Interview de Jean-Christophe Babin

Image
Interview with Jean-Christophe Babin - Bulgari
6 minutes read
Rencontré à Capri lors du lancement de la nouvelle collection de Haute Joaillerie Cinemagia, le CEO de Bulgari évoque les collections phares de la Maison, notamment les montres pour dames.

Bulgari fait-elle partie des marques horlogères qui tirent leur épingle du jeu en ce moment malgré un tassement du marché ?
Oui et non : oui, car Bulgari gagne clairement des parts de marché, et non, car nous sommes en train de fermer pratiquement la moitié de notre réseau de distribution. Nous allons nous concentrer sur les 300 points de vente qui réalisent 80% du chiffre d’affaires. Ce processus a démarré l’été passé quand nous en comptions 600 et va durer encore une année, ce qui implique une reprise des stocks et une baisse de chiffres d’affaires. Ce redimensionnement inclut aussi le retrait de la joaillerie du réseau de détaillants, que nous vendrons en exclusivité dans nos propres boutiques, également au nombre de 300 avec les habituelles adaptations qui s’effectuent selon les marchés. Les détaillants restant dans notre réseau sont, par définition, très engagés et nourrissent une approche différente de ceux dont nous sommes en train de nous séparer, ce qui nous permettra au bout du compte de regagner du terrain plus efficacement. En termes de ventes aux clients finaux, notre croissance se maintient à un taux plus élevé que celle des exportations horlogères.

Interview de Jean-Christophe Babin

Savez-vous si l’Octo Finissimo plaît à un type d’hommes en particulier ?
Si je regarde les ventes de la famille Octo en volume, le constat est assez intéressant, car elles se répartissent assez bien entre les trois lignes Finissimo, Originale et Roma, qui, en effet, correspondent bien à trois types de clientèle différents. L’Originale correspond à quelqu’un qui aime les montres très fortes en caractère, tandis que Roma est une montre plus facile à porter et plus accessible, qui touche une clientèle plus jeune. La Finissimo séduit avant tout les connaisseurs, qui possèdent plusieurs montres et veulent ajouter à leur collection une montre très différente avec une personnalité propre. C’est clairement elle la vedette, mais on observe un effet wagons et les trois gammes s’avèrent très complémentaires et se développent au même rythme.

Interview de Jean-Christophe Babin

À quoi ne vous attendiez-vous pas au moment de la lancer en 2012 ?
Il s’agit d’une collection que nous avons créée de manière rapide et intensive, mais bâtie pour durer, afin de faire bénéficier les clients d’un choix intéressant. Je ne m’attendais pas à un tel prix d’estime que la Finissimo a remporté auprès des connaisseurs, qu’il s’agisse de clients ou de journalistes spécialisés. J’avais sous-estimé son potentiel esthétique. Au bout du compte, avec des moyens beaucoup plus modestes que pour le lancement de la collection Lvcea, cette collection est devenue majeure dans notre portefeuille, à égalité avec la Lvcea, juste derrière Serpenti. Elle est bien sûr en tête chez les hommes. C’est une formidable réussite.

2019 est justement une année Serpenti forte avec la création de la famille Seduttori. Pensez-vous toucher une nouvelle clientèle féminine ?
Oui, absolument. D’une part Bulgari ne disposait pas d’une offre de montres en or assez importante, ou alors très chères du fait des trois tours du bracelet en or Serpenti. Sur la Lvcea, la moitié des montres vendues sont en or, mais avec un bracelet cuir. Il nous manquait une montre entièrement en or accessible, dont nous disposons dorénavant. D’autre part, la Serpenti Seduttori se veut aussi plus simple à porter, avec un bracelet moins clivant que celui de la Serpenti. Son design s’inspire toujours de Serpenti mais de manière plus subtile. C’est une montre qui se porte au quotidien. Enfin, son positionnement prix la situe de manière très compétitive par rapport aux autres grandes marques de luxe sur le segment du bracelet or.

