Interview de Jean-Christophe Babin

Le CEO du groupe Bulgari revient sur les Geneva Watch Days 2021, les 20 ans du GPHG et l’évolution de sa marque

Vous aviez initié les Geneva Watch Days en 2020, la seconde édition vient de s’achever, envisagez-vous de les reconduire en 2022 ?
Là où les salons traditionnels ont échoué, les Geneva Watch Days se sont montrés plus agiles, plus flexibles, complètement décentralisés. Chaque marque est libre d’y participer ou pas, et d’exposer là où elle le souhaite : boutique, hôtel, manufacture. La tente commune est ouverte au public gratuitement. Tout est autogéré par les marques qui dédient à cette organisation un chef de projet, et nous choisissons ensemble nos critères de sécurité, d’hospitalité, de promotion etc...  En cas de problème conjoncturel ou sanitaire, il est possible d’adapter la date très facilement, sans coût fixe d’entité organisatrice. On gagne ensemble ou on perd ensemble. Les Geneva Watch Days sont devenus une marque, il est tout à fait envisageable d’exporter le principe dans d’autres villes et nous en discutons. La troisième édition se tiendra sans doute fin août 2022 à Genève, juste avant la période la plus importante de ventes de montres de luxe qui intervient de septembre à janvier, ce qu’apprécient de nombreux détaillants. Entretemps, Bulgari exposera au printemps à Genève, où toutes les marques se trouveront alors, mais nous n’avons pas encore tranché si nous accueillerons nos clients au sein de Watches and Wonders ou en ville.

Geneva Watch Days 2021 : clap de fin

Comment s’adapte Bulgari dans cette situation sanitaire qui ne s’améliore pas aussi vite qu’espéré ?
Dans la mesure où pratiquement tous les magasins ont pu ouvrir dans le monde entier, à part quelques fermetures épisodiques, nous nous trouvons dans un contexte beaucoup plus favorable.  D’ailleurs les exportations horlogères sont revenues à leur niveau de fin juillet 2019, qui n’était pas une mauvaise année. Cette reprise concerne aussi Bulgari qui bénéficie d’une croissance à deux chiffres depuis le début de l’année, renforcée par le lancement de la collection Aluminium qui a conquis une nouvelle clientèle, plus jeune, rentrant sur le segment du luxe et pour qui Aluminium est un produit tout à fait adapté. C’était aussi le rôle de Seduttori lancé auprès des femmes l’année précédente, qui a pris son essor, alors qu’Octo s’est montré très résilient. Pour accompagner cette croissance, nous avons laissé nos ateliers ouverts pendant les vacances horlogères cet été afin de maintenir nos capacités de production, et je remercie d’ailleurs tous nos employés qui ont accepté de travailler pendant cette période. La principale conséquence de la crise sanitaire est l’arrêt du travel retail, le tourisme d’achat de luxe notamment très important pour les Chinois, qui pouvaient s’offrir la business classe en économisant la TVA sur les achats de luxe. En fin de compte cette part du marché est très volatile car elle peut aussi souffrir des taux de change ou des règles douanières. Comme beaucoup de marques, Bulgari s’est depuis focalisée sur la clientèle locale pour redresser la barre. Les progressions de nos boutiques sur ce segment en Europe et Etats-Unis sont énormes. Nous nourrissons l’espoir de voir les résultats de 2021 dépasser ceux de 2019.

Interview de Jean-Christophe Babin

Observez-vous de nouvelles tendances parmi votre clientèle en matière de consommation ?
Pas vraiment en matière de goûts, mais plutôt en ce qui concerne les attentes des clients. Leurs besoins de compréhension de ce qui se trouve derrière le produit a augmenté : éthique, transparence, éco-responsabilité sont des dimensions qui ont pris plus d’importance, notamment chez les plus jeunes. Aujourd’hui Bulgari doit non seulement être une grande marque horlogère et joaillière en termes de qualité, mais également afficher des valeurs de générosité et de transparence. En comparant des marques aux produits équivalents, la jeune clientèle place l’honnêteté dans ses critères de choix finaux.

La saga des Octo Finissimo a marqué la décennie écoulée de manière spectaculaire, quelle sera la nouvelle locomotive des montres Bulgari ?
Tout d’abord je crois qu’il faut se libérer de l’obligation d’obtenir un record tous les ans. Après sept records du monde et 60 distinctions internationales, l’Octo Finissimo restera dans la décennie à venir comme la montre la plus primée de l’histoire de l’horlogerie, et la montre qui a donné à Bulgari sa pleine légitimité horlogère.  C’est un acquis et l’objectif a été atteint, même si rien n’est exclu pour 2022 ou 2023.

