Interview avec Marc A. Hayek

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Interview with Marc A. Hayek - Breguet
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Marc A. Hayek, Président et CEO de Breguet, parle de 2020.

Honneur aux dames, comment se porte la Reine de Naples après presque deux décennies ? Sa clientèle a-t-elle évolué ?
Il m’arrive de penser que le succès de la Reine de Naples est trop important ! Elle reste au sommet des ventes mondiales, à commencer par la version originale en petite et moyenne tailles. Sa déclinaison Princesse séduit les plus jeunes, de même que les animations chromatiques annuelles qui ont récemment conquis les jeunes femmes dynamiques, sensibles aux tendances. C’est magnifique de pouvoir compter sur une montre pour dames aussi forte, qui s’adresse à toutes les générations : établies en Europe, nettement plus jeunes en Asie. Nos clientes apprécient son design et les complications qu’elle offre telles que les phases de lune ou la réserve de marche, et certaines s’avèrent attachées à son histoire liée à la Reine de Naples.

Interview avec Marc Hayek

Le millésime 2020 de la Tradition offre un visage beaucoup plus contemporain avec la Quantième Rétrograde, quel a été son accueil dans le monde ?
La collection Tradition est en général très bien perçue et cette nouveauté a reçu un accueil positif en dépit d’une année particulière. Elle permet de nourrir la relation avec les collectionneurs et les connaisseurs qui comprennent le patrimoine historique de la Tradition, tout en touchant une nouvelle clientèle moderne attirée par son esthétisme plus contemporain. A la base, son architecture s’avère spéciale et très technique, or cet habillage renforce son caractère contemporain et séduit un nouveau segment de marché. Ainsi la collection s’élargit, tout en conservant son harmonie. Elle joue un double rôle : préserver la tradition à laquelle sont sensibles les profils classiques de connaisseurs, convaincre par son design les adeptes de montres modernes, moins au fait de l’histoire horlogère de Breguet.

Interview avec Marc Hayek

Dans la collection Classique, le nouveau Double Tourbillon Quai de l’Horloge est impressionnant, quel a été le plus grand challenge et que retenez-vous principalement de cette pièce ?
Nous avons tenté de repousser les limites dans tous les domaines, et il nous a fallu plusieurs années pour y parvenir, sans compter l’acquis du double tourbillon précédent qui a été adapté et redéveloppé pour ce modèle. L’intérêt de cette pièce réside dans ses deux visages, tous deux extrêmement sophistiqués. Le défi de la gravure artisanale miniature au dos est hallucinant, il faut plusieurs semaines de travail à la main pour aboutir à ce décor minutieux. Si on s’intéresse à l’histoire, on découvre beaucoup de détails et de motifs qui racontent ses secrets, on plonge dans la culture européenne et parisienne de l’époque, dans celle de Breguet elle-même ou dans le métier d’horloger. Le tout en conservant une épaisseur limitée. Côté face il s’agissait de redonner de la légèreté et de la transparence mais également de la profondeur mettant en valeur le mouvement et la complexité horlogère. Chaque exemplaire nécessite plusieurs mois de fabrication, la gravure manuelle de chaque pièce la rend unique, et le montage s’avère extrêmement compliqué, ce qui limite sa production à quelques pièces par an.

Interview avec Marc Hayek

Quel format d’exposition auriez-vous tendance à privilégier ces prochains temps pour présenter vos nouveautés ?
Comme vous le savez, la réflexion a commencé pour nous en 2018 avec notre départ de Baselworld. Nous avons besoin de flexibilité, et de pouvoir mettre le client final au centre de la réflexion. Se libérer d’une contrainte temporelle artificielle nous a été très bénéfique. Nous ne sommes pas dans la viticulture dont le millésime dépend de la nature, nous devons pouvoir nous adresser aux clients plusieurs fois par an, à différents endroits, comme dans l’automobile ou la mode, sans être obligés de tout dévoiler en une fois. Nous avions déjà plusieurs niveaux de présentation à Bâle, car la communication avec les détaillants n’est pas du tout la même que celle des particuliers, plus proche de celles des journalistes. La double approche présentielle et digitale est idéale, avec un événement permettant à des invités de découvrir des nouveautés autour d’une table, tout en se connectant avec des passionnés à l’autre bout du monde qui peuvent vivre cette expérience au même moment. Notre industrie doit tourner la page et s’orienter vers un nouveau format, comme les Fashion Weeks, avec des Watch Weeks à différents endroits, ouvertes à tous, c’est la direction que nous souhaiterions prendre.

Quels marchés vous paraissent les plus résilients cette année ?
Celui qui résiste le mieux est la Chine, d’autant que les Chinois ne peuvent pas voyager, ce qui entraine une performance locale impressionnante, car tous ceux qui avaient l’habitude de s’acheter des montres à l’étranger effectuent maintenant leurs achats à l’intérieur de leurs frontières. La Corée est restée très dynamique aussi, de même que Taiwan. Dans une bonne partie des pays européens, la consommation locale apporte de bonnes surprises, et dans une moindre mesure les USA qui doivent se stabiliser. Les ventes européennes restent inférieures aux années normales mais supérieures à nos attentes. Les clients locaux nous encouragent beaucoup. Le marché le plus touché est la Suisse, trop dépendant des touristes et où nous devons mieux travailler la clientèle suisse. Nos résultats pour l’année sont encourageants. Les changements d’habitude avec le digital nous ont aidés à rester en contact avec notre clientèle, et nous allons augmenter notre accessibilité par ce biais. Les distances géographiques ne doivent plus représenter un obstacle. Le virus a servi d’accélérateur et nous sortirons plus forts de cette période malgré les drames auxquels nous assistons.

2021 rimera aussi avec la biennale Only Watch, savez-vous déjà si et comment vous y participerez ?
Luc Pettavino est toujours aussi actif, c’est une personne fantastique qui donne tout et dont la cause est juste, nous allons bien sûr la soutenir. Cependant le format n’est pas encore défini et nous attendons des précisions, notamment sur l’environnement, mais nous espérons pouvoir décider en toute connaissance de cause quelle sera notre approche produit. D’ailleurs est-ce que le format d’Only Watch comprendra un volet plus digital ? La technologie et la familiarisation à ces présentations devraient permettre d’augmenter la portée d’Only Watch sur des territoires jusqu’à présent inexplorés.

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