Interview de Ricardo Guadalupe

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Interview with Ricardo Guadalupe - Hublot
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Le CEO de Hublot nous parle de la Coupe du Monde de football, du e-commerce, de la première montre connectée de la marque et de ses perspectives d’avenir.

Comment se porte Hublot ?
Nous avons relativement bien traversé la crise, car nous étions encore en expansion lorsque l’industrie dans son ensemble baissait. Nous avons encore connu une année record en 2017 avec une augmentation de 12% des ventes, mais il y a aussi des explications à cela. Par exemple, la Chine est de loin notre plus grand marché, comme c'est le cas pour de nombreuses autres marques. Nous construisons la marque en Chine depuis plus de 10 ans maintenant et cela commence à décoller avec la nouvelle génération de « millennials » chinois. L’an dernier, l’essor est donc venu de la Grande Chine (Chine, Hong Kong et Macao) où nous avons connu une croissance de 30%, mais en démarrant avec une base beaucoup plus modeste évidemment, puisque la Grande Chine ne compte que pour 9% de nos ventes globales. Notre objectif est de 30%, donc il y a encore beaucoup de potentiel. Le client chinois semble chercher quelque chose de différent et je crois qu’avec la forte identité de nos produits et notre art de la fusion nous sommes bien placés pour les satisfaire.

Comment tentez-vous de séduire le client « millennial », que ce soit en Chine ou ailleurs ?
Je crois que notre concept parle aux « millennials » parce que nos montres les connectent avec le futur plutôt qu’avec le passé. Ce n’est pas spécifique à la Chine, mais au consommateur en général. Si les gens se sentent concernés par ce que nous faisons dans les domaines du football, de la musique ou de l’art, alors cela les attire vers la marque parce qu’ils la perçoivent comme une marque décontractée.

Pensez-vous que Hublot peut être plus facilement au diapason de ce genre de clients qu’une marque vieille de 100 ans ou plus ?
Bien sûr, notre marque étant jeune, nous n’avons pas 200 ans d’histoire, c’est pourquoi nous avons développé notre concept particulier d’art de la fusion. A mon sens, les marques qui reproduisent le passé et ressortent des modèles d’il y a 50 ans sont un problème. Nous avons besoin d’une certaine évolution dans l’industrie, alors pourquoi ne pas utiliser la céramique et le verre saphir pour faire des boîtiers ? C’est une technologie qui existe aujourd’hui, mais qui n’existait pas il y a 50 ans. Pour nous, il était évident de l’utiliser, mais pour des marques remontant à plus d’un siècle ça ne l’est peut-être pas autant.

C’est une année importante pour Hublot avec la Coupe du Monde. Qu’avez-vous prévu et quel impact en attendez-vous pour la marque ?
Lorsque nous avons commencé à nous pencher sur le marketing avec M. Biver en 2004, nous nous sommes demandés quelle plateforme nous pourrions utiliser où nous serions la seule marque horlogère présente. Le golf était déjà utilisé, le tennis aussi, mais nous avons pensé que le football pourrait être un vecteur intéressant pour une marque horlogère. L’expérience a prouvé que nous avions probablement raison ! Tous les quatre ans, nous avons une visibilité énorme de la marque. Lors de la dernière Coupe du Monde au Brésil, sur un mois, nous avons eu 21 minutes de visibilité à la télévision, atteignant une audience cumulée de milliards de personnes. Si les gens reconnaissent Hublot comme une marque de montres, même s’ils ne peuvent pas se permettre de les acheter, c’est déjà une très grande réussite.

L’activation de nos partenariats dans le football nous permet aussi d’offrir une excellente expérience à nos clients. Nous allons inviter environ mille personnes à la Coupe du Monde en Russie et nous organisons un événement de lancement à Baselworld avec un « match de l’amitié ». Il s’agira en outre de la première Coupe du Monde qui connaîtra une audience digitale et en ligne encore plus importante que télévisuelle. Il y aura également douze entraîneurs d’équipes nationales portant des montres Hublot sur les lignes de touches, offrant encore plus de visibilité à la marque.

Interview de Ricardo Guadalupe

Peut-on espérer de nouvelles montres en lien avec la Coupe du Monde ?
Les arbitres porteront une montre Hublot, mais elle sera électronique, une montre connectée développée spécialement pour la Coupe du Monde. Nous dévoilerons cette édition FIFA à Baselworld et n’en produirons que 2018 exemplaires, ainsi qu’une application spécifique dédiée à la Coupe du Monde.

Que pensez-vous de Baselworld cette année ?
Depuis qu’ils ont changé les dates et que Baselworld et le SIHH ont lieu à différentes périodes de l’année, cela a toujours été difficile. Ce serait bien s’ils pouvaient trouver un moyen d’organiser à nouveau les deux événements aux mêmes dates. Ce serait la solution la plus pratique pour nos détaillants. Il n’y aura pas d’impact majeur pour nous à Baselworld cette année. C’était une bonne idée de raccourcir la manifestation de deux jours et je constate une concurrence de plus en plus forte entre les deux événements, mais Swatch Group, Rolex et Patek Philippe soutiennent toujours Baselworld. Les choses seront-elles pareilles dans dix ans ? C’est une autre histoire.

La tendance semble aller vers des designs plus conservateurs, des boîtiers plus petits et des prix plus accessibles cette année. En va-t-il de même pour Hublot ?
Pas vraiment. Il nous faut davantage de modèles sport-chics parce que les gens ne veulent pas nécessairement une Big Bang Unico comme première montre Hublot. Les gens croient que le client chinois recherche des designs classiques, mais ce n’est pas le cas pour le client plus jeune, qui cherche quelque chose d’un peu fou avec une forte identité.

Le commerce en ligne augmente au sein de l’industrie horlogère et il semble y avoir une demande pour cela. Comment voyez-vous le e-commerce pour Hublot ?
Je pense que lorsque les gens cherchent à acquérir une montre sur internet, ils cherchent un rabais. Chrono24 en est un bon exemple. On peut voir des remises de 10-20% et dans certains cas même davantage. Je ne crois pas que dire simplement que vous lancez un site de vente en ligne soit suffisant. Il faut que ce soit une partie d’une solution spécialisée, avec des revendeurs expérimentés, mise en œuvre de façon professionnelle. Si je me contente de mettre une montre en vente sur un site, je ne crois pas que les gens vont l’acheter.

Quelles sont vos perspectives pour la marque ?
Hublot, c’est l’art de la fusion et nous sommes tournés vers l’avenir. Nous travaillons beaucoup sur la recherche et le développement pour les mouvements et les matériaux. Donc il y a une authentique substance horlogère au sein de la marque, malgré notre jeune âge. Nous avons aussi travaillé dur sur l’intégration verticale et continuons à le faire. Nous fabriquons environ 15'000 mouvements Unico par année et nous aimerions atteindre les 30'000, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Nous avons inauguré notre deuxième bâtiment sur le site de Nyon en 2015 et nous avons les plans pour un troisième dans un avenir proche. Ce n’est pas nécessairement pour produire davantage de mouvements, mais pour avoir un degré plus important d’intégration verticale, à la fois pour les mouvements et pour la manufacture des boîtiers. Par exemple, tous nos boîtiers en céramique et en verre saphir, ainsi que tous les modèles associés à des partenariats particuliers, sont fabriqués à l’interne.

Votre travail peut vous amener à devoir assister à un match de football un jour et à un Grand Prix de Formule 1 avec Ferrari le lendemain, ou à tout autre événement dont Hublot est partenaire. En parallèle, vous devez diriger une importante marque horlogère. Vous reste-t-il un peu de temps libre ?
Ma vie privée et ma vie professionnelle sont plus interconnectées que jamais. Même en vacances, par exemple, je suis invité à des cocktails par les détaillants. Le seul moment où je peux vraiment profiter de ma vie privée c’est lorsque je ne voyage pas et que je peux rester chez moi à Lausanne. J’aime cuisiner, alors j’invite juste quelques amis. Ces moments-là sont 100% privés.

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