Si l’on compare avec l’industrie automobile, la gamme Octo Finissimo en titane représente pour moi la Supercar : extrême, très performante, produite en petites quantités. L’essentiel du marché provient des voitures GT. Nos GT, ce sont les Octo Finissmo en acier. Poli-satinées, avec couronne vissée et étanche à 100 mètres, elles correspondent à un style plus familier, se portent au quotidien et entrainent plus de volume. Mais leur succès découle de celui de la Supercar, celle qui fait la différence. Par ailleurs, nous remarquons à quel point l’Octo Roma on a une boite extraordinaire et un potentiel énorme. Toutes nos grandes complications sont déclinées dans la ligne Octo Roma, qui offre cette polyvalence exceptionnelle depuis la SoloTempo à CHF 5500.- jusqu’à la Grande Sonnerie à CHF 900'000.-. Nous venons d’illustrer cette fabuleuse diversité de l’Octo Roma durant les Geneva Watch Days avec le Worldtimer à CHF 8'150.- et le Papillon Central Tourbillon à 124'000.-, qui s’adressent au cœur du marché appréciant toujours les montres avec un certain poids et volumes. Générant du volume, elles complètent l’Octo Finissimo dont les caractéristiques plus extrêmes séduisent une clientèle plus exclusive.

Interview de Jean-Christophe Babin

Quelle est votre pièce préférée de ces Geneva Watch Days ?
Pour la femme, je suis vraiment amoureux de la Divina Mosaica Répétition Minute ! Le pavage mosaïque couplé pour la première fois au saphir rouge sur le cadran de la Diva offre une combinaison très intéressante. Je pense que cette collection va avoir un immense succès : dans l’horlogerie joaillière elle est vraiment innovante, légitime et unique par les couleurs et pierres précieuses utilisées. Cette plateforme peur évoluer dans l’avenir et utiliser d’autres pierres et couleurs pour une collection très colorée.

Côté masculin, je pense que l’Octo Roma Papillon Central Tourbillon est une montre tout à fait exceptionnelle, surtout à CHF 124'000.- ! A la fois simple et très élégante, elle apporte aussi de la sophistication avec son heure sautante, ses deux aiguilles Papillon pour les minutes, cette rotation à 180° qui se fait toutes les 60mn lorsqu’une aiguille Papillon remplace l’autre. L’ensemble se distingue de manière très originale mais dans un style épuré autour de son tourbillon central au cœur du produit. Ce sera une des montres fortes de l’année pour Bulgari.

Interview de Jean-Christophe Babin

Vous venez de présenter aussi une nouveauté Gérald Genta
En effet, l’Arena Retro Mickey Mouse est la 3e exécution depuis le relancement de la marque.  Nous avons choisi la boîte Arena pour son caractère très fort, et le mouvement rétrograde que nous avons décidé d’utiliser dorénavant uniquement pour Gérald Genta. Il reste produit par la manufacture Bulgari. Le bras de Mickey qui indique l’heure de manière rétrograde donne un air joyeux à cette pièce très accessible, dont la série limitée de 150 exemplaires vendue uniquement sur notre boutique en ligne est pratiquement déjà épuisée. Dans le cadre de l’accord passé avec Walt Disney, ce modèle Mickey sera sans doute suivi d’autres séries limitées avec leurs personnages.

Le GPHG fête cette année son 20e anniversaire, vous avez été appelé à de nombreuses reprises sur scène pour y recevoir un prix (pour Bulgari et auparavant TAG Heuer), lequel vous tient le plus à cœur ?
L’Aiguille d’Or forcément, car nous sommes peu à l’avoir gagnée. C’était d’autant plus remarquable avec TAG Heuer que la marque n’était pas forcément reconnue à l’époque comme de la haute horlogerie. Les innovations apportées durant toute cette période ont convaincu le jury d’accorder cette distinction suprême à TAG Heuer. Je suis bien sûr très fier de toutes celles que j’ai pu obtenir avec mes équipes pour Bulgari, parfois par paire, et j’espère que nous décrocherons aussi l’Aiguille d’Or avec Bulgari !

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