Il a remarqué que quelques-uns de ses collègues jurés le regardaient avec un peu de dédain. Pourtant il a impressionné votre rédacteur en chef quand, prenant place en face de lui pour répondre à ses questions, il a immédiatement reconnu un chronographe Wyler Genève à son poignet. S’il vous est sûrement plus familier avec son maquillage, Eric Singer, batteur du groupe de rock Kiss, est néanmoins depuis longtemps un fan de montres, bien avant même d’être musicien. WorldTempus s’est entretenu avec lui avant la conférence de presse du GPHG.
Quand est né votre intérêt pour les montres ?
Mon père était musicien sur un paquebot de croisière et il nous rapportait souvent des cadeaux de ses voyages. Un jour, quand j’avais 5 ans, il m’a acheté une petite montre mécanique allemande, que j’ai toujours. Il possédait plusieurs pièces intéressantes, qui m’ont toujours fasciné. Ma famille semblait avoir remarqué que j’aimais les montres car elle m’en offrait sans arrêt en cadeau.
Collectionnez-vous plutôt des montres anciennes ou modernes ?
J’ai commencé ma collection avec des montres vintage, mais maintenant je collectionne de tout. Le marché des montres anciennes a changé avec l’arrivée d’Internet, qui a permis à un plus grand nombre de gens d’acquérir davantage de connaissances. Ce qui s’est révélé un bien mais aussi un mal. Il est devenu plus difficile de trouver des pièces intéressantes. Mais parallèlement, plusieurs marques se sont aussi mises à produire des modèles au look retro. Récemment, je me suis intéressé à nouveau aux montres vintage, mais certaines atteignent des prix exorbitants aujourd’hui.
Que recherchez-vous dans une montre ?
Tout. Aujourd’hui, je porte une Grand Seiko GMT, la montre qui a gagné la Petite Aiguille au GPHG l’année dernière. Je pense qu’elle soutient la comparaison avec n’importe quelle montre suisse, et j’aime toutes les montres bien faites, de n’importe quel style. Cela dit, cette Seiko est bien plus classique que ce que je porte habituellement.
Quelle est votre préférée dans votre collection ?
Sentimentalement parlant, c’est une montre LeCoultre avec triple phases de lune, qui appartenait à mon père. Il m’a dit qu’il l’avait achetée en 1951 pour 150 dollars.
En tant que collectionneur, vos opinions sont-elles en phase avec celles des autres membres du jury ?
Parfois, on en apprend plus en écoutant qu’en parlant. Je suis plutôt bavard mais j'ai décidé que là j'avais besoin d'écouter. Malheureusement, la personne qui m’a fait entrer dans le jury n’a pas pu participer à la réunion des jurés. Je n’avais donc personne pour m’assister et je n’ai pu qu’écouter et apprendre.
Et qu’avez-vous appris ?
J’ai appris qu’il y avait pas mal de figures importantes dans le jury et beaucoup de politique aussi ! Cela fait plus de 30 ans que je travaille dans le monde de la musique, mais avant, j’ai aussi fait d’autres jobs, comme travailler à l’usine et chez un revendeur de voitures, et s’il y a une chose que j’ai apprise, c’est qu’il y a de la politique partout. La même situation peut être vue de façon très différente par plusieurs personnes. C’est même parfois choquant de voir que des gens peuvent voir les choses de façon complètement différente de vous.
Vous avez des goûts très éclectiques en matière de montres. Cela a-t-il été difficile de choisir parmi toutes les montres dans chaque catégorie ?
Il y a un certain nombre de facteurs à prendre en compte, comme nos goûts personnels ou le rapport qualité-prix. Parfois, on pourrait considérer le prix d’un point de vue purement technique ou artistique. C’est intéressant de voir pourquoi les gens aiment ce qu’ils aiment. C’est comme pour la musique : à chacun ses goûts !
A votre avis, est-ce important qu’il y ait des collectionneurs comme vous dans le jury ?
Comme c’est la première fois que je fais partie du jury, je suis ce qu’on appelle un « nomade », c’est-à-dire que pendant les délibérations j’ai chaque fois dû changer de tables après les discussions de 4 catégories. Au final, je me suis donc retrouvé attablé avec tous les membres « résidents » du jury. J’ai bien remarqué que certains jurés étaient quelque peu sceptiques quant à ma présence et se demandaient qui était ce type qui se maquille. Mais j’apporte un regard différent dans le jury. Au déjeuner, mon voisin de table était justement une de ces personnes qui n’avaient pas nécessairement envie de parler avec moi ; je lui ai montré quelques-unes de mes montres et son attitude a changé car nous avons trouvé un langage commun.
Vous portez une Seiko, mais quelle est la montre dont vous rêvez ?
Aujourd’hui, je suis allé à la boutique de Genève pour voir la montre d’aviateur Patek Philippe en or blanc. Je l’ai en fond d’écran de mon iPad mini et, depuis Baselworld cette année, c’est une montre que j’envisage d’acheter. Mais aujourd’hui, je l’ai juste regardée de plus près et essayée. Si je dois l’avoir, je l’aurai, mais j’ai appris à être patient. Si j’avais un conseil à donner, c’est d’apprendre la patience. Trouver la bonne montre peut prendre plusieurs années, mais un jour, elle se présente à vous. Beaucoup de gens ne trouvent pas les montres qu’ils veulent, ou n’ont pas les moyens de les acheter et on sait bien comment ça se passe avec les listes d’attente. Mais ça ne me préoccupe pas. Si je dois avoir cette montre, elle viendra à moi. Sinon, tant pis.