L’intégration verticale chez Bulgari horlogerie vue par Guido Terreni

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Guido Terreni on vertical integration at Bulgari’s watch division - Bulgari
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Le directeur de la section horlogerie de Bulgari se penche sur le développement de la formidable capacité de production de la marque.

Cela fait 17 ans que vous travaillez chez Bulgari. Comment la division horlogerie a-t-elle évolué durant cette période ?
J’ai commencé à travailler chez Bulgari en l’an 2000 et aujourd’hui tout est complètement différent. Mais le monde a beaucoup changé aussi. A l’époque les Japonais menaient la danse, ils achetaient des montres partout et nous devions avoir du personnel parlant japonais dans nos boutiques. Maintenant ils ont été remplacés par les Chinois, qui ont des goûts différents, tandis que les goûts des Japonais – à tout le moins en ce qui concerne les montres pour hommes – étaient plus proches de ceux des Occidentaux.

Donc il y a eu une évolution dans les goûts, une évolution dans la clientèle et une évolution dans les matériaux, parce que les modèles en or, acier-or et or rose existaient à peine à l’époque. Et enfin, et ce n’est pas le moins important, il y a eu une immense évolution dans la compréhension de ce que signifie l’horlogerie. Jusqu’en 2000 c’était relativement facile de construire une marque avec un beau design et de faire assembler les montres par un tiers. De nos jours c’est beaucoup plus difficile d’entrer sur le marché parce qu’il faut avoir un pedigree et une légitimité, et c’est ce que nous avons construit pendant les 17 dernières années.

"Lorsque j’ai commencé, nous avions 50 boutiques, maintenant nous en avons 300."

Avez-vous ressenti le besoin d’une intégration verticale au sein de la division horlogère de Bulgari à un moment précis ou cela est-il arrivé organiquement ?
Je crois qu’il y a deux dimensions dans cette affaire. D’un côté il y a les choses telles que vous les voyez vous-même ; et de l’autre la façon dont elles vont réellement se dérouler. Nous savions ce que nous voulions faire mais y parvenir a été un long processus. Le moment déterminant a été l’acquisition de Gérald Genta en juillet 2000. Cela nous a donné l’occasion de comprendre l’expertise de la haute horlogerie. Lorsque j’ai dû incorporer à la fois Gérald Genta et Daniel Roth à Bulgari en 2009, cela a évidemment accéléré tout le processus d’intégration verticale.

Il est important de souligner que Bulgari est synonyme d’expression esthétique avant tout, ce qui est assez unique dans l’industrie horlogère. Mais sans pouvoir s’appuyer sur un savoir-faire, il serait impossible de parfaire cette expression et une montre comme l’Octo n’aurait jamais pu voir le jour.

Est-ce que l’important degré d’intégration verticale, y compris la manufacture de boîtiers et de cadrans, contribue aussi au développement d’une montre aussi particulière que l’Octo ?
Oui, bien sûr. Tout d’abord, vous ne pouvez pas acheter un mouvement ultraplat sur le marché ouvert, car les quelques marques qui les produisent les conservent précieusement. Ensuite nous voulions notre propre version d’une montre extraplate, qui est très éloignée de la nature distinguée des produits de nos concurrents et plus portée vers l’élégance quotidienne. Sans les capacités techniques que nous avons développées, nous n’aurions pas été capables de faire cela, et avec elles nous avons un point de différenciation.

Selon ce qu’en disent les passionnés et les clients, la nature extraplate de l’Octo et son record mondial ne sont pas nécessairement la raison principale pour laquelle les gens apprécient (et achètent) l’Octo Finissimo. Avez-vous les mêmes échos ?
Oui, le record mondial n’est assurément pas la raison principale qui incite les gens à acheter l’Octo Finissimo. Mais c’est la raison pour laquelle la montre a fait autant de bruit lorsque nous l’avons présentée à Baselworld. La montre présentait une esthétique entièrement nouvelle, mais cette esthétique n’aurait pas été possible sans le mouvement ultraplat. Nous aurions pu réaliser la finition sablée sur le boîtier original mais cela n’aurait pas été la même montre. Nous voulions par-dessus tout une allure contemporaine.

Guido Terreni nous parle de l’intégration verticale au sein de la division horlogère de Bulgari

Le succès de l’Octo a été confirmé par le nombre de distinctions qu’elle a reçues l’an dernier mais aussi par le succès qu’elle a remporté au niveau des ventes, deux fois plus élevées que ce que nous avions prévu avant le lancement. Ici aussi, ce n’est que grâce à notre intégration verticale que nous avons été en mesure d’adapter notre production pour gérer une telle augmentation de la demande en seulement 8 mois.

Êtes-vous satisfait du niveau d’intégration verticale chez Bulgari ou envisageriez-vous de la développer encore davantage ?
Si vous me demandez si je voudrais intégrer la production d’un autre composant, alors je dirais non. L’amélioration dans d’autres domaines m’intéresse davantage, par exemple au niveau de la logistique afin de nous assurer encore plus de flexibilité. Nous sommes dans l’industrie du grand luxe, ce qui peut impliquer d’énormes quantités de cash. Donc la façon dont nous gérons ce cash peut être très importante. Par exemple nos niveaux de stocks pour les composants sont actuellement deux fois moins importants qu’il y a quelques années parce que nous avons considérablement réduit les délais de fabrication.

Que préférez-vous dans votre métier et quel en est l’aspect le plus difficile ?
Ma plus grande satisfaction est d’emmener la marque du point A au point B. Lorsque je regarde ce qu’était la marque lorsque j’ai commencé et ce qu’elle est devenue aujourd’hui, j’éprouve un grand sentiment de fierté. Je suis très fier de la Serpenti parce que c’était mon premier lancement au poste que j’occupe actuellement et qu’elle a changé la donne dans le domaine des montres pour femmes. Le fait que ce soit le produit le plus vendu de la marque prouve que lorsque vous avez quelque chose qui défie les conventions cela marche beaucoup mieux que de simplement essayer de copier ce que tous les autres font.

L’un des plus grands défis est de concilier les différentes cultures d’une équipe de design italienne et d’une équipe de développement de produit suisse. Mais chez Bulgari le côté technique est toujours au service du design et l’équipe de développement de produit s’est adaptée à la manière italienne de faire les choses, où prendre le temps et bien réfléchir à l’esthétique est plus important que d’avoir une liste de spécifications. Nous sommes parvenus à un bon compromis, chacune des parties respectant la philosophie de l’autre, mais cela a pris du temps.

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