Interview du Directeur général Mario Peserico

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An interview of General Manager Mario Peserico - Eberhard & Co
Baselworld - Le nouveau Chrono 4 Geant : un modèle emblématique dans un boîtier traité DLC noir.

 

Kristian Haagen: Au regard de vos 126 ans d’histoire horlogère en Suisse, quel est le plus grand défi que les marques horlogères doivent relever aujourd’hui ?
Mario Peserico : Aujourd’hui, le plus grand problème, c’est la globalisation et le fait que la plupart des autres marques appartiennent à des groupes. Cela les rend très puissantes et laisse peu de place aux indépendants. Bien entendu, Eberhard & Co est fière d’être une entreprise horlogère indépendante et elle entend le rester. Je ne m’en plains pas, je ne fais que réfléchir. Les points de vente ont des espaces d’exposition limités et, depuis que les groupes comptent de cinq à vingt marques, il est de plus en plus difficile de s’imposer. Nous, nous sommes une marque de niche qui produit environ 16'000 montres par an avec des pièces d’entrée de gamme en acier, qui vont de 1'500 à 7'000 euros, et des pièces en métaux précieux, qui valent 7'000 euros et plus.

 

 

 

 

 

 

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Comment menez-vous votre communication dans un tel environnement ?
Il est nécessaire que nos montres soient perçues comme uniques, non seulement dans les campagnes de publicité mais également à travers le marketing mix. Nous essayons toujours de développer des montres différentes de la concurrence. Nous avons breveté un mouvement à 8 jours de réserve de marche bien avant tout le monde et,  avec le Chrono 4, qui fait l’objet d’un brevet tout aussi important, nous avons lancé un affichage inédit et novateur du chronographe. Quand d’autres misent sur les ambassadeurs, nous nous concentrons sur les produits.  
 
Quels sont actuellement les propriétaires d’Eberhard & Co ?
C’est une entreprise horlogère indépendante.  Elle a été détenue par la famille fondatrice jusqu’en 1969, date où elle a été reprise par quelques investisseurs, Palmiro Monti notamment. Ce dernier est décédé en 2004 et sa fille, Barbara Monti, lui a succédé. Elle possède la majorité des parts et elle occupe le poste de CEO.

Quel est le marché le plus important ?
L’Europe a été et reste le marché le plus important. Il représente environ 70% de nos ventes annuelles. Nous avons ouvert les Etats-Unis en 2001 et nous attendons beaucoup du marché américain où nous avons un nouvel agent. Nous comptons sur une belle progression mais en termes de valeur, pas au niveau de la quantité.

En parlant de croissance, quelles sont vos perspectives immédiates ?
Nous sommes face à une situation de déséquilibre. Nous avons une grande visibilité en Europe, là où nous réalisons la majorité des ventes, mais ces marchés sont aujourd’hui fragilisés. Par ailleurs, nous sommes confrontés à une pénurie de mouvements due à la réglementation d’ETA (fournisseur appartenant au Swatch Group) et nous ne pouvons pas augmenter notre production. Aussi, en termes de croissance, je ne pense pas que nous dépasserons les 5 à 10% naturels.
 
Comment se répartissent les ventes entre hommes et femmes ?
Bien que, depuis l’origine, nous sommes des spécialistes du chronographe qui s’adresse naturellement à une clientèle masculine, il se pourrait que l’on revienne à la situation des années 1910, époque où nous avons lancé nos premières montres dames. Nous proposons une collection très féminine avec les modèles Gilda, pas des versions réduites de montres d’hommes mais de vraies montres de femmes, complètement différentes. En outre, les femmes d’aujourd’hui achètent leurs propres montres alors que, il y a seulement quelques années, elles se les faisaient offrir par leurs conjoints.

 

Quel est le modèle phare actuellement ?
Le Chrono 4. Il a été lancé en 2001 et il offre un mode de lecture complètement nouveau du chronographe. On le reconnaît facilement de loin. Je me dois de mentionner aussi le Chronographe Extra-Fort, un modèle lancé en 1940 qui fait toujours partie de notre collection.

Parmi les nouveautés présentées à BaselWorld cette année, laquelle vous paraît la plus intéressante ?
Ce pourrait être le nouveau Chrono 4 Geant présenté dans un boîtier traité DLC noir. C’est la première fois que nous utilisons ce revêtement qui consiste à injecter du carbone. Le PVD est plus habituel mais bien moins résistant.
 
A votre avis, quelle tendance se dégagera de l’horlogerie suisse dans les prochaines années ?
Nous entrons dans une période de défis, essentiellement pour le segment d’entrée de gamme, et ce, à cause des restrictions du Swiss Made. La nouvelle réglementation va engendrer une augmentation considérable des coûts de production et certaines entreprises vont disparaître. De plus, la globalisation implique que nous voyons de plus en plus la même chose, où que l’on soit dans le monde. Avec les boutiques qui s’implantent partout, qui se ressemblent et qui offrent les mêmes produits, on ne sait plus dans quelle ville on est, à Sao Paulo, à Milan ou à Dubai. Je pense que c’est regrettable. Heureusement que les marques horlogères indépendantes apportent des innovations et des idées originales. J’ose espérer que les consommateurs apprécieront leur créativité et se tourneront vers elles.

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