Interview d'Elie Bernheim

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Interview with Elie Bernheim - Raymond Weil
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Lors de l’un de nos entretiens réguliers pour faire le point, le CEO de Raymond Weil s'est montré optimiste sur les affaires en général, mais beaucoup moins sur le Brexit.

Quelle a été votre réaction après avoir annoncé votre décision à Baselworld l’été dernier ?
Nous avons effectué une sorte de mini révolution à l’interne. Tout notre cycle de planification et de production avait toujours été organisé autour de Baselworld. C’était le moment de l’année où nous présentions nos nouveaux produits et partenariats. Donc tout à coup nous avons dû nous adapter rapidement pour être prêts début janvier.

Contrairement à d’autres marques, nous ne profitons pas simplement du SIHH pour accueillir revendeurs et journalistes parce qu’ils sont déjà là pour le SIHH. Nous organisons notre propre séminaire et invitons nos principaux distributeurs et quelques importants détaillants à passer 48 heures avec nous. J’ai décidé de le faire en janvier car j’ai toujours pensé que c’était le moment idéal. C’est le début de l’année et cela nous donnera un très bon aperçu de l’année à venir et une meilleure idée de notre carnet de commandes. A Baselworld, du temps que nous ayons enregistré toutes les commandes, il était presque impossible d’adapter le cycle de production. Maintenant, en fonction des retours que nous avons à propos de nos produits et de la période de lancement, je peux envisager d’adapter la production au troisième et quatrième trimestre de cette année, par exemple.

Organiser nous-mêmes ce séminaire nous a aussi permis de faire venir des orateurs pour parler de sujets comme le numérique et le e-commerce, une des choses qui manquaient à Baselworld à mon sens. Cela signifie également que j’aurai les clients pour moi durant deux jours entiers. La différence en temps qualitatif est considérable comparé à Baselworld. Nous tiendrons aussi le séminaire à l’extérieur de Genève, assez loin de la ville pour que nos clients ne soient pas tentés de partir et de voir quelqu’un d’autre.

Un des aspects qui est en train de changer est l’importance de la nouveauté. Il y a quelques années, nous pouvions nous appuyer sur la loi de Pareto, qui nous indiquait que 20% de nos produits compteraient pour 80% de nos ventes. Donc nous savions que quoi que nous produisions, nous aurions au moins cette garantie. Cela n’est plus vrai. La demande de nouveaux produits est constante. Les gens voient des montres sur internet et les veulent immédiatement. Si vous n’alimentez pas vos fans en permanence, ils vont perdre de l’intérêt pour la marque. Si nous commencions à communiquer en avril, nous aurions perdu quatre mois de l’année. Grâce à notre nouvelle organisation, nous avons un plan qui couvre toute l’année.

Qu’avez-vous pensé lorsque vous avez appris que le SIHH et Baselworld auraient lieu l’un après l’autre l’an prochain ?
Évidemment, ce serait stupide de dire que nous ne changerions jamais les choses, mais il y a trois raisons pour lesquelles j’ai organisé ce séminaire : je voulais un meilleur contact avec mes clients, une meilleure présence numérique (e-commerce) et avoir mes clients seulement pour moi. Je veux la qualité et un retour sur mon investissement.

S’il y a de vrais grands changements et une authentique innovation à Baselworld, je pourrais envisager d’y retourner. Mais, pour l’instant, je n’ai pas vraiment vu de signes de cette nature. Ce qui m’a le plus surpris à propos de cette annonce c’est que les deux événements auront lieu dans la foulée. Je peux comprendre une certaine logique derrière cela, mais un client venant d’Australie, par exemple, doit bloquer 10 jours pour assister aux deux événements. Cela signifie que chacun doit rester plus longtemps et je ne suis pas sûr que tout le monde puisse se le permettre.

Interview d'Elie Bernheim

Baselworld et le SIHH offrent des possibilités de rencontrer des clients tant nouveaux que déjà existants. Cela ne se perd-il pas avec votre séminaire ?
Le plus important pour moi est d’être capable de partager la stratégie de la marque avec nos clients.

Nous avons participé à WatchTime New York en octobre dernier. C’est une exposition relativement modeste, mais elle se développe. Elle a eu lieu sur deux jours et s’adresse tant aux professionnels qu’aux amateurs de montres. Nous pouvons même y faire de la vente et j’ai eu l’occasion de me trouver derrière le comptoir de vente. Nous en avons tiré un bénéfice exceptionnel et c’est presque comme retourner 50 ans en arrière, à l’époque où mon grand-père avait pour habitude d’organiser ses mini expositions. On a l’impression que quelque chose se passe et je crois que nous allons, en tant que marque, nous tourner davantage vers ces expositions locales prestigieuses. Elles sont très intéressantes.

Si je compare avec Baselworld, à l’époque de mon grand-père, cela représentait une part importante des revenus annuels de l’entreprise. Ce n’est plus le cas et c’est devenu de plus en plus cher de participer à l’exposition. Nous avons dû nous demander si l’argent pourrait être mieux investi ailleurs. Le séminaire que nous organisons nous coûte 15 fois moins que notre participation à Baselworld ! Alors peut-être que je pourrais en organiser un deuxième ou un troisième, ou des mini expositions locales. Il y a de nombreuses possibilités.

Tous ces changements intervenus durant l’année écoulée ont-ils eu un impact sur les affaires ?
Non, zéro impact. Le fait que des marques ont quitté Baselworld n’a eu aucun effet sur les affaires. Il est intéressant de noter que j’ai hésité durant quelques semaines avant de prendre la décision de quitter Baselworld. J’en ai parlé avec mon équipe et avec nos partenaires parce que l’exposition est aussi pour eux. Mais ils ont tous dit qu’ils préféraient que j’investisse l’argent ailleurs parce que les retours étaient meilleurs. Je suis fier de faire partie d’une entreprise familiale indépendante avec des bases solides. Je dois penser aux conséquences de tout ce que je fais.

Alors comment étaient les affaires en 2018 et quelles sont vos prévisions pour cette année ?
2018 n'a pas été une année extraordinaire, mais elle a été meilleure que je ne m’y attendais. Notre croissance a été soutenue par le business aux États-Unis, qui est notre marché principal. Les ventes là-bas ont été excellentes, particulièrement à la fin de l’année. Je suis relativement confiant à propos de 2019. En examinant les chiffres, j’ai le sentiment que les choses bougent. Légèrement seulement – je ne parle pas d’une croissance à deux chiffres – mais c’est un signe positif néanmoins.

Et que dites-vous du Brexit ?
Je suis très inquiet et particulièrement préoccupé par le fait que la situation traîne et que personne ne sait réellement où tout cela va mener. Nous n’avons pas connu une année exceptionnelle au Royaume-Uni, qui est notre deuxième plus gros marché et un pays où notre part de marché est importante. Ce n’était pas en termes de ventes aux clients finaux, mais en termes de ventes aux détaillants. Ils ne reconstituent pas leurs stocks parce qu’ils n’ont tout simplement aucune idée de ce qui va se passer. C’est ainsi depuis 6-9 mois, donc plus vite nous y verrons plus clair sur ce qui va se passer, mieux cela vaudra.

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