quelques louanges de plus pour son travail à la tête du département de haute horlogerie. Et l’on a appris qu’une campagne publicitaire d’envergure, avec Cristiano Ronaldo comme nouvel ambassadeur de la marque, était sur le point d’être lancée. Mais pour TAG Heuer, la star était à nouveau Jack William Edouard Heuer : lui, dont la perspective historique est toujours prisée des médias, lui, la légende vivante avec laquelle tout détaillant veut être pris en photo. Et plus encore cette année, car c’était sa dernière participation à la foire, et il n’était même pas censé être là.

 

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Jack devait prendre sa retraite après son 80ème anniversaire, en 2012, mais les célébrations du 50ème anniversaire de la Carrera en 2013 l’ont différée. Puis un accident de ski a contraint TAG Heuer à annuler l’événement qui, en janvier dernier, devait combiner la présentation officielle de sa biographie et ses adieux. Tous deux ont finalement eu lieu à Baselworld, où j’ai rencontré l’homme que j’appelle « le père du chronographe de sport moderne ». Depuis qu’il est revenu sur le devant de la scène horlogère en tant que président d’honneur de TAG Heuer en 2002, je l’ai interviewé une vingtaine de fois. Voici quelques avis et confidences qu’il a partagés avec nous durant notre dernière conversation à propos de son livre « The Times of My Life ».

 

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La crise du quartz
"Pendant la crise,  je peux affirmer que l’industrie horlogère suisse a exporté 30 millions de mouvements, des mouvements complets à roues de balancier entièrement assemblés à Hong Kong. Cela représentait la moitié de la production et l’industrie horlogère suisse a perdu 50'000 emplois en même temps. Donc le quartz n’était pas seul en cause, et je le prouve dans mon livre. Nous avions un an de retard sur les Japonais dans la production de mouvements à quartz, on ne coule pas à cause de cela. Ce qui nous a tués, c’est lorsque les Japonais ont arrimé le yen au dollar. La Suisse avait commencé son business avec un dollar à 4,33 CHF et d’un seul coup un dollar ne valait plus que 1,33 CHF. Du jour au lendemain nos prix aux Etats-Unis ont plus que triplé."

 

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Le rêve américain
"J’ai fait des études d’ingénieur. J’ai accepté de rejoindre l’entreprise familiale parce que cela représentait un défi, en particulier la conquête du marché américain. Je suis allé là-bas à 22 ans pour y ouvrir une filiale, et j’ai été fasciné par les Etats-Unis. J’ai beaucoup appris. Le mot marketing n’existait même pas encore en Europe. A mon retour, j’étais en avance sur tout le monde en matière de marketing."


Un pionnier du sponsoring
"Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour développer le mouvement chronographe automatique que nous avons introduit en 1969. Alors, quand vous détenez le produit dont le marché mondial a besoin mais que vous n’avez pas d’argent pour l’annoncer – parce que nos budgets publicitaires étaient très limités – que faites-vous ? Un ami a suggéré que nous sponsorisions Jo Siffert et j’ai pensé que c’était une très bonne solution, parce que la Formule 1 est suivie dans le monde entier et couvrait tous nos marchés clés. Nous nous sommes engagés dans la Formule 1 et c’est ainsi que nous avons mis la marque sur orbite : c’était si chic d’avoir une Heuer à l’époque que les gens mettaient un autocollant sur leur voiture juste pour montrer qu’ils avaient une sorte de contrat avec nous et faire savoir qu’ils avaient une montre. Nous avons distribué 10'000 de ces autocollants."

 

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Un ingénieur et la Carrera
"J'ai pu appliquer mon savoir-faire d’ingénieur à la lisibilité des cadrans. J'ai étudié les cadrans analogiques, établi des règles très claires en matière de design et je les ai utilisées pour la Carrera. Aujourd’hui encore, nous nous servons de ces mêmes règles, assez simples, pour presque toutes les montres TAG Heuer. Je n’aurais jamais imaginé que la Carrera puisse avoir autant de succès après toutes ces années. Mais je dois dire qu'une Carrera d’il y a cinquante ans est encore une montre magnifique. Je suis fier de moi. J’ai commis beaucoup d’erreurs, mais j’ai fait des choses bien, et la Carrera en est une. Ma montre favorite dans l’histoire de Heuer est la Carrera tout en or que nous offrions à nos pilotes ; j’aimerais pouvoir dire que le nom et le groupe sanguin du pilote étaient gravés au dos, mais j’ai retiré cette anecdote de mon livre parce que nous n’avons pas pu trouver une seule montre portant le groupe sanguin – peut-être est-ce sorti de mon imagination, 30 ans après !"

 

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De la précision au statut de symbole
"Lorsque j’ai terminé le livre, il m’est apparu évident qu’à mon époque nous nous battions pour la précision des montres. Le président du conseil d’administration était furieux contre moi parce que son chronographe retardait d’une minute et qu’il avait raté le train pour venir assister à la réunion du conseil. Et aujourd’hui les gens trouvent cela normal de devoir régler une montre bracelet mécanique une fois par semaine en utilisant leur téléphone ou leur ordinateur portable. Dans les magasins, plus personne ne demande « cette montre est-elle précise ? ». Les gens disent « oh! Elle est belle!». Ils demandent si elle est étanche et quelle complication elle possède. Actuellement, tout le monde s’habille de façon très similaire ; il est assez difficile de se distinguer des autres, et une montre demeure un très bon moyen d’y parvenir. La montre est un signe discret mais éloquent de votre statut financier et de votre niveau intellectuel. Et je suis presque sûr qu’il en ira toujours ainsi."
 

Les rencontres les plus intéressantes
"Parmi toutes les personnes que j’ai rencontrées dans ma vie et durant ma carrière, les plus intéressantes ont sans conteste été les pilotes de Formule 1. Un pilote de course des années 70 avait toujours un pied dans la tombe, il ne savait pas le samedi soir si le dimanche il célébrerait la victoire ou s’il serait mort. C’était un sport dangereux à l’époque et nous en avons perdu quelques-uns : Jo Siffert, Ronnie Peterson, Clay Regazzoni; quant à Niki Lauda, il a été brûlé. C’était à chaque fois un crève-cœur. Ils vivaient plus intensément que les pilotes actuels; ils étaient plus authentiques et plus originaux."

 

Et un dernier cadeau de Jack Heuer aux lecteurs de WorldTempus: 

téléchargez: The Times of My Life

 

Baselworld 2014: les derniers mots de Jack


 

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