Interview de Jean-Christophe Babin

Est-ce que le marché de la montre dames passe par les mêmes remises en question que celui des montres pour hommes (changement de comportement des consommateurs, essor de l’occasion, timidité des détaillants, etc.) ?
De facto oui, car il est intégré au marché horloger global, mais ce qui continue à m’interpeler c’est qu’il reste sous-investi par rapport au marché masculin et sous-investi en termes de créativité également. On le voit très bien, par exemple, au Grand Prix d’Horlogerie de Genève dont les trois-quarts des catégories sont masculines. Or, la montre pour dames devrait constituer clairement la partie la plus importante du marché, alors qu’elle n’en représente que 35%. Il n’y a que très peu de montres femmes qui sont nées pour leur être destinées, pourtant le peu de montres pour dames dans ce cas ont remporté de grands succès. Bien sûr chez Bulgari, mais aussi chez Cartier ou Chopard. Alors que lorsqu’il s’agit d’une montre femme dérivée d’une montre homme, la réussite s’avère moins fréquente. Sans compter que, pour une femme, c’est émotionnellement moins fort. Les horlogers suisses devraient s’intéresser beaucoup plus à la femme et créer des montres à leur attention au lieu de faire des petits modèles pour femmes après les lancements des modèles hommes. Il n’y a pas de raison que ce marché soit autant masculin.

Interview de Jean-Christophe Babin

En ce qui concerne la montre joaillière, comment se positionne Bulgari pour marquer sa différence par rapport à d’autres grandes maisons actives dans la joaillerie ?
C’est assez simple, car Bulgari est historiquement un joaillier. Nos créations se répartissent en trois pôles : Le Magnifiche rassemble des pièces extraordinaires de haute joaillerie que nous exposons par exemple ici à Capri, en parallèle, chaque année, nous suivons un thème majeur comme par exemple Cinemagia en 2019, dévoilé pour la première fois lors de l’événement de Capri et finalement notre troisième axe de création se compose des collections que nous appelons nos signes : Diva, Fiorever, Serpenti etc. En conséquence, la montre joaillière répond à cette même logique, car nous développons aussi des pièces uniques, telles que des manchettes en saphir baguette avec montre à secrets ou avec des pièces de monnaie deux fois millénaires comme celle de Constantin, exactement comme Le Magnifiche. Et naturellement, nous déclinons nos signes iconiques tels que Diva ou Serpenti en montres joaillières, avec certainement un focus important sur Fiorever très prochainement.

Interview de Jean-Christophe Babin

Quelle est la plus belle des reconnaissances sur ce segment ?
À Capri, lorsque nous avons dévoilé à nos meilleurs clients les nouveautés de haute joaillerie, il se trouve que la première pièce qui s’est vendue était justement une montre joaillière : une montre secrète Serpenti manchette. C’est extrêmement appréciable d’être reconnu sur ce créneau pour son savoir-faire horloger lorsqu’il est mis en scène par un vrai joaillier.

Le groupe LVMH a annoncé organiser son salon horloger début 2020 dans votre hôtel Bulgari de Dubai. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Comme nous l’avons annoncé avec Stéphane Bianchi, l’agenda 2020 avec les 2 salons que sont Genève et Baselworld organisés fin avril-début mai, ne convient pas du tout : ils sont beaucoup trop tard pour les clients. Imaginez : la moitié de l’année est déjà passée ! Telle est la raison pour laquelle nous avons décidé de combler l’espace laissé libre en janvier par notre pré-Bâle que nous organisions à Genève en parallèle au SIHH. Cet événement regroupant les 4 Maisons LVMH va permettre à nos partenaires de planifier l’année de manière optimale, alors que les médias pourront découvrir un ensemble impactant de nouveautés. Ceci dit, les 4 Maisons seront présentes à Baselworld en mai également comme déjà mentionné. 

Marque