« Nous sommes une marque menée par le style, pas par la technique.»

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“We are a brand driven by style, not by technical matters” - Bulgari
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Depuis son bureau neuchâtelois, Guido Terreni, directeur général de Bulgari Watches, répond aux questions de Worldtempus. Italien de naissance et Suisse d’adoption, il détaille sa vision de la marque, ses spécificités et ses forces horlogères.

Comment la montre Bulgari se répartit-elle entre hommes et femmes ?

Depuis des années, Bulgari parle à son interlocuteur naturel, la femme. Et nous avons un potentiel de développement énorme car la marque est très puissante. Avec l’entrée dans le groupe LVMH, nous nous sommes axés sur notre core-business, c'est-à-dire dans l’ordre: le bijou, la montre féminine et l’horlogerie masculine.

Comment est née cette horlogerie masculine ?
Dans les années 70, Bulgari n’avait rien à offrir aux hommes qui pénétraient dans ses boutiques. Les frères Bulgari ont donc créé la Bulgari Roma, leur première montre masculine, qui va fêter ses 40 ans. En 1982, nous avons créé Bulgari Time, basée à Genève, avant de déménager à Neuchâtel. Dans les années 2000, nous avons entamé une verticalisation en acquérant des fabricants de boîtes, de bracelets, de cadrans et enfin de haute horlogerie, les manufactures Gérald Genta et Daniel Roth. En 2011, nous avons fusionné toutes ces entités dans Bulgari Horlogerie, pour que tout le monde se parle directement. Cette vision chorale nous offre une culture produit plus riche.

Pouvez-vous nous présenter les gammes que vous proposez ?
Il y en a eu beaucoup. Mon travail depuis cinq ans est de couper les arbres un peu secs. Aujourd’hui, Serpenti est notre gamme leader en valeur. B01 est notre accès à la marque, une gamme plus fraîche, un objet joyeux et ludique. Bulgari Bulgari est notre ligne la plus institutionnelle. On aime ou on n’aime pas le logo gravé sur la lunette. Et enfin, Lucea est notre nouveau pilier.

 

Bulgari-Serpenti


A quelles ambitions répond-elle ?
Elle a été conçue pour être ronde, bicolore et iconique. Nous n’avons pas tant de montres rondes que cela. Lucea a été pensée sur la base de sa version or et acier et elle a une identité Bulgari forte, qui ne passe pas par son logo. Elle est très bijou, très forte et quotidienne. Et bien sûr, nous avons nos gammes de montres joaillières, les Diva entre autres, où la créativité est plus libre et où nous exprimons un grand glamour. Cela confine à des pièces de haute joaillerie, comme celles de notre prochaine collection qui sera présentée à la Biennale des Antiquaires de Paris, Musa.

Et pour les hommes ?
La nouvelle Octo synthétise nos compétences horlogères et design. Elle est née de l’héritage Gérald Genta mais elle est l’ambassadrice de notre savoir-faire : sa boîte possède 110 facettes et pas une n’est à un angle de plus de 45 degrés. C’est son cadran qui met tout le monde d’accord, comme le bassiste dans un orchestre. La boîte apporte de la complexité et le cadran doit amener le calme et la subtilité. Ce noir laqué et poli est profond. Ce n’est pas juste un noir "bête", il a de la sophistication. Sans parler de la souplesse et du confort du bracelet en métal.

Comment avez-vous pensé ses versions ultraplates ?
La boîte a été redessinée, en gardant ses 110 facettes, mais celle du Tourbillon Finissimo mesure 5 mm d’épaisseur. Sur la Finissimo, nous n’avons pas creusé la petite seconde pour économiser en hauteur. Nous avons gardé une surface noire lisse, qui fait partie de l’ADN du modèle. Et nous l’avons décalée à 7h30 pour conserver les index 6 et 12 qui sont une de nos signatures. Nous sommes bien une marque menée par le style, pas par la technique.

 

Bulgari Octo


Et les autres gammes ?
Bulgari Bulgari fête ses 40 ans l’année prochaine. Son inspiration de base est celle de la numismatique, et de l’époque où les empereurs frappaient leur nom sur des pièces. La Bulgari Roma est un souvenir de la marque qui s’affirme. Giorgio Bulgari avait par exemple mis une enseigne qui couvrait trois vitrines de la boutique Bulgari de Rome à une époque où on ne montrait pas son nom. C’était sa personnalité. Diagono, ce sont beaucoup nos chronographes et enfin la boîte Roth (NDLR : un cercle coupé de deux pans verticaux sur les côtés) marche très bien avec les grandes complications. Le reste a été écarté car né d’une culture de joaillerie où l’on fait une collection par an. En horlogerie, ce n’est pas possible et j’admets volontiers que c’était une erreur.

D’où proviennent vos mouvements ?
Pour la femme, nous avons peu besoin de mouvements de manufacture. Nous prenons des mouvements à quartz ETA pour les Serpenti et les B01. Les boîtes sont trop petites pour autre chose. Les automatiques utilisent de l’ETA. Et nous avons aussi des complications, que les femmes achètent de plus en plus, comme le Tourbillon Rétrograde Berries, le Giardino Tropicale…

Et pour les modèles homme ?
Le premier moteur Bulgari a été lancé en 2007. C’était un chemin périlleux et un projet pénible et très formateur. Avec le Bvl191, il est maintenant abouti. Le Solotempo a sa signature, son design et surtout beaucoup de couple pour accueillir des complications qui sont en développement. Le calibre Finissimo (NDLR : 2,23 mm de hauteur pour 70 heures de réserve de marche) est dans un segment très différent. Il fait 15 lignes (33,8 cm) car j’aime bien remplir le côté fond. Cela permet au calibre de respirer et d’étaler ses composants.

Quel chronographe utilisez-vous ?
L’année dernière, nous avons mis un premier El Primero dans une Bulgari Bulgari. Cette année, nous l’utilisons dans l‘Octo Velocissimo, nommé ainsi en hommage à sa fréquence de 5 Hz. Nous avons des engagements de quantité de Zenith (NDLR : également membre du groupe LVMH), et le P400 va devenir le chrono de Bulgari.

Et en ce qui concerne les complications ?
Notre manufacture de haute horlogerie du Sentier, dans la Vallée de Joux, a la capacité de sortir des innovations très fortes. Nous avons par exemple 4 différents mouvements de répétition minutes et de grande sonnerie. Face à la baisse d’exclusivité du tourbillon, la Grande Sonnerie est la sublimation de l’art horloger et nous avons trois personnes qui les assemblent.

Un mot sur l’Ammiraglio del Tempo ?
C’est un chronomètre à détente, force constante et répétition minutes que nous avons présenté à Bâle cette année. C’est la première boîte d’origine Roth qui est vraiment Bulgari. Elle a été redessinée, plus moderne, sans ses godrons, avec un cadran pur et sculpté dans la matière. Pour la longévité, il faut cette pureté, pas de baroque. Et la technique est au service de cela: de l’émotion. On ne voit même pas le levier d’armage de la sonnerie, intégré dans une des cornes. La montre est grande; elle permet de voir les timbres cathédrale à travers la glace saphir bombée et crée une caisse de résonance.

 

Bulgari_Ammiraglio-del-Tempo.jpg


Quelle importance a cette montre pour vous ?
C’est important de continuer à consolider l’image d’une marque de bijoutier qui sait faire de la haute horlogerie. Nous avons un vrai savoir-faire, mais il nous reste du chemin pour continuer à le développer.

Privilégiez-vous une logique industrielle ?
Nous privilégions le savoir-faire. Cadrans Design, aujourd’hui Bulgari Cadrans, faisait des cadrans en très petites séries. Aujourd’hui, sans baisse de qualité, nous livrons 30 000 cadrans par an et 99% d’entre eux le sont à temps. Notre fabricant de boîtes est passé de 5 000 à 38 000 unités produites par an, en gardant la qualité. Mettre des gens sous le même toit, sous le même nom, cela rassemble. Ainsi, avec cette approche intégrée, on a fédéré et engagé plus de 30 personnes dans la manufacture du Sentier. Et en parallèle, notre prix moyen de vente pour homme a été multiplié par 3 en 10 ans.